Ce 10 septembre 1919, à Saint-Germain-en-Laye, les vainqueurs de la guerre, actaient les frontières actuelle de l’Autriche. L’ancien empire n’était plus.
La fin du fragile équilibre Habsbourg
Pendant des siècles, les Habsbourg avaient maintenu l’unité d’une mosaïque de peuples (Allemands, Croates, Slovènes, Tchèques, Slovaques, Hongrois, Roumains, Polonais, Bosniaques, Serbes, Italiens) réunis dans l’empire par une destinée commune. Le gouvernement de François-Joseph, entre 1848 et 1916, avait répondu avec adresse au réveil des nationalités, supportant mal la tutelle germanique, conservant le fragile équilibre de la région.
Durant l’automne 1918, l’empire, affaibli par les désastres militaires et économiques, explosa. Les nationalités étaient demeurées loyales durant la guerre. La décadence de la structure était maintenant trop prononcée. L’explosion austro-hongroise ne fut pas, cependant, uniquement un réveil des peuples. Le socialisme, inspiré par la Russie et les grèves en Allemagne, chassait les Habsbourg de Vienne, tandis que les leaders nationaux créaient de toutes pièces des États pour des minorités au détriments d’autres. Le traité de Saint-Germain avec l’Autriche, en 1919, puis le traité de Trianon en 1920 avec la Hongrie allaient valider ces naissances.
Il est vrai que l’Autriche payait l’exemple qu’elle avait donné avec l’Allemagne en mars 1918, lors de la signature du traité de Brest-Litovsk avec la Russie communiste, en s’appuyant sur les sentiments nationaux pour créer de nouveaux États. (Ainsi étaient nés Pays Baltes, Ukraine, Pologne et Finlande.)
Concrètement, l’Autriche cédait à l’Italie le Trentin et le Tyrol au versant sud des Alpes. Elle abandonnait à la Serbie les actuelles Croatie, Slovénie et Bosnie. Les Sudètes, la Bohème, la Moravie, la Slovaquie et un morceau de Silésie formaient Tchécoslovaquie. La Galicie, administrée par les forces alliées, deviendrait polonaise en 1923. La Bukovine passait à la Roumanie. L’Autriche obtenait ses frontières actuelles.
Des bouleversements annonciateurs de guerres à venir
Mais le traité ne réglait rien. La république d’Autriche, dès novembre 1918, consciente de son effondrement, avait envisagé un rattachement à l’Allemagne. Des plébiscites illégaux, organisés au Tyrol, avaient donné 99/100 d’avis favorable. Les alliés, dans le traité, interdirent cet Anschluss. Restait à viabiliser l’Autriche. En 1922, le chancelier Mgr Ignace Seipel, s’y attelait, avec le soutien de la SDN. Les autres États étaient composites. Les minorités intégrées de mauvais gré étaient des ferments de séparatisme. Dès décembre 1918, les Sudètes avaient demandé le rattachement à l’Allemagne, refusé par le gouvernement tchécoslovaque de Mazaryk installé depuis fin octobre 1918. Les Polonais étaient insatisfaits et rêvaient une grande Pologne, identique à ce qu’elle avait été avant sa disparition fin XVIIIe siècle.
Entre Italiens et Yougoslaves, les minorités nationales étaient sources de revendications.
La légèreté avec laquelle les vainqueurs s’étaient débarrassés des Habsbourg, malgré un soutien discret du gouvernement Briand aux tentatives avortées de restauration en Hongrie au début des années 1920 ; et la manière dont certains peuples avaient fondé leur résurrection nationale sur le dos d’autres minorités, allaient durablement déstabiliser l’Europe centrale et rendre les cœurs disponibles aux sirènes du nationalisme guerrier dans les années 1930.
Bibliographie pour aller plus loin :
Duroselle Jean-Baptiste, Histoire diplomatique de 1919 à nos jours, Dalloz, 1985
Mitterrand Frédéric, Mémoires d’exil, collection Tempus, Perrin, 2016
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