À Nevers, Emmanuel Macron a dévoilé son pass culture de 300 euros pour les jeunes de 18 ans, à dépenser en cinéma, concert, spectacle, musée, livres, disques, instruments, jeux vidéo ou musique en ligne. Roselyne Bachelot, qui l’accompagnait, a cru bon de faire un mot d’esprit en déclarant que le cinéma, « c’est bien pour draguer ». Quelle hauteur de vue pour ce ministre de la Culture ! C’est plutôt le pouvoir, chef de l’État en tête, qui drague la jeunesse.
Un journaliste ne s’y est pas trompé, qui a demandé à Macron : « Que répondez-vous à ceux qui vous accusent de draguer les jeunes pour des motifs électoralistes ? » Il a botté en touche en répondant que « nous rentrons dans une période où les gens vont mettre ce critère à toutes les sauces ». Il est vrai qu’il est expert en la matière et se montre plus compétent en chef de sauce qu’en chef de l’État. Les détracteurs de la démocratie soulignent souvent qu’elle conduit à la démagogie : Macron, à l’approche de la présidentielle, leur donne raison.
Ses ministres, qui singent leur maître, participent activement à cette cuisine électorale et tiennent leur rôle de commis. Roxana Maracineanu, qui n’est pas contre le port du voile au sport, a défendu le choix de Youssoupha pour l’hymne officiel des Bleus, qui est manifestement un signe à l’adresse de la jeunesse de banlieue : « C’est un rappeur qui est populaire, qui est engagé contre le racisme, qui a des convictions » et « qui parle aux jeunes », a-t-elle expliqué sur France Info. Gabriel Attal n’a pas trouvé d’autre argument pour justifier ce choix que de dire : « Déjà à l’Euro 96, Jean-Marie Le Pen avait tenu des propos scandaleux sur les Bleus. »
Ce ne sont pas les seuls ministres à donner dans la démagogie. L’inénarrable Jean Castex, inaugurant le retour du train de nuit Paris-Nice, a joué le chef de bord, accueillant les passagers au micro – et devant les caméras : « Mesdames, messieurs… Je vous souhaite la bienvenue à bord du Paris-Nice… » Jean-Michel Blanquer, qu’on croyait plus sérieux, cède lui aussi à la tentation de se donner en spectacle : au mois d’avril, il jouait à la marelle dans une école de Livry-Gargan. Faut-il que le gouvernement soit incapable de faire des propositions sérieuses pour se prêter à de telles pitreries !
Certes, la culture doit être défendue, mais pas n’importe comment. Il faudrait commencer par la dispenser dans les établissements scolaires. L’annonce de cette aide financière à la jeunesse ressemble beaucoup au clientélisme officiellement pratiqué dans la Rome antique. Elle relève aussi de la pratique du « panem et circenses » (pain et jeux du cirque), dans l’empire décadent, selon la formule empruntée au poète latin Juvénal. L’exécutif, pour tenter de se maintenir au pouvoir, cherche à se concilier une partie de la population par des faveurs et des actions de communication, mais ces manœuvres sont si grossières qu’elles risquent fort d’avoir l’effet contraire.
Quand un gouvernement, à l’approche d’élections importantes, ne trouve d’autre méthode de campagne que de draguer tous azimuts et de diaboliser le Rassemblement national, c’est qu’il se trouve en mauvaise posture : voilà, finalement, une bonne nouvelle !
Philippe Kerlouan
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire