vendredi 19 mai 2023

Un certain article 40

 

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Dans la perspective des prochaines joutes dans le feuilleton des retraites, le parti présidentiel agite un argument nouveau. Il sera invoqué en Commission des finances le 31 mai, en Séance Plénière le 8 juin. Il menace d'enrayer la démarche de Charles de Courson et du groupe "LIOT" tendant à abroger la prétendue "réforme".

Une partie de l'opinion, on le mesure chaque jour, y compris au gré de manifestations incroyablement haineuses n'accepte pas, en effet, la promulgation de la loi de financement de la sécurité sociale signée par Emmanuel Macron le 14 avril.

Or, si l'Assemblée votait l'abrogation du report à 64 ans et de la durée de cotisations de 43 ans, il en résulterait certes une nouvelle source de déséquilibre comptable, que certains disent contraire à l'article 40 de la Constitution.

Généralement méconnu de l'opinion publique ce petit texte, autant dire ce texticule, a été introduit en 1958. Il mérite donc d'être rappelé. Point de détail essentiel du régime institué par le général De Gaulle, il est demeurée inchangé mais on va voir que ses effets pervers en doivent pas être ignorés.

Voici sa rédaction : "Les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique."

Bigre... Il est assez clair que cette règle n'a été écrite, en son temps, qu'en réaction contre les pratiques imputables à l'irresponsabilité des députés sous nos calamiteuses IIIe et IVe républiques. Si la Ve république l'a ainsi rédigée, on doit en fait y voir aussi l'aboutissement d'une longue tentative commencée sous les régimes précédents.

Ainsi, dès 1900, la proposition Berthelot avait vainement cherché à mettre un frein aux démagogiques propositions dépensières.

Un demi-siècle plus tard, en 1948, une loi des maxima permettra, au nom de l'article 17 de la constitution de 1946, de prohiber toute mesure susceptible d’accroître une dépense publique au-delà des maximas prévus, sauf à ce qu’elle soit compensée...

Enfin, à la faveur de la rédaction du texte de 1958, la remise en ordre financière provisoire, à laquelle sont associés les noms d'Antoine Pinay et de Jacques Rueff, permet d'en faire un principe qu'on suppose alors intangible.

Or, s'il prétend interdire aux parlementaires l'agitation autour de promesses non financées, les intéressés s'emploient à contourner régulièrement l'obstacle, en feignant de proposer une taxation correspondante sur les tabacs et allumettes, évidemment improbable.

Une abondante littérature juridique, ainsi qu'une fluctuante jurisprudence constitutionnelle, ont démontré, depuis, la complexité du problème qui en résulte pour les institutions. Ceci explique que, depuis 65 ans, le flot constant des révisions constitutionnelles n'ait, paradoxalement, jamais osé toucher à ce texte, car à la vérité son maniement se révélerait très vite explosif.

Son interprétation complexe, à la limite de l'arbitraire, a pu introduire des procédures, précisées par la Loi organique des lois de finances de 2001. La fameuse LOLF laisse en gros une liberté d'évaluation décisive au président de la Commission des Finances. Or, dans la configuration actuelle, on voit mal comment le très unilatéral Eric Coquerel, mélenchoniste en disgrâce relative, et dont la valeur ajoutée approche du zéro, pourrait entrer dans le jeu des macroniens.

Pour faire court, on prétend encore interdire les décisions budgétaires démagogiques aux représentants du peuple. Le motif paraît que certains d'entre eux ont effectivement abusé entre 1873 et 1958. Mais, depuis cette date, on ne limite pas celles d'une haute administration. Celle-ci contrôle de fait le pouvoir exécutif : la technocratie s'est ainsi arrogé une sorte de monopole de la rédaction des lois et règlements, sans trop se préoccuper d'appliquer vraiment les textes existants.

Or, sur le plan budgétaire, le régime lui-même a oublié, à partir de la crise centrale de 1968, les principes rigoureux qu'il avait prétendu asseoir 10 ans plus tôt. Aux fondateurs, adeptes de l'équilibre des comptes, ont succédé les illusionnistes, les Rocard, les Delors, les Fabius, les Strauss-Kahn. Ces keynésiens de gauche, manipulateurs de déficits, sont parvenus ainsi à intoxiquer jusqu'aux politiciens de rechange élus, au gré des pauses de l'alternance, par les naïfs électeurs de droite.

On a beau croire dira que ce pays a accepté en 1991, sous Mitterrand, en signant le traité de Maastricht, ratifié en 1992, renforcé par le pacte de stabilité de 1997, certaines règles plus ou moins strictes : pas plus de 3 % de déficit, pas plus de 60 % d'endettement.

Mais, en fait, 30 ans plus tard il faut bien constater que, ni sous Chirac, ni sous Sarkozy, ni sous Hollande, et encore moins sous Macron la France officielle n'a pratiquement jamais tenu ses engagements monétaires vis-à-vis du partenaire allemand, alors même que ses dirigeants émettaient des doutes, au moment de la mise en place de l'euro, sur la faculté de l'Italie d'y souscrire.

Il est bien oublié le temps du plan Pinay-Rueff de 1958

Lançant en 2020 sa fameuse formule "quoi qu'il en coûte", le président actuel de l'État central parisien n'a jamais fait, au contraire, que consacrer le règne durable de l'autodestruction et la démagogie.

JG Malliarakis 

https://www.insolent.fr/2023/05/un-certain-article-40.html

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