Avec l’âge, Daniel Cohn-Bendit deviendrait-il réactionnaire ? Interrogé dans Le Point à propos des émeutes, il fait quelques déclarations intéressantes (mais le problème de l’immigration est le grand absent de son propos) :
Ce qui se passe aujourd’hui n’a rien à voir avec Mai 68. Ces jeunes agissent dans un nihilisme autodestructeur. Ce n’est pas la jeunesse qui se révolte, mais des jeunes placés dans des cadres de vie marginalisés et dont les codes de vie ne correspondent pas à la société qui les entoure. Ils jouissent de la destruction et du feu.
Le délitement de l’autorité dans notre société atteint-il un point de non-retour ?
Le président de la République et le ministre de la Justice en appellent aux parents en leur demandant de tenir les enfants. Mais dans quel monde vivent-ils ? La mère du copain de Nahel, son passager, vivait seule avec cinq enfants. Et on demande à cette mère de faire preuve d’autorité sur eux ! Ce n’est pas connaître la vie des personnes dans ces quartiers que de faire ainsi la leçon. La vidéo de ce père prenant son môme par l’oreille pour le mettre dans le coffre de sa voiture et le ramener à la maison montre le type de relations que les parents ont avec leurs enfants.
Beaucoup de mères se retrouvent seules…
C’est un des problèmes de notre société. Il y a énormément de pères qui lâchent leurs femmes et leurs enfants parce qu’ils n’y arrivent pas, qu’ils sont egomanes. Avant de parler, le président de la République, le ministre de la Justice et nombre de responsables politiques devraient aller voir le film Les Misérables, dans lequel beaucoup de choses sont dites. Quand les familles éclatent, que vous êtes au bout du rouleau, il est difficile de faire preuve d’autorité. […]
Mais quand une société se délite, cela coûte de l’argent pour la reconstruire. Regardez ce que fait Robert Ménard à Béziers. Alors, on va me dire, il est d’extrême droite, mais je n’en ai rien à cirer, je le connais depuis trente ans, et il a une bonne idée. Dans une cité, il construit des pavillons autour pour « déghettoïser » et, au milieu, il implante la meilleure école de Béziers, bilingue, où les enfants de tous les milieux se mélangent. À force de marginaliser de façon permanente, vous vous retrouvez avec des jeunes qui haïssent notre société. Quand le ministre de la Justice découvre Snapchat, c’est aberrant ! Les jeunes sont dessus toute la journée, c’est ne pas comprendre leur quotidien. Je n’en fais pas des héros ni des modèles, je décris seulement comment ils vivent.
Cette rage dont vous parlez est aussi instrumentalisée par des groupes religieux et politiques, que faire ?
L’implantation du salafisme dans les banlieues est grave. Mais dans cette lutte nécessaire contre cette religion, cet autoritarisme, il faudrait qu’on arrive à hiérarchiser les problèmes. L’enjeu actuel est-il vraiment d’interdire aux filles de jouer au football avec un hidjab ? Je ne crois pas. Avec la télévision, ces jeunes vivent aussi en Iran, en Afghanistan, à Gaza. Et pour les jeunes filles en Iran, faire du sport avec un hidjab, c’est émancipateur. Vous n’arriverez à lutter contre ces problèmes que si vous installez un maillage social solide et précis dans les quartiers. La lutte contre la religion, ce n’est pas seulement des interdits, c’est un combat quotidien. Après, vous avez aussi des groupes politiques qui tentent de récupérer l’affaire. Et ça, c’est la bêtise au carré que de croire qu’il y a des signes politiques dans cette révolte ! Aucune volonté d’émancipation politique n’est à l’œuvre. Vous croyez que si Jean-Luc Mélenchon arrive au pouvoir, il ne sera pas confronté au même merdier ? Les groupes politiques qui cherchent à instrumentaliser la révolte font preuve d’une débilité incommensurable. Le mot d’ordre « la police tue », c’est fou ! D’ailleurs, le premier réflexe des maires Verts de Lyon, de Bordeaux, de Tours, de Strasbourg est de demander des renforts de police.
Mélenchon a-t-il mis de l’huile sur le feu ?
Je ne pense pas. Il dit des choses sur les peurs sociales. Ce qui est faux et injustifiable, c’est quand il dit que la loi de Cazeneuve tue. Il essaie de se positionner politiquement, et ça ne marche pas. LFI et Sandrine Rousseau devraient comprendre que la réaction de Marine Le Pen est tactiquement plus intelligente que la leur : tout le monde doit travailler pour calmer le jeu. […]
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