Ce 10 février Donald Trump prenait la parole dans le cadre des primaires du parti républicain en Caroline du Sud. La réunion publique se déroulait dans la ville de Conway, petite pour les États-Unis puisqu'elle ne compte que 30 000 habitants. Il est cependant à craindre, ou peut-être à espérer, que son discours, même s'il devait être tenu plus ou moins occulté en Europe ait de plus grandes répercussions...
L'ancien président et futur candidat a réitéré en effet les déclarations qu'il avait développées alors qu'il représentait son pays face aux alliés de l'OTAN. Il s'adressait alors, non pas aux électeurs conservateurs d'un ancien territoire de la Confédération sudiste, mais à Angela Merkel, Ursula von der Leyen, Emmanuel Macron et tutti quanti. "Ne croyez pas que nous vous défendrons si vous êtes attaqués" leur aurait-il assené en privé, propos confirmé d'ailleurs d'après divers témoignages. Pour faire court : il inciterait même Poutine ou ses successeurs à une agression contre les pays qui devaient de l'argent à l'alliance militaire. Il "encouragerait" donc la Russie "à faire tout ce qu’elle veut".
Il n'a bien sûr pas précisé s'il avait jamais eu véritablement l'intention de donner suite à une telle menace, ni ce que cela signifierait pour l'avenir de l'alliance. C'est sur celle-ci, rappelons-le, que la plupart des Européens comptent pour garantir la sécurité du Vieux Continent.
En 2021, un Michel Barnier répondait assez intelligemment à des nostalgiques du gaullisme désireux de construire, sans l'OTAN, une défense européenne. Ancien membre de la Commission, négociateur du Brexit, il disait "savoir ce qu'il faut changer à Bruxelles". Or, il observait que 21 États-Membres de l'Union européenne étaient membres de l'alliance. Il lui semblait donc peu réaliste de préjuger de leur ralliement à un tel projet. Or, depuis, la Suède et la Finlande, neutres jusqu'alors, ont demandé d'adhérer au pacte de 1949, portant le nombre à 23 sur 27. Quant à la Grande-Bretagne, il demeure assez clair qu'elle ne conçoit pas non plus sa défense en dehors de ses liens privilégiés avec Washington.
Réitéré comme argument électoral, confirmé par l'attitude des élus républicains au Congrès, et quoique désagréable à l'oreille des nos dirigeants, l'avertissement de Trump pourrait se révéler salutaire.
En dehors même de son contexte budgétaire actuel, en débat outre-Atlantique à la Chambre des représentants, la question fondamentale pourrait être formulée ainsi : l'Europe des 27 compte 447 millions d'habitants et pèse 17 800 milliards de dollars de produit intérieur brut ; les États-Unis, 335 millions de ressortissants paraissent certes économiquement un peu plus riches avec 25 300 milliards de dollars. Qu'est-ce qui nous condamne à la situation de "protégés", incapables de nous comporter en véritables alliés ?
La réponse tient aux investissements militaires que nos dirigeants se montrent pratiquement tous incapables de réaliser, attendant tous une plus grande popularité électorale et médiatique du fait ou de la perspective de dépenses dites sociales, de la gabegie administrative et des subventions de toutes sortes, plutôt que des budgets de défense.
En gros, les USA y consacrent 5 % de leur PIB, la plupart des Européens moins de 2 %, trois pays faisant exception, l'Estonie, la Grèce et la Pologne. Se sachant aux premières loges en cas de danger, les opinions publiques y sont plutôt demandeuses de plus d'armée.
En France on n'y consacre que 1,94 % du PIB mais on se gargarise trop souvent de l'illusion trompeuse de se situer au premier rang de l'effort militaire européen. Depuis le discours du chancelier Scholz du 27 février 2022 ce n'est évidemment plus vrai et les déconvenues africaines devraient également ouvrir les yeux sur la trahison de la Macronie. En 2022 encore le gouvernement se proposait d'atteindre 2 % du PIB... à l'horizon 2025. Pas plus que les autres cette promesse ne sera sans doute tenue. Elle reste, de toute manière, inférieure au seuil probablement indispensable de 3 %. Rappelons qu'en 1960, le monde entier investissait 6 % dans des dépenses militaires et la croissance occidentale n'en souffrait pas.
L'urgence rappelée brutalement par Trump correspond aussi à son désir de se défendre face à la Chine communiste dans l'Océan Pacifique et de pouvoir se désengager en Europe. Tirons en les leçons avant qu'il ne soit trop tard.
Ce 11 février 2024 on aurait pu commémorer le 79e anniversaire des accords de Yalta. Il serait temps d'en sortir.
JG Malliarakis
https://www.insolent.fr/2024/02/lavertissement-de-trump.html
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