samedi 10 février 2024

Macron et Attal prêts à discuter avec le RN : aveu de faiblesse ou stratégie ?

 

L'Histoire retiendra que c'est un 6 février que Gabriel Attal a déclaré au Monde : « Certains disaient qu’il ne fallait travailler qu’avec l’arc républicain. Moi, je considère que l’arc républicain, c’est l’Hémicycle. » LFI et RN compris, donc. Et que c'est le jour du décès de Robert Badinter, et en présence de Dupond-Moretti, son aboyeur anti-RN, qu'Emmanuel Macron lui-même a confirmé cette (nouvelle) ligne. Pour le chef de l'État, il est « tout à fait normal » d'avoir des discussions avec le RN à l'Assemblée nationale : « On ne va pas considérer que telle ou telle formation politique aurait moins de droits parlementaires, moins de reconnaissance. » Du bon sens politique élémentaire. Mais s'ils le disent, c'est que cela n'allait pas de soi. En parachevant - tout au moins dans le discours - la normalisation du RN, que recherche l'exécutif ?

L'absence de majorité à l'Assemblée

D'abord à sortir de son impopularité et à éviter la défaite aux européennes qu'annoncent les sondages. Des sondages qui, pour la première fois aussi, donnent Marine Le Pen gagnante à la présidentielle. En cessant de stigmatiser le RN et ses électeurs, en acceptant même que certains amendements soient votés par ses députés pour s'assurer des majorités ponctuelles à l'Assemblée, comme l'a indiqué Macron à Bordeaux vendredi, l'exécutif cherche à pallier son absence de majorité absolue tout en faisant mine de parler aux millions d'électeurs RN. En fait, la logique du « en même temps » poussée jusqu'au bout. Et le groupe RN étant plus nombreux que le groupe LR, le calcul est compréhensible. Mais cette stratégie est en voie d'essoufflement, comme l'a montré le fiasco de la loi Immigration où l'hypocrisie macroniste est apparue en pleine lumière. Et la cacophonie du remaniement, en particulier à l'Éducation nationale, vient confirmer que Gabriel Attal, considéré comme « une très bonne arme de dissuasion contre le RN » (un ministre cité par Le Monde), est surtout un premier ministre de la parole, des éléments de langage : on a eu droit à des propos aux accents droitiers lorsqu'il était rue de Grenelle ou dans sa déclaration de politique générale, mais au final, on a Belloubet !

« Pas une main tendue »

Belloubet, devenue indispensable alors que s'ouvrait un nouveau front à gauche, car c'est du côté de la majorité, et son aile gauche, que les répercussions seront peut-être plus lourdes. De ce côté-là, sentant la fronde, on minimise, comme ce conseiller de l'exécutif cité par 20 Minutes : « Ce n’est pas une main tendue au RN ! La manière dont ça a été dit peut, peut-être, interpeller, mais la ligne est la même. »

Au RN, on a le sourire

Au RN, évidement, on boit du petit lait, mais sans être dupe : pour Thomas Ménagé, député RN du Loiret, « ils ont enfin compris qu’il n’y a pas de sous-députés et de sous-citoyens. Après on ne va pas les applaudir pour un simple respect minimum, mais on sent une évolution. » Pour le moment, cette stratégie n'a causé aucun dommage au RN : la liste de Jordan Bardella domine le match dans les sondages.

Surtout, cette extension de l'arc républicain voulue par Gabriel Attal place le RN au centre du jeu, ce qui étonne un cadre RN cité par 20 Minutes : « Je ne comprends pas leur stratégie qui consiste à parler de nous H24. Ils nous mettent au centre du jeu. Je ne comprends pas que le Président réponde à ce genre de questions. Il parle de nous en bien et nous remet au centre ! »

Si la presse de gauche s'inquiète de cette « stratégie à double tranchant » (Le Monde), pour Attal et la majorité, le RN doit lui aussi se garder des risques qu'elle comporte pour lui : normalisation, banalisation, récupération de ses thèmes et jusqu'à ces sondages très flatteurs (10 points au-dessus de la liste Renaissance) alors que la campagne a à peine commencé et que 2027 est encore loin.

Frédéric Sirgant

https://www.bvoltaire.fr/macron-et-attal-prets-a-discuter-avec-le-rn-aveu-de-faiblesse-ou-strategie/

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