jeudi 11 avril 2024

[Santé] Fraude sociale : Attal vise les professionnels de santé et rate l’éléphant dans le couloir

 

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Raphaelle Claisse sur B Voltaire

Ce mercredi 20 mars, le Premier ministre Gabriel Attal a réaffirmé, lors d’une conférence de presse, sa volonté de fusionner la carte Vitale et la carte d’identité pour freiner la fraude sociale. Cette opération aurait pour but de renforcer la sécurisation des numéros de Sécurité sociale. Gabriel Attal avait déjà porté ce projet lorsqu’il était ministre des Comptes publics. En 2023, la mesure n’avait pas été soutenue par les administrations (assurances, mutuelles). Et pour cause : les fraudes dues à l’usurpation d’identité ne constituent qu’une part très minime de la fraude, selon l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales) et l'IGF (Inspection générale des finances).

Selon cette organisation, la majorité des fraudes « est le fait des professionnels de santé ». D'autre part, sur un plan plus technique, la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés), consultée à ce sujet, avait alerté sur les risques d’accès aux données de santé. Ce n'est pas tout : Gabriel Attal veut combiner « sa » fusion avec une dématérialisation, déjà mise en place pour le permis de conduire et la carte nationale d’identité. Dans le dossier de presse communiqué par le Premier ministre, on apprend que cela améliorerait le partage d’informations entre les services de lutte contre les fraudes...

« Un tour de bonneteau »

Sur la mesure très précise de la fusion entre la carte Vitale et la carte d’identité, Charles Prats, ancien magistrat et auteur du Cartel des fraudes (Ring), dénonce dans les pages du Figaro « un tour de bonneteau » : « Cette fusion, dont le ministère de l’Intérieur ne semble pas vouloir », ne pourrait être mise place qu’à l’horizon des quinze prochaines années, « alors que c’est aujourd’hui qu’il y a urgence ». Pour lui, les mesures et les ambitions annoncées sont trop faibles et ne permettent pas une réforme d’ampleur pour remédier à la situation critique des prestations sociales. Pour autant, l’ancien magistrat ne rejette pas d’un revers de manche l’intégralité des mesures annoncées. « Le plan Attal, qui comporte par ailleurs quelques mesures techniques intéressantes, laisse un goût d’inachevé », déplore-t-il.

Plus d’assurés que d’habitants en France

Les fraudes sociales sont bien moins conséquentes que les fraudes fiscales. Pourtant, la fraude aux prestations sociales représente tout de même entre 6 et 8 milliards d’euros par an, selon la Cour des comptes. Mais ce chiffre est considéré comme largement sous-évalué par Charles Prats. Les causes de ces fraudes sont multiples. Parmi elles, l’absence de déclaration de la présence d’un conjoint ou du départ d’une personne à charge, l’absence de séjour régulier ou de résidence stable en France, le détournement des prestations par usurpation de l’identité de leur bénéficiaire. Dans son plan général de lutte contre les fraude sociales, Gabriel Attal cible surtout les professionnels de la santé : « Dans 70 % des cas, la fraude est à l’initiative d’un professionnel de santé par surfacturation ou par facturation d’actes fictifs », dit-il. Faux, affirme Charles Prats. Pour le magistrat spécialiste de la question, la principale fraude en volume, « c’est la question de l’immatriculation et la prise en charge de millions d’assurés sociaux qui n’y ont pas droit ou qui ne sont pas censés exister ». Il affirme dans son ouvrage que cinq millions de cartes Vitale litigieuses circulent sur le territoire. Il rappelle sur son compte X, que 73,1 millions d’assurés sociaux sont pris en charge… alors que la France compte 67,8 millions d’habitants. L’IGF et l’IGAS ne donnent pas d’explications de cet écart. Il y a manifestement un éléphant dans le salon et le gouvernement se contente de cacher la poussière sous le tapis.


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