jeudi 24 octobre 2024

La politique naturelle – De la volonté politique pure

 

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Après avoir déjà présenté trois chapitres de La politique naturelle, nous vous proposons aujourd’hui le quatrième de ce texte incontournable pour les royalistes d’Action française.

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Par Charles Maurras

On est donc menacé de n’avoir bientôt plus rien dans les tristes pays où les fondements naturels de la politique sont durablement remplacés par ces absurdes inventions d’étatisme égalitaire et de prétendu volontarisme populaire qui, pour être un peu moins folles qu’en Russie, ne peuvent résister longtemps à l’aggravation naturelle du poids de leur insanité.

Nos aïeux, même les moins sages, ne s’étaient rien figuré de tel. Nos neveux, s’ils en réchappent, n’y voudront pas croire. C’était déjà l’avis d’Edgar Poe, il y a cent ans, lorsqu’il écrivait l’admirable « Parabole des chiens de prairie ». Eh ! Quoi, fait-il dire à la postérité ahurie, les vieux Américains se gouvernaient eux-mêmes ? Pas possible ! Ils avaient donc en tête cette idée, la plus drôle du monde, que tous les hommes pouvaient naître libres et égaux.

Mais cela ne dura que « jusqu’au jour où un individu nommé Mob (ou Popu) établit un despotisme auprès duquel celui d’Élagabal était un paradis. Ce Popu (un étranger soit dit en passant) était, dit-on, le plus odieux de tous les hommes qui aient jamais encombré la terre. Il était insolent, rapace, corrompu. Il avait la stature d’un géant, il avait le cou d’un chameau avec le cœur d’une hyène et la cervelle d’un paon. Il finit par mourir d’un excès de sa propre fureur, qui l’épuisa ».

Rendus contemporains de ces incroyables sottises, gouvernés par ces insolences, ces rapacités, cette corruption, nous sommes même un peu happés par l’animal géant, ce Mob ou ce Popu, sans cœur ni cervelle, appelé à crever de ses colères de dindon… Mais nous sommes aussi dédommagés de cette honte par le spectacle merveilleux de son absurdité, élevée à la perfection.

Des gens qui ont souscrit et fait souscrire un programme dont ils ne peuvent dénier les difficultés profondes, ni les complications inouïes, ont la chance de s’accorder sur la façon de le réaliser.

— Des milliers, et des milliers de voix, auront à dire : je veux. Et ce qu’elles auront ainsi voulu sera. Il suffira que ces majorités désignent des exécuteurs : cela sera exécuté.

— Même l’impossible ?

— Surtout l’impossible.

La lune ! On n’a qu’à demander la lune. Des mains dociles iront la cueillir dans le ciel. On en fera descendre, tout semblablement, la justice et l’égalité en calligraphiant leurs noms à l’encre rouge sur un papier à tranches d’or.

À peine désignés, les pauvres exécuteurs de ces volontés mirifiques sentent pleuvoir tout le contraire des promesses qu’ils ont jurées. Leurs mandants s’en doutent à peine. Mais, peu à peu, les évidences se font jour. Ce qui ne peut pas être refuse d’être. Ce qui doit être, ce que produit l’antécédent qu’on a posé, suit le cours de sa conséquence. On voulait la paix, mais en désarmant ; de tous côtés éclatent les fatalités de la guerre, on doit se mettre à réarmer. On annonçait l’abondance ; il faut rogner la monnaie. Les salaires ont monté, mais les prix aussi ; il faut que les salaires montent encore. Comment monteront-ils si l’on n’a plus d’argent pour les payer ?

Là, il est vrai, la pensée de Popu et de Mob est celle d’un humble sauvage. Elle attribue les résistances et les oppositions qu’elle rencontre de la part de choses, non à l’absurdité de ses « volontés majoritaires », mais aux forces secrètes de mystérieuses petites âmes cachées sous les choses, et que des volontés hostiles animent. Ainsi, voyez ! L’or de la France devait affluer dans les caisses aux premières incantations de M. Auriol. Croyez-vous que ce méchant or ne l’ait point fait et qu’il ait eu la sotte peur d’y fondre ? Est-ce naturel ? Et la Lune ! Cette planète aurait dû se laisser tomber, toute nue, dans le lit de M. Paul Faure. Et cela n’est pas arrivé ! La malveillance ! La méchanceté ! Le fascisme dont le mauvais esprit rôde dans la nuit… Malheureusement pour ces idiots que leur disgrâce peut rendre mauvais, on ne peut accuser ici qu’une volonté. C’est la leur. On aurait pu arrêter la hausse des prix en empêchant le coût de la production de monter, ils ne l’ont pas voulu, ils ont voulu tout le contraire. On aurait pu avoir de l’argent, ils ont fait tout ce qu’il fallait pour ne pas en avoir et même pour détruire tout moyen d’en avoir, en ralentissant la production, en augmentant le nombre des bras croisés et en suscitant toutes les querelles possibles entre ceux qui ont besoin d’être en paix pour bien travailler.

Leur échec régulier est donc prévisible. Ce n’est pas leur optimisme de Canaques qui peut rendre douteux le résultat de la prévision. Mais, bêtise ou duplicité, souvent les deux, la prévision est repoussée. D’office ! De dogme ! Et de passion ! Et d’intérêt ! Un régime qui vit des « volontés du peuple » est le paradis de crétins, mais aussi de ces coquins-là.

Le droit légal de la Démocratie, presque son devoir, est de se passer de bonnes têtes et de bons cœurs ; si elle ne s’en passait point, est-ce qu’elle serait vraiment le Souverain-roi, le Souverain-dieu ? Il y aurait alors quelque chose au-dessus de ces royales, impériales et pontificales Majorités qui, vraiment, ne sauraient partager leur couronne avec la Vertu, ni avec le Savoir, ni avec la Raison. Nos mémorables élections du 3 mai 1936 ont juché au Ministère de la Justice quelqu’un qui n’a même pas de licence en droit, il est simple capacitaire, faute de bachot ; or son portefeuille, étant technique, confère à ce soufflé d’ignorance et de prétention de hautes fonctions juridiques. Le voilà Grand Juge de France, Président-né du Conseil d’État, Président-né du Tribunal des Conflits, promu l’arbitre des plus savants, des plus difficiles litiges ! Naturellement, à peine nanti, ce nommé Rucart a élevé la voix pour se décerner la science infuse, telle qu’elle appartient à chaque produit de la volonté nationale, expression directe et pure du Droit du nombre ; ce Droit élit ses officiers, il les sacre et il les renvoie comme cela lui chante, sans un regard donné à leur valeur ou non-valeur. Ce Droit se rit du bien ou du mal qu’ils pourront tirer de leur charge. Seul de tous les Droits connus, il peut mettre hors de sa loi la Compétence, la Qualité, la Réussite même ! Et ainsi, ô bonheur ! ce Droitdémocratique s’exclut de la durée comme du succès.

La Démocratie accourt donc, les yeux bandés, au cimetière.

Mais elle y mène, et c’est moins gai.

Comment s’en est-on si peu douté ! On laisse trop dire et écrire qu’elle est trahie par l’expérience de ses erreurs. Elle est trahie par elle-même. N’eût-elle jamais été mise à l’essai, tout esprit net dut lui refuser tout avenir, comme toute raison, du moment qu’elle s’offrit et se définit. Jeune et distrait, un André Chénier put avoir besoin de voir à l’œuvre les hideux scélérats, les bourreaux barbouilleurs de lois ; les Rivarol ont vu tout de suite ce que ce serait. Il était idiot de croire qu’un grand peuple pût marcher la tête en bas. Idiot, qu’il fût gouverné par ce qu’il y avait de vain et de vil en lui. Idiot, que les moins directement intéressés à son bien y eussent légalement le plus d’influence par leur nombre, leurs factions, leurs passions.

Toute bonne cervelle de 1789 pouvait voir briller aux purs flambeaux des Droits de l’Homme l’embrasement qu’ils annonçaient et déduire de là, effet proche ou lointain, quelque chose qui devait ressembler au Régicide, aux longues guerres, à Trafalgar, à Leipzig, à Waterloo, à Sedan, à la dépopulation, à la décadence, à tous nos reculs généraux, non sans y distinguer, claire et nette, leur qualité essentielle de produits naturels de la démocratie politique.

De même, les bonnes cervelles de 1848 et 1871 n’avaient pas besoin de vieillir d’un demi-siècle ni d’un siècle ; de la démocratie sociale, elles virent sortir, comme le fruit de la fleur, la commune destruction des capitaux et du travail qui les engendre ou les reproduit.

La démocratie dans l’État ne pouvait que ruiner l’État.

La démocratie dans l’atelier et dans l’usine devait ruiner l’usine et l’atelier.

Cela était d’autant plus sûr que la démocratie se donnait carrière en une heure de la vie du monde qui lui apportait un moyen facile d’exploiter une tragique confusion

Prochainement La politique naturelle et la question ouvrière et la démocratie sociale…

https://www.actionfrancaise.net/2024/10/24/la-politique-naturelle-de-la-volonte-politique-pure/

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