Un parallèle indigne
Le numéro s’ouvre sur l’affaire du lycée Maurice-Ravel. Une affaire grave qui aurait pu virer au drame après qu’un proviseur, calomnié, s’est retrouvé menacé de mort sur les réseaux sociaux. Face caméra, le chef d’établissement revient sur cette affaire qui l’a poussé à prendre sa retraite anticipée : « Dès qu’il y a eu les menaces de mort, j’ai pensé à Samuel Paty », confie-t-il. Un témoignage qui conduit les journalistes de Complément d’enquête à revenir avec justesse sur les dessous de cette cabale calomnieuse lancée contre le proviseur de la cité scolaire Maurice-Ravel. S’ensuit un développement sur l’interdiction de l’abaya dans les écoles. Le sujet est grave. Des enseignants se sont retrouvés menacés - voire assassinés - pour avoir voulu faire respecter la loi et la laïcité au sein des écoles.
Sans aucune transition, le dernier numéro de Complément d’enquête, au terme de 40 minutes consacrées à l’entrisme islamique, change d’angle et dénonce « le combat réactionnaire contre l’école ». Les nouvelles cibles ne sont plus des militants ou entrepreneurs islamistes mais des collectifs de parents qui veillent à protéger leurs enfants. Le parallèle ne manque pas d’indigner Séverine Duminy, coordinatrice nationale du collectif « Parents vigilants », contactée par BV. « On parle d’entrisme islamique. C’est un sujet extrêmement grave qui a coûté la vie à des professeurs, s’offusque-t-elle. Nous, nous sommes seulement un réseau de parents. À l’inverse de l’entrisme islamique, nous souhaitons faire sortir toutes les idéologies de l’école. »
Des méthodes controversées
Par ailleurs, là où le sujet de l’entrisme islamique était abordé par le biais de plusieurs angles (cabale contre un proviseur, port de l’abaya, témoignage d’une élève…), le sujet du « combat réactionnaire » n’est analysé que par le prisme du témoignage d’une infirmière scolaire qui assure avoir été calomniée par le collectif « Parents vigilants », proche du parti Reconquête d’Éric Zemmour, et par l’association SOS Éducation. L’affaire remonte au début de l’année 2023. Des témoignages de parents en colère, « obtenus de source sûre », nous indique aujourd’hui Séverine Duminy, sont relayés sur les réseaux sociaux par ces collectifs. Ces parents dénoncent des propos choquants sur la sexualité qui auraient été tenus par une infirmière scolaire à Saint-Étienne. Devant les caméras de Complément d’enquête, l’infirmière mise en cause dément avoir tenu de tels propos. En pleurs, elle accuse, pendant de longues minutes, ces collectifs d’avoir mené une cabale contre sa personne. « Le rectorat, comme ont l’honnêteté de le rappeler rapidement les journalistes de cette émission, a démis cette infirmière de sa mission. C’est bien qu’il y a eu un problème », maintient Séverine Duminy.
La coordinatrice nationale de « Parents vigilants » va plus loin et dénonce les méthodes de Complément d’enquête. « La focalisation sur une affaire, sur un seul témoignage, ce n’est pas du tout représentatif. Nous l’avions déjà vu, lors du numéro consacré à Stanislas, mais Complément d’enquête a une objectivité très relative » nous explique-t-elle. Selon elle, ce choix éditorial n’est pas neutre, il « a été fait pour faire avancer un combat ».
Des méthodes aussi pointées du doigt par Sophie Audugé, interrogée dans ce numéro de Complément d’enquête. Alors qu’elle semblait croire pouvoir faire la promotion de son livre L'Éducation sexuelle à l’école, la porte-parole de SOS Éducation a vite compris qu’elle n’allait être interrogée que sur cette affaire de Saint-Étienne. « Ce n’est pas du tout ce qui était convenu », finit-elle pas lâcher, face caméra, avant de quitter l’interview. Un sentiment partagé par Séverine Duminy. Si son collectif a bel et bien été informé de la production de ce numéro de Complément d’enquête, « jamais il n’a été question de ce parallèle entre l'entrisme islamique et notre combat ». « On nous présentait un numéro assez large sur les problèmes à l’école. On pensait que ça serait général », nous explique Séverine Duminy. Contactées, les équipes de Complément d’enquête n’ont pas encore donné suite à nos sollicitations.
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