Une enquête du Monde révèle aujourd’hui qu’une faille béante dans la législation française encourage depuis près de huit ans ces fraudes, devenues massives et systématiques. Le système d’immatriculation français (SIV) est miné par des milliers de fraudeurs qui, tous les ans, réalisent des dizaines de milliers d’opérations fictives. En privatisant le système d’immatriculation des véhicules, en 2017, l’Etat a ouvert la voie aux fraudes en tous genres. Préfectures et forces de l’ordre sont aujourd’hui noyées sous les opérations fictives.
Au cœur du mois de juillet, une entreprise florissante de commerce automobile a pris ses quartiers dans une petite ville pavillonnaire du Val-d’Oise. Après seulement quelques jours d’existence, elle a fait l’acquisition d’un parc impressionnant de plus de 5 000 véhicules. Une dizaine de Porsche, plus de 200 Audi, deux Harley-Davidson, six limousines, et même deux poids lourds Scania… Ce garage n’a pourtant ni locaux ni salariés. Pas même une boîte aux lettres dans le petit immeuble résidentiel de cinq étages où il est domicilié. Le nom de son gérant ne renvoie à aucune identité réelle. Ce n’est, en somme, rien de plus qu’une société-écran qui a été utilisée comme prête-nom pour immatriculer des milliers de véhicules. […]
Début 2017, le SIV est partiellement privatisé. Au nom de la simplification et de la modernisation informatique, les professionnels de l’automobile sont désormais autorisés à éditer directement les informations dans le système, sur simple habilitation de la préfecture. Fini, la vérification préalable des autorités : ces « tiers de confiance » sont censés contrôler eux-mêmes la validité des informations fournies par leurs clients.
Problème : les garages et concessionnaires ne sont pas les seuls à bénéficier de cette nouveauté. En toute légalité, des milliers d’individus sans aucun lien avec le commerce automobile créent alors leur microentreprise dans le seul but d’obtenir l’habilitation préfectorale, pour ensuite monnayer leur accès au SIV à des clients en tous genres. Pour 40 euros, ils écrasent la carte grise du précédent propriétaire ; pour 80 euros, ils mettent en règle l’assurance ; pour 100 euros, ils récupèrent une nouvelle fiche d’identification pour le véhicule. C’est sur ces « siveurs », qui ont fait des démarches d’immatriculation un gagne-pain, que repose désormais la fiabilité du système. […]
Les services de « sivage » offerts aux particuliers ne sont toutefois que la face émergée de l’iceberg. Un défi autrement sérieux est posé à l’Etat par les « siveurs » qui se mettent au service de groupes criminels, exploitant leur accès au SIV pour y inscrire des opérations mensongères. Partout en France, les affaires s’accumulent sur les bureaux des forces de l’ordre. […]
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