mercredi 11 décembre 2024

L’épargne des Français : la solution pour régler la question de la dette ?

 

Capture d'écran ESSEC
Capture d'écran ESSEC
Quand tout va mal, que tout fiche le camp, qu’on ne sait plus vers qui se tourner, c’est un réflexe presque atavique que d’aller consulter, non pas la Pythie, mais les vieux sages, tout du moins ceux qui ont la réputation de l’être (sages). Paris Match s’est plié à l’exercice en allant rencontrer Jean-Pierre Fourcade, 95 ans, bon pied bon œil, qui fut ministre de l’Économie et des Finances de 1974 à 1976 sous Giscard d’Estaing. Il y a un demi-siècle. Un peu comme si, sous Giscard d’Estaing, on était allé interroger un survivant des cabinets Poincaré ou Édouard Herriot, aux affaires en 1924 et 1925.

Le dernier budget à l'équilibre

L’homme est tout un symbole. Inspecteur des finances, proche de Giscard, il incarne cette technocratie qui s’empara définitivement du pouvoir, au tournant des années 70-80, pour faire de la France ce qu’elle est aujourd’hui. Tout un symbole, aussi, car Fourcade est le dernier ministre des Finances qui présenta et exécuta un budget à l'équilibre. Il en est fier, et il y a de quoi. Certes, quelques mois après qu’il avait quitté, non pas Bercy, mais l’aile Richelieu du Louvre (la migration à Bercy ne date que de 1989), en décembre 1976, le Conseil des ministres, où il siégeait comme ministre de l’Équipement et de l’Aménagement du territoire, approuvait un projet de loi portant règlement du budget de 1975 qui actait un déficit de 37,8 milliards. Bon, on ne va pas mégoter pour si peu : on parle d’une époque où la dette publique (État, Sécurité sociale, collectivités) représentait moins de 22 % du produit intérieur brut (PIB) quand, aujourd’hui, elle dépasse les 112 %...

Un pactole de 6.000 milliards

Parmi les conseils prodigués par le vieux sage, il en est un qui a enflammé la Toile : « Une des solutions, ce serait de faire comme au Japon, où c’est l’épargne des Japonais qui finance le déficit budgétaire. » En clair, émettre des bons du Trésor. Phrase qui a immédiatement été reprise sur les réseaux sociaux, contractée, voire déformée ainsi : « L’ancien ministre des Finances propose "d’utiliser l’épargne des Français pour financer la dette". » Donc, taper dans notre épargne pour éponger la dette que nos dirigeants contractent depuis des décennies ? Une petite musique que l’on entend depuis quelques mois, voire quelques années. Sachant que l’épargne des Français (hors immobilier) représente un pactole évalué à 6.000 milliards, le raisonnement simpliste est vite fait... Mais ce n’est pas tout à fait ce qu’a dit l’ancien ministre, puisqu’il ajoute : « Le drame, c’est quand on se finance sur les marchés. Et on est sous la coupe des agences de notation. » Effectivement, comme nous l’avions expliqué, le 31 octobre dernier, la dette publique française est détenue à 53 % par des investisseurs étrangers. Un pourcentage comparable à celui de l’Allemagne, mais bien au-dessus de celui du Royaume-Uni, des États-Unis ou du Japon cité en exemple par Jean-Pierre Fourcade.

« Qui aura le courage ? »

Un Jean-Pierre Fourcade qui, par ailleurs, voit en Édouard Philippe une « option sérieuse » pour 2027, fait de cette question de la dette détenue par l’étranger « une question de souveraineté », ajoutant : « Mais qui aura le courage de proposer cela ? » Qui ? Nous avons sous les yeux le rapport parlementaire en date du 29 mai 2024 relatif à la détention de la dette de l’État par des résidents étrangers. Parmi les recommandations faites par le rapporteur spécial de ce document, celle-ci : « Mener une réflexion sur les moyens de favoriser l’acquisition de la dette française par les particuliers résidents, tant sur le marché primaire, à travers l’émission d’obligations qui leur seraient réservées, que sur le marché secondaire. » Petit détail, le nom et l’appartenance politique de ce député : Kévin Mauvieux, RN. Autre petit détail, Thomas Cazenave, alors ministre délégué en charge des Comptes publics d'Emmanuel Macron et fidèle adjoint de Bruno Le Maire, a justifié, comme suit, cette internationalisation de la dette, qualifiée de « drame » par Jean-Pierre Fourcade : « La diversification et l’internationalisation de notre dette ont en effet pour avantages de meilleures performances et un rendement accru. Critiquer ce lien avec l’international me semble incompréhensible, comme se plaindre que 80 % du bordeaux soit exporté : sans cette dépendance à l’étranger, la viticulture est menacée. » Vu comme ça, surtout ne rien changer.

Georges Michel

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire