samedi 25 janvier 2025

19 janvier 1794 : les colonnes de Turreau amènent l’enfer en Vendée

 Massacre des Lucs-sur-Boulogne

Massacre des Lucs-sur-Boulogne
Le 19 janvier 1794 est une date qui restera à jamais, pour la Vendée, synonyme d’horreur et de tragédie. Ce jour-là, au cœur de la Terreur, la Révolution comprend qu’elle ne se bat pas, dans cette partie du Bas-Poitou, contre de simples armées. En effet, elle doit affronter une terre et un peuple qui refusent, jusque dans leurs racines les plus profondes, le diktat sanglant des sans-culottes de Paris. Une solution et un outil sont alors choisis pour mettre fin à cette insurrection des brigands de la Vendée : l’extermination par les colonnes infernales.

Une Vendée révoltée

Commencée en mars 1793, la guerre de Vendée voit se soulever nombre de paysans refusant l’ordre nouveau imposé par la Convention de Paris, bouleversant la vie religieuse des Français et leur ordonnant d’aller se battre contre toute une Europe coalisée. Ainsi, sous la houlette de chefs militaires comme Charette, La Rochejaquelein ou encore Cathelineau, cette masse de révoltés prend forme et adopte le nom de Grande Armée catholique et royale.
Cependant, après quelques victoires qui provoquent la frayeur des Bleus, le vent tourne en octobre 1793 pour les porteurs de l’insigne du Sacré-Cœur. L’issue de la Virée de Galerne met un terme à l’insurrection armée des Vendéens, mais ouvre également la voie à une répression cruelle de la part des Républicains, obéissant à une loi du 1er août 1793 : « Il faut que les brigands de la Vendée soient exterminés […] le salut de la patrie l’exige. » Ainsi, les exécutions se multiplient. À Nantes, à Noirmoutier ou encore à Angers, des fusillades et des noyades massives sont organisées dans l’espoir que la terreur et le sang dissuadent toute nouvelle rébellion.

La création des colonnes infernales

Malgré ces exécutions, la Vendée reste à pacifier. En effet, si les armées sont vaincues, les esprits restent revanchards et rebelles. Un plan de pacification et d’amnistie est alors proposé par les généraux Kléber et Marceau. Cependant, comme le rapporte Jacques Villemain, auteur de Génocide en Vendée (Éditions du Cerf, 2020), « Kléber est disgracié et Marceau est emprisonné [Le général] Turreau comprend alors que c’est l’autre parti qu’il faut prendre. » Le 16 janvier, cet officier de 38 ans adresse un courrier aux représentants en mission pour obtenir leur soutien et éviter que sa responsabilité soit seule engagée dans ce qui s’apparente à un véritable crime organisé : « Mon intention est de tout incendier et de ne préserver que les points nécessaires à établir nos cantonnements propres à l'anéantissement des rebelles, mais cette grande mesure doit être prescrite par vous. Je ne suis que l'agent du Corps législatif, que vous devez représenter en cette partie. Vous devez également décider sur le sort des femmes et des enfants que je rencontrerai en ce pays révolté. S'il faut les passer tous au fil de l'épée, je ne puis exécuter une pareille mesure sans un arrêté qui mette à couvert ma responsabilité. »
Dans l’attente d’une réponse, Turreau organise son armée de l’Ouest. Le 19 janvier 1794, il divise ses troupes en une dizaine de « colonnes infernales », chargées de mettre à feu tout le pays vendéen : « Tous les brigands qui seront trouvés les armes à la main, ou convaincus de les avoirs prises pour se révolter contre la patrie, seront passés au fil de la baïonnette. On agira de même avec les filles, femmes et enfants qui seront dans ce cas. Les personnes seulement suspectes ne seront pas plus épargnées […] Tous les villages, métairies et généralement tout ce qui peut être brûlé sera livrée aux flammes. » Dans toute cette vocifération de propos violents, Turreau nuance un peu cependant ces consignes en promettant un traitement clément envers ceux qui afficheraient leur patriotisme : « Il ne sera fait aucun mal aux hommes, femmes et enfants en qui le général reconnaîtra des sentiments civiques et qui n’auront pas participé aux révoltes des brigands de la Vendée. »

Couverts et unis dans le crime

Aucune réponse ne parvient à Turreau de la part des représentants en mission. « Turreau a douté et a eu peur », souligne Reynald Secher. Il craint de devoir porter seul cette entreprise macabre ou, pire, d’être condamné pour excès de zèle. Le 24 janvier, il décide de s’adresser directement au Comité de salut public : « […] Si mes intentions sont bien secondées, il n’existera plus dans la Vendée sous quinze jours ni maisons, ni subsistances, ni armes, ni habitants que ceux qui auront échappé aux plus scrupuleuses perquisitions. » Cette fois, il reçoit une réponse le 6 février : « Tu te plains, citoyen général, de n’avoir pas reçu du Comité une approbation formelle à tes mesures. […] Extermine les brigands jusqu’au dernier, voilà ton devoir. »
Désormais couvert, soutenu et même encouragé, le général Turreau déchaîne sans limite les enfers sur la Vendée pendant toute une campagne militaire meurtrière visant à éliminer chaque suspect et ennemi de la Révolution. De janvier à mai 1794, des centaines de villages, dont Les Lucs-sur-Boulogne, tristement célèbre, sont incendiés. Des dizaines de milliers de victimes viennent alors s’ajouter à la longue liste des 117.000 martyrs (au minimum) de la Vendée, selon Reynald Secher.

Ses crimes couverts, Turreau mourut dans son lit, en 1816, couvert d'honneurs : baron de l'Empire, grand officier de la Légion d'honneur. Son nom est inscrit sur l'Arc de Triomphe de Paris.

Eric de Mascureau

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