Aux temps glorieux de Robert Fabre, président-fondateur des Radicaux de gauche, il lui avait été demandé lors d'un congrès, ce qu'il pensait de la défense nationale. Sa réponse fusa. Elle ne souffrait aucune ambiguïté : « je suis pour ». Et cet aimable pharmacien de Villefranche-de-Rouergue demeura à la tête de son parti charnière jusqu'en 1978, devenant par la suite Médiateur de la république et membre du Conseil constitutionnel.
À un demi-siècle de distance, ce 5 mars, l'écoute, justifiée par la gravité de l'heure, de l'allocation du président de la république donnait à ceux qui s'en souvenaient l'impression d'un Eternel retour. La rhétorique d'Emmanuel Macron tendait à nous faire comprendre, en effet, que, chef des armées, il était lui aussi résolument « pour » la défense nationale.
Or, il s'employa surtout à mettre l'emphase sur un danger russe qu'il avait pourtant minimisé jusque-là. Rappelons que, plus de 3 mois après le déclenchement de l'agression de février 2022, il allait jusqu'à redire : « Il ne faut pas humilier la Russie ». Interrogé par La Dépêche du Midi le 3 juin 2022, il se disait « convaincu que c’est le rôle de la France, d’être une puissance médiatrice. » Par ce discours de « l’humiliation » il reprenait à son compte la propagande du Kremlin, conférant de facto à Moscou un droit de regard sur les actions occidentales, discours éludant précisément les conditions nécessaires à l’établissement d’une paix durable. Et il déclarait que « la Russie n’en demeure pas moins un grand peuple ». Notons enfin que le président français, qui aime à se poser en fédérateur des Européens, parvient surtout par ce type de propos à exaspérer ses partenaires...
Bombant le torse, il annonce aujourd'hui une intention globale de relancer l'effort de défense, affichant à l'écran un joli graphique.
On se souviendra tout de même que, fraîchement élu en 2017, il poussait à la démission le général Pierre de Villiers, chef d’état-major des armées, qui avait osé s'opposer à une coupe de 850 millions d'euros dans le budget des forces armées... ceci alors même que depuis 2014, la Crimée et une partie du Donbass étaient passées sous le contrôle du Kremlin.
L'impudicité et l'absurdité de cet exercice de communication à usage intérieur, ont été soulignées par d'innombrables commentateurs, de tous bords, ce qui suffit à en démontrer l'inanité.
Rédacteur en chef de la Revue politique et parlementaire, Arnaud Benedetti, était interrogé par Le Figaro du 6 mars. Il résume aussi la contradiction suivante : « Là où Emmanuel Macron n’a plus aucune capacité d’agir – les scènes nationale et européenne –, il communique ; là où il pourrait agir – les relations franco-algériennes –, il est comme tétanisé et paralysé ».
Fort heureusement dans toute l'Europe libre, on raisonne différemment. La réunion de Bruxelles l'a démontré ce 6 mars en axant l'orientation des 27 États-Membres de l'Union européenne, Hongrie comprise sur ce point, sur la nécessité d'un réarmement d'ensemble, évalué à 800 milliards d'euros sur plusieurs années.
Sans perdre de vue que cette enveloppe a été chiffrée, et approuvée, de manière indicative, on en saluera le principe, d'autant plus que ce programme s'articule désormais sur la relance de nos industries d'armement nationales et européennes.
S'agissant de la France, on notera que le ministre Lecornu évoque un objectif de 90 milliards d’euros, toujours à terme, comportant l’acquisition de trois frégates, d’une vingtaine de Rafale et de moyens de frappes dans la profondeur et de guerre électronique.
Le financement demeure dès lors la grande question, qui va ouvrir, inéluctablement, un véritable débat national.
À cet égard François-Xavier Bellamy, ce 7 mars sur France Inter posait crument la comparaison entre les dépenses françaises de défense, régaliennes par excellence, 2 % du PIB, et les dépenses dites sociales, 16 fois plus élevées à hauteur de 32 %, chiffrage à comparer avec un moyenne européenne de 27 %.
On se souviendra aussi des travaux de François Perroux qui démontrait naguère, dans son livre "Indépendance de la Nation," combien les investissements dans le secteur de la Défense sont les meilleurs vecteurs de la croissance et du développement scientifique. On rappellera au besoin que, dans les années 1970, alors que les effectifs des armées françaises s'élevaient encore à 500 000 hommes, en temps de paix, et que le budget de la défense représentait 5 % du PIB, le taux de croissance, qui n'était jamais passé en dessous de 2 % depuis 1950, pour une moyenne de 6 % environ pendant les trente glorieuses. Pour 2025, le gouvernement évalue sa prévision de croissance à 0,9 % contre 1,1 % en 2024.
Investir dans la défense ce n'est pas seulement investir dans nos libertés et dans l'indépendance, et assurer la paix, c'est aussi investir dans la prospérité et le progrès.
JG Malliarakis
https://www.insolent.fr/2025/03/il-faut-investir-dans-la-defense.html
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