jeudi 13 mars 2025

Le « droit à vie tranquille » oblige l’Etat à rendre des comptes

 

Qui a mis la France dans cette insécurité permanente ? En proclamant, mardi à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), un « droit à la vie tranquille », Emmanuel Macron a voulu corriger ses prédictions anxiogènes sur une possible guerre contre la Russie. Mais le président s’est épargné d’aller à la source des désordres et des menaces qui abiment la nation, vantée jadis pour sa gaîté et ses joyeuses insolences. Le président a fait cette déclaration à l’occasion de la pose de la première pierre de la DGSI (direction générale de la sécurité intérieure). Ayant eu la chance de connaître la légèreté des années soixante et soixante-dix, je mesure l’angoisse de la jeune génération. Déjà confrontée à une violence désinhibée, elle est priée de s’enthousiasmer à la perspective d’une défense de la nation en danger.

Or ce qu’endure cette jeunesse maltraitée est le résultat d’un demi-siècle d’incuries politiques, de décisions irréfléchies, d’idéologies farfelues. Le chef de l’Etat, dans sa défense satisfaite des sociétés ouvertes, est la synthèse de ces erreurs cumulées. Il est vertigineux de se pencher sur le déclin français, en ayant en mémoire ce que fut la grandeur du pays. Michelet, dans son introduction à L’histoire de la révolution française (1) le rappelle : « Dès le dernier siècle (ndlr : le XVIIIe), Paris était déjà la voix du globe. La planète parlait par trois hommes : Voltaire, Jean-Jacques et Montesquieu ». Aujourd’hui, la France a dû céder sa place d’arbitre à l’Arabie Saoudite, où se traite la paix en Ukraine. Ceux qui alertent sur notre dégringolade continuent d’être qualifiés, par la pensée clonée, de « déclinistes », comme s’ils se réjouissaient de cette chute, tandis que les politiques s’empressent de se garder, plus que jamais, de toute nostalgie.

Il y a, chez Macron, une perversion masochiste à évoquer ce droit à la vie tranquille tout en instillant dans l’opinion, depuis le 5 mars, la peur d’un conflit nucléaire et en appelant à protéger la patrie et ses frontières, deux mots jusqu’alors sulfureux chez les progressistes. Hier, le président a d’ailleurs tenté de rééquilibrer son analyse initiale, focalisée sur le seul « danger existentiel » russe, en y replaçant « en même temps » le terrorisme islamiste parmi les ennemis de la France. La moindre des choses. Reste que ce nouveau droit à la sécurité élémentaire, clairement reconnu par l’Elysée (même si l’annonce est passée inaperçue), fait désormais obligation au chef de l’Etat et au gouvernement de le respecter. Sera-ce l’occasion pour les citoyens abandonnés de demander des comptes à l’Etat défaillant ? Ce dernier a déjà été condamné par la justice administrative, sur recours des écologistes, pour « inaction climatique » après des engagements non tenus pour lutter contre le carbone et le réchauffement climatique. Les manquements sécuritaires sont autrement plus dangereux. J’ai déjà eu l’occasion de noter ici la révolte, récente, de certaines victimes contre les pouvoirs publics. « La France a tué mon époux », avait notamment accusé en août dernier la veuve du gendarme Eric Comyn. En réalité l’Etat, délabré, est trop souvent à la source de mises en danger de la vie d’autrui, de non- assistances à personne en danger, d’abus de confiance, d’abandons de poste, etc. Il serait temps que les fauteurs de trouble, à l’abri de leurs hautes fonctions, répondent devant des juges de leurs incuries.

(1) Tome I, page 70, La Pléiade

Mes interventions de mardi sur Ligne Droite (8h40-8h50) et CNews (14h-15h, replay partiel)

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