vendredi 11 avril 2025

Mobilisation pro-Palestine à Sciences Po Strasbourg : le directeur pourchassé

 

© Capture écran - Instagram Sciences Pro Palestine
© Capture écran - Instagram Sciences Pro Palestine
À la sortie du conseil d'administration, le directeur a été poursuivi et un enseignant visé par des crachats.
 
« Israël génocide, Sciences Po complice ». Ce 10 avril, la direction de l’Institut d’études politiques de Strasbourg a de nouveau dû appeler les forces de l’ordre en renfort afin d’évacuer les étudiants qui organisaient un blocus devant l’établissement. Sans violence, la police est parvenue à disperser la trentaine de militants et enseignants pro-palestiniens présents devant les portes de Sciences Po Strasbourg et à rouvrir le bâtiment. Ce quatrième épisode de blocage depuis la rentrée scolaire fait suite à la décision du conseil d’administration de l’école, réuni ce 8 avril, de maintenir son partenariat avec la Lauder School of Government de l’université Reichman, en Israël. Après des « débats de qualité », les élus ont en effet voté par bulletin secret (16 voix pour, 14 contre et 3 abstentions), contre l’avis du comité ad hoc, majoritairement pro-Palestine, mis en place en mars pour apaiser les tensions. Une « décision politique », selon les activistes d’extrême gauche qui accusent l’université de Strasbourg d’être « complice du génocide » en Israël.

Le directeur poursuivi

À la sortie du conseil d’administration, les militants pro-Palestine ont copieusement hué les élèves et professeurs élus. Une partie d’entre eux a même décidé de pourchasser Jean-Philippe Heurtin, directeur de Sciences Po Strasbourg, dans les rues de la ville aux cris de « Israël génocide, Heurtin complice ». Un autre enseignant, connu pour ses positions contre le boycott de l’université israélienne, s’est également fait cracher dessus et a été accusé d’être « complice du génocide à Gaza ». Dans un communiqué, la direction de l’IEP de Strasbourg « déplore la violence verbale, les cris, les intimidations et même les crachats avec lesquels le comité Palestine a accueilli les administrateurs à leur sortie du Cardo [bâtiment qui accueille l’IEP, NDLR] à l'issue de la séance ». « La direction appelle à respecter la décision du conseil d'administration et à retrouver le plus rapidement possible un fonctionnement pédagogique normal et la sérénité nécessaire au travail de l'ensemble de la communauté de Sciences Po Strasbourg », poursuit le communiqué. La présidente de l’université de Strasbourg abonde : « le conseil d’administration a statué de manière claire, les cours peuvent et doivent reprendre. » Avant le vote, Philippe Baptiste, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, avait fait savoir que le gouvernement s’opposait à la suspension du partenariat « pour des raisons militantes ». Contacté à propos des menaces et intimidations lancées contre le personnel de l’IEP, le ministre n’a pas donné suite à nos sollicitations.

Voir le tweet

Si le blocus a été levé par les forces de l’ordre, le Comité Palestine de Sciences Po Strasbourg n’entend pas s’arrêter là. Ce 10 avril, à la veille des vacances universitaires, ses membres se réunissaient en assemblée générale pour réfléchir à la suite de la mobilisation.

Un climat de terreur

« Ce qui se passe à Sciences Po Strasbourg n’est malheureusement pas étonnant, commente François Blumenroeder, ancien président de l’UNI Strasbourg, contacté par BVC’est un IEP très politisé à l’extrême gauche, et ce, depuis de nombreuses années. » « Ces dernières années, on a pu voir des confrontations entre des collectifs d’étudiants et la direction, pourtant plutôt à gauche, notamment sur le conflit israélo-palestinien. Une minorité très politisée fait vivre un enfer à la majorité des étudiants et à l’administration », poursuit cet ancien administrateur de l’université de Strasbourg. « Des personnes de l’administration sont à bout de nerfs. Il y a une ambiance de délation, […] plusieurs étudiants sont harcelés, l’extrême gauche la plus radicale a pris le contrôle », se désole François Blumenroeder. Une étudiante en master 2 témoignait ainsi, il y a quelques jours, sur LinkedIn, de l’ambiance délétère qui règne au sein de l’IEP. « Le 7 octobre, lors des hommages aux victimes, je me suis sentie très seule. […] Depuis le 7 octobre, sans être juive, j’ai ressenti l’antisémitisme. Depuis le 7 octobre, ma scolarité à Sciences Po Strasbourg a été difficilement respirable », ose écrire l'étudiante, qui a décidé d'effectuer sa troisième année d'étude à l'université Reichman.

Une analyse partagée par Yvenn Le Coz, délégué national de l’UNI, contacté par BV. « On a reçu des témoignages d’étudiants à Sciences Po Strasbourg. Les militants d’extrême gauche tentent clairement de mettre en place une mécanique violente pour contraindre la direction. Ce climat n’est pas nouveau. Depuis le 7 octobre, ils empêchent la tenue des cours », rapporte le militant. Outre les pressions contre les étudiants, le directeur de l'établissement est régulièrement la cible de menaces. Sur les murs de l'IEP, des activistes avaient ainsi tagué : « Heurtin, Sciences Po aura ta peau ». Un enseignant, proche des militants pro-Palestine, a même jeté en pâture, sur les réseaux sociaux, le nom de deux de ses collègues en les accusant de « collusion avec l’extrême droite ».

Avec l’UNI, Yvenn Le Coz appelle donc à « des sanctions contre les étudiants qui font pression et intimident le personnel ». Et il demande au ministère de l’Enseignement supérieur d'« intervenir pour garantir la sécurité des enseignants et des étudiants en cessant de subventionner les organisations coupables de violences et d’intimidation ». Contacté sur d'éventuelles sanctions, l'IEP de Strasbourg n'a pas encore répondu à nos questions.

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