
La France n’est pas la Roumanie, au regard des réactions qui eurent lieu là-bas on pourrait prophétiser qu’elle n’est même plus rien du tout, si ce n’est ce ventre mou qui s’auto-digère dans un spasme morbide. Là bas on écarte un opposant et le peuple est dans la rue, ici semblable événement se produit, certes loin d’une élection, et la colère reste feutrée, se veut mûrissement de consciences vertueuses, car réfléchi. C’est là le baume que l’on tartine pour effacer l’abandon des combats, l’acceptation des châtiments. Faute de sursaut salvateur, la France sera mûre pour la dictature européenne, assortie de sa dissolution et ce n’est qu’en partie la faute de ce peuple désabusé, trompé depuis trop longtemps. Il semble amorphe, contemplant tous les jours le désastre symbolique de ses institutions, la mise à mort de son identité, de sa capacité d’indignation et de sa disparition, au sens propre cette fois, devenue quotidienne, sous les coups de couteaux d’un envahisseur qu’on ne reconnaît pas comme tel. Certes des voix s’élèvent pour dénoncer le crime, mais les murmures n’ont jamais rien renversé.
À trop se civiliser, le caractère des peuples se dissout et la colère ne force plus le changement, ce dernier s’impose, mais par l’entremise cotonneuse de pseudo règles de droit qui oblige à respecter ce qui ne peut moralement plus l’être, et à courber l’échine jusqu’à la mort du corps social, en transformant des opposants en dissidents et à admettre que la justice puisse leur interdire de se présenter. Et alors ! La justice est forcément juste, comme la loi est fatalement saine. C’est là un aphorisme qui s’impose comme implacable mais volontairement oublieux de ce que l’histoire nous enseigne de ces évidences. Le RN est en parti le responsable de cet état, à trop vouloir entrer dans le moule fade et sans contour d’un ensemble acceptable, du moins décrété comme tel par une bien-pensance décernant les bons points ici, censurant ou excluant là. Cette énième défaite du conformisme lui aura-t-elle ouvert les yeux sur les outils de sa révolte qu’il doit impérativement utiliser pour ne pas être définitivement sombrer dans les abysses de l’oubli ? On peut en douter, tant des suiveurs ne se transforment pas en décideurs en un claquement de doigts. Tant le refus de lutter entraîne la lâcheté qui devient au fil du temps, mode d’existence et prend valeur de vertu, en lieu et place de ce qu’elle représente, la soumission en un système qu’on ne combat plus, mais qu’on épouse par conviction ou nécessité.
On pourra nous objecter que les États Unis ont eux aussi connu le vol d’une élection, et quatre ans après ont rectifié le tir. Le changement a été possible parce que le camp républicain est resté sur des positions fortes, promettant une rupture nette et franche, donnant à l’électeur américain un choix clair. La difficulté en France c’est que nous n’avons pas semblable hypothèse à envisager. Le RN s’est ingénié à plier pour se fondre dans le moule et être autorisé à courtiser le pouvoir. Mais ce droit d’entrée n’a été qu’un leurre, un piège dans lequel il est tombé, faute de certitude, attiré par la voie la moins noble pour accéder au pouvoir, celle de la compromission, là où il fallait opposer sa différence avec fierté. Est-il trop tard pour changer de costume ? Non, mais il faut des armes que peu semblent posséder dans ce parti. Le discours ne doit plus se faire mielleux. Nous l’avions dit au RPF, il fallait rester dans la ligne dure de l’opposition, quitte à tomber que ce soit avec les honneurs. La posture prise par le RN démontre qu’il s’est laissé embobiner et qu’il n’y a rien gagné, sauf à se servir de cette affaire pour durcir le ton et ne plus accepter d’arrangements desquels il ne sort jamais vainqueur. La question à se poser est pourquoi en est-il ainsi ? Est-il trop naïf pour éviter les pièges, ou se complaît-il dans ce rôle de victime, là ou hier on le désignait comme bourreau ?
Faire tomber Bayrou est bien entendu une option à garder en réserve, mais il y a d’autres chantiers à mettre en place. Celui du RIC, celui aussi des 500 signatures pour se qualifier à la présidentielle. Celui du mode de scrutin des législatives. Il doit être force de proposition s’il ne veut pas subir une fois de plus une disqualification légale. Un programme en totale rupture avec ce qu’il a présenté jusque-là est nécessaire s’il souhaite reprendre la main et en finir avec l’acceptation des règles du jeu que le système lui impose depuis 2017 avec comme condition, qu’il perde à chaque fois. Le RN est le parti qui permet au candidat désigné de gagner. Soit cette posture lui suffit et il se contente d’être l’amuseur public, soit il change totalement son fusil d’épaule et devient un vrai parti de rupture. Quoi qu’il en soit il est nécessaire que le RN modifie son attitude, à l’image d’un Trump qui a proposé un programme net et précis en rupture avec les démocrates. On ne gagne jamais à copier les autres, celui qui se laisse aller à cette facilité est toujours le second. Il doit désormais s’opposer frontalement à cette Europe qui est la source de l’inéligibilité de Marine Le-Pen, revoir ses positions sur les nécessités de modifier la constitution et donner au peuple ce pouvoir qu’on lui vole depuis trop de temps, grâce au RIC. Revenir sur cette course aux 500 signatures qui sera le futur tombeau légal d’une candidature RN. Il faut se réveiller et vite, cesser d’avoir l’air simplement respectable et devenir enfin respecté…
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