
Le candidat nationaliste George Simion est arrivé en tête du premier tour de l’élection présidentielle roumaine avec plus de 30 % des voix, tandis que les scores des deux candidats de la coalition pro-occidentale, Crin Antonescu et l’indépendant Nicușor Dan, tous deux légèrement au-dessus de 20 %, sont encore trop serrés pour désigner le second à l’heure où nous écrivons ces lignes. Simion fait mieux que Calin Georgescu qui avait réalisé 23 % des suffrages en novembre 2024 et était donné favori pour le second tour.
Le second tour s’annonce extrêmement serré entre George Simion et, vraisemblablement le pro-UE et pro-Otan Crin Antonescu.
Le premier tour des présidentielles qui se sont déroulées en novembre 2024 ont été annulées par la Cour constitutionnelle du pays deux jours avant le second tour. Motif : la campagne du candidat anti-ukrainien, anti-UE, anti-Otan et anti-OMS, Călin Georgescu, arrivé en tête avec 23 % des voix, aurait bénéficié du soutien du Kremlin via TikTok. Soupçons par ailleurs jamais établis : le rapport du Conseil suprême de défense du pays a évoqué l’implication d’un « acteur étatique » sans preuves concrètes. La décision des juges d’annuler les présidentielles a été jugée « partisane » par le politologue roumain Alexandru Gussi. Rappelons que le socialiste Marcel Ciolacu avait été éliminé…
En février, le procureur de Bucarest a ouvert des poursuites pénales et la police roumaine a procédé à l’arrestation de Călin Georgescu, sous le coup d’une inculpation pour « fausses déclarations » dans le financement de sa campagne, « atteinte à l’ordre public, détention d’armes et apologie de crimes de guerre ». Plus de quarante de ses permanences ont été perquisitionnées, dans cinq comtés roumains. Le grand jeu.
Ce n’est pas tout. Début mars, la Cour constitutionnelle rejetait l’appel de Georgescu après que le Bureau électoral central a annoncé l’invalidation de la candidature du candidat classé à l’« extrême droite », assurant qu’elle « ne remplissait pas les conditions de la légalité », car l’homme politique avait enfreint « les règles démocratiques d’un suffrage honnête et impartial ». Jetant l’éponge, Georgescu a alors déclaré soutenir le candidat « populiste » George Simion.
Avec 30% des votants au premier tour, George Simion pourrait l’emporter au second tour, le 18 mai prochain. À moins que les juges aux ordres de Bruxelles n’en décident autrement et n’invalident de nouveau l’élection. Simion a déclaré durant la campagne vouloir faire de Georgescu son Premier ministre en cas de victoire.
Il n’y a jamais eu de Nuremberg du communisme et la Roumanie ne s’est jamais guérie de l’époque Ceaucescu. L’Europe de Bruxelles et sa propension totalitaire offre à ses démons le cadre idéal pour ressurgir. L’ex-commissaire européen Thierry Breton s’est réjoui de l’annulation des élections présidentielles roumaines et avait menacé les électeurs allemands du même sort au cas où ils auraient placé l’AfD en tête lors des législatives de février.
Sur instruction de Bruxelles, l’Office fédéral allemand pour la protection de la Constitution a désigné Alternative für Deutschland « organisation extrémiste de droite qui menace la démocratie et l’ordre constitutionnel ». Aux élections législatives de février, l’AfD s’était classée deuxième, derrière les conservateurs du CDU et devant les sociaux-démocrates du SPD. C’est-à-dire les deux partis qui ont conclu un accord pour former le nouveau gouvernement en Allemagne. Le Parlement peut même exiger la dissolution de l’AfD, comme il l’a déjà fait pour son organisation de jeunesse.
Pendant la campagne, le pression médiatique à l’encontre de Simion a été extrême. Ce dimanche sur les réseaux sociaux, de nombreux électeurs ont fait état de bulletins manquants à son nom. La diaspora roumaine, majoritairement acquise au tandem Georgescu-Simion, dénonce des entraves à son vote.
Formée en 2021, la coalition réunissant le Parti social-démocrate (PSD), le Parti national libéral (PNL) et l’UDMR fait l’objet de critiques récurrentes pour son immobilisme, ses résultats économiques décevants, son clientélisme et les scandales de corruption qui l’émaillent.
La campagne s’est déroulée dans un contexte de lassitude généralisée dans une société largement conservatrice et traditionaliste, où se mêlent critiques contre la coalition au pouvoir, notamment chez les paysans, affectés par la concurrence ukrainienne sans droits de douane – et inflation persistante. L’exaspération vis-à-vis des partis traditionnels pro-européens alimente les discours prorusses, moins par sympathie envers Moscou que par opposition au soutien apporté à l’Ukraine. Simion a appelé à l’arrêt de l’aide militaire au pays voisin.
Seul candidat à avoir refusé de participer au débat présidentiel sur la télévision publique, George Simion, admirateur de Donald Trump, se présente en figure de rupture. L’homme de 38 ans défend des valeurs conservatrices – il est opposé au mariage homosexuel et réservé sur l’avortement – dans un pays où l’Église orthodoxe exerce une influence profonde.
Le débat sur la place de la Roumanie dans l’Union européenne reflète aussi cette ambivalence : si 70 % des citoyens y voient encore un bénéfice (Eurobaromètre, hiver 2025), la tendance du gouvernement à justifier ses politiques antisociales par Bruxelles suscite le rejet.
Simion promet de mieux défendre les intérêts roumains face à la bureaucratie bruxelloise. Il adopte également une posture critique à l’égard de l’OTAN – dont la Roumanie est membre depuis 2004 – tout en se montrant plus modéré que Georgescu qui réclamait un référendum sur une éventuelle sortie de l’alliance et dénonçait la présence de bases américaines sur le sol roumain. George Simion n’en bénéficie pas moins du soutien affiché du vice-président états-unien, J. D. Vance, dans une Roumanie au rôle stratégique, aux portes de la mer Noire.
Sur la Moldavie en revanche, Simion se montre plus radical : il appelle ouvertement à son rattachement à la Roumanie, niant toute légitimité à son statut d’État souverain. Il y est d’ailleurs déclaré persona non grata depuis 2015.
Fondée en 2019 par George Simion, l’Alliance pour l’unité des Roumains (AUR) entre au Parlement dès 2020, avec 9 % des voix. Depuis, ses élus, rejoints par ceux de SOS Roumanie, ont dépassé les sociaux-démocrates aux législatives de décembre 2024 pour atteindre un tiers des sièges au Parlement.
Henri Dubost
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