La journaliste a eu beau préciser qu’elle ne ciblait aucunement les Français de confession musulmane, mais plutôt « ceux qui croient [...] qu’en leur disant des propos antisémites, on va pouvoir les rallier », il était trop tard. L’extrême gauche tenait là son nouveau procès en « islamophobie » et ne comptait pas lâcher le morceau.
Une journaliste face à la meute
Les réactions politiques, notamment d’extrême gauche, n’ont pas tardé. Coordinateur de LFI, Manuel Bompard a étrillé l’éditorialiste de France Télévisions l'accusant d’« islamophobie ». « Pour Nathalie Saint-Cricq, pour conquérir le vote musulman (expression qui n’a aucun sens quand on se dit républicain), il faudrait être antisémite. Cet amalgame islamophobe n’a rien à faire à la télévision. Ça suffit ! » Les équipes de la députée Clémence Guetté ont également pris la plume pour dénoncer une « sortie raciste », tandis qu’Antoine Léaument a accusé France Info de « faire du CNews ». À la remorque des Insoumis, le socialiste Olivier Faure est allé dans le même sens et a prétendu qu’il n’y avait « aucun lien mécanique à faire entre musulmans et antisémites ». Tout aussi remonté, le très ambigu recteur de la grande mosquée de Paris a annoncé saisir l’Arcom. « Les déclarations de Nathalie Saint-Cricq sont extrêmement graves. Je vais signaler à l’Arcom qui, je l’espère, prendra au sérieux notre demande. Comment peut-on tenir de tels propos ! », a ainsi écrit Chems-Eddine Hafiz, sur X.
Les collègues de Nathalie Saint-Cricq, les syndicats de journalistes et Reporters sans frontières se porteront-ils au secours de leur consœur jetée aux loups ? Rien n'est moins sûr.
Car une pétition contre la journaliste a également vu le jour, sur Internet. Partagée sur des comptes liés à LFI ou au Nouveau Front populaire, elle demande tout simplement le licenciement immédiat de Nathalie Saint-Cricq de son poste de directrice de la rédaction nationale de France Télévisions. « Des propos ont été tenus par elle à l’antenne de France Info, le 3 décembre 2025, selon lesquels la "quête du vote musulman" serait menée grâce à des déclarations supposément antisémites, écrivent les signataires. Ces déclarations provoquent une stigmatisation d’une communauté dans un média d’information publique, ce qui porte atteinte à la cohésion sociale, à la dignité des personnes concernées, et viole les valeurs de la République. » Plus de 9.000 personnes ont déjà signé ce texte.
Un lien largement documenté
Spécialiste des questions d’islam, l’anthropologue Florence Bergeaud-Blackler a pris la défense de Nathalie Saint-Cricq et estimé que cette dernière était dans son bon droit : « L’antisémitisme peut être un moyen d’aller chercher des voix islamistes », a-t-elle ainsi rappelé. En effet, si le recteur de la mosquée de Paris refuse d’entendre parler d’un quelconque « antisémitisme musulman », ce concept n’a rien de fumeux. En mai 2024, un sondage de l’IFOP nous apprenait que 59 % des Français musulmans estimaient que « les Juifs ont trop de pouvoir dans le domaine des médias », contre 24 % de l’ensemble de la population. En 2014, déjà, la dimension culturelle de cet antisémitisme islamique avait été pointée par une étude réalisée par l’institut Fondapol : la proportion de personnes partageant des préjugés défavorables aux Juifs était alors « 2 à 3 fois plus élevée » dans la population française de culture musulmane que dans le reste de la population.
« Ce qui est frappant, c’est la permanence des stéréotypes, unanimement affirmés, avec les thèmes les mieux connus et les plus constants : le pouvoir et la solidarité », notait alors la sociologue Dominique Schnapper. Des clichés nauséabonds, avancés « comme s’il s’agissait d’évidences partagées par tout un chacun » et très répandus notamment chez les personnes se déclarant d’origine algérienne et marocaine... De quoi accréditer, a minima, la thèse d’une grande porosité de la « Oumma » aux discours antisémites. Surtout si « c’est la science qui le dit », pour reprendre une rhétorique chère à l’audiovisuel public.
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