La
France, qui se targue depuis vingt ans de pouvoir amener 80 % d'une
classe d'âge au bac, a vu dans le même temps s'accroître le nombre des
enfants illettrés. Encore quelques points et l'on sera - si l'on en
croit les statistiques - bachelier ou illettré ! Le ministre Robien a
donc décidé de réformer l'apprentissage de la lecture. Le « collectif
lecture » est farouchement contre.
Le ministre de l'Education, M. Gilles de Robien, s'est attaqué à forte partie. Ambitionnant de réformer l'apprentissage de la lecture, et plus précisément d'en finir avec la méthode globale, il s'apprête à essuyer ces jours-ci une nouvelle fronde des syndicats d'enseignants et autres associations. En ce début de semaine, le Parisien (6/3) consacre une page au sujet dans sa rubrique « Vivre mieux ». Choix judicieux car on ne doute pas que l'illettrisme ; dans le monde actuel, soit un très lourd handicap pour la vie quotidienne !
Le ministre prône un retour, partiel si ce n'est total, à la méthode syllabique. Les syndicats et association sont (évidemment) contre. Ils viennent de créer le Collectif lecture « dont la première action sera de riposter au projet d'arrêté ministériel sur la modification des programmes à l'école primaire ».
Sauver la lecture ou sauver l'illettrisme ?
Toutefois, les membres du Collectif et ceux du gouvernement sont au moins d'accord sur un point : « l'incapacité qu'éprouvent 15 % des petits Français à lire correctement en fin de primaire » (Ce qui ne les empêche d'ailleurs pas de passer en sixième... ). « Tout le monde est d'accord sur ce triste constat », dit au Parisien P. Nie Mec, le secrétaire national du SEUnsa, mais, poursuit-il, « l'erreur du ministre est de faire porter le chapeau à une méthode (globale) qui n'est plus utilisée, donc à nous. C'est injuste, réducteur et démagogique car il surfe sur le vent de la nostalgie actuel pour ressusciter le bon vieux décodage syllabique. il a été amendé dans les années 1960, beaucoup d'enfants ne comprenaient pas ce qu'ils lisaient... ». Que dire d'aujourd'hui, alors, où beaucoup ne lisent carrément pas du tout !
Finalement, la position du « Collectif lecture » et des pétitionnaires de « Sauvons la lecture » se résume d'une phrase. C'est : « ne changeons surtout pas une méthode qui a fait la preuve de son inefficacité ».
Un détour par le Forum du Monde de l'Education de mars nous en apprend plus sur cette « Querelle byzantine autour des méthodes de lecture ».
La vieille lune des pédagogues
La contribution d'un certain M. Bourdil, professeur de lettres, est un monument. Disons-le tout net : on espère qu'il n'exerce pas (ses ravages) dans le primaire. Voici en effet ce qu'il écrit : « La querelle des méthodes syllabique et globale relève du byzantinisme et de l'échappatoire. Byzantinisme car le problème est indécidable (sic) ».
Pourquoi cela ? Parce que, « à la vérité, peu importe qu'on identifie le mot grâce aux lettres, aux sons, à un mélange variable de toutes ces données, l'important, c'est de le reconnaître, et pour le reconnaître, il faut l'avoir déjà connu et mémorisé sous une forme qui constitue une sorte d'amorce mnésique ». On ne saurait donc que ce que l'on sait déjà. Alors pas d'apprentissage possible, pas de découverte ?
Ce monsieur poursuit : « quelle que soit la technique, utilisée, les élèves en difficulté [...] courent sans arrêt après cette fameuse reconnaissance des mots », cela parce que « la reconnaissance des mots est liée à deux choses complémentaires que l'Education nationale semble totalement ignorer : le nombre de mots et l'organisation du lexique ». A l'appui de sa démonstration, M. Bourdil relève : « il y a une minorité d'élèves qui lisent mal c'est certain - mais il y a aussi tous ceux - beaucoup plus nombreux - qui lisent correctement, mais ne saisissent rien de ce qu'ils prononcent ». La raison, nous dit M. Bourdil, est simple : c'est parce que « le mot ne doit pas être un moyen mais une fin .»
C'est là la vieille lune des pédagogues : on va du tout à la partie, on saisit d'abord le sens puis on passe à la phrase et de la phrase aux mots. Voilà trente ans que la méthode apporte les preuves de son inefficacité et de sa nuisance, mais qu'à cela ne tienne, on continue.
L'approche scientifique
Prennent aussi la plume, dans ce forum, quelques « professeures (sic) de français à l'école normale puis à l'IUFM de Lyon », lesquelles disent avoir « beaucoup travaillé sur la lecture ». On ne sait pas, en revanche, si elles ont « beaucoup travaillé sur les élèves ». Elles nous font part d'une découverte fondamentale : « Nous estimons pouvoir affirmer ceci : pour apprendre à lire [...], les élèves doivent être en mesure de pratiquer à l'oral la langue explicite qui est celle de l'écrit, et donc disposer de plusieurs registres de langue selon les situations et les développements ». En résumé : pour apprendre à lire le français, mieux vaut le parler, et le verlan de banlieue n'est à cela d'aucun secours.
À lire tout ce beau monde, on ne peut que se demander comment, depuis des siècles, nous avons réussi à lire et comprendre. Grand Dieu ! Etions-nous donc des génies ?
Enfin, le Monde de l'Education donne la parole aux chercheurs, car l'éducation, aujourd'hui, est une science qui se voudrait exacte. « L'efficacité des pratiques pédagogiques » doit donc être « abordée scientifiquement ». Et manque de bol pour les pédagogues idéologues, les scientifiques en pincent pour le déchiffrage ! Leur verdict est sans appel : « Les enfants qui suivent un enseignement systématique du déchiffrage obtiennent de bien meilleurs résultats que les autres, non seulement en lecture de mot, mais également en compréhension de texte (contrairement aux idées reçues sur les méfaits du déchiffrage qui conduirait à ânonner sans comprendre) ». Mieux que cela : « l'enseignement systématique du déchiffrage est particulièrement supérieur aux autres méthodes pour les enfants à risque de difficultés d'apprentissage, soit du fait de faiblesses en langage oral, soit du fait d'un milieu socioculturel défavorisé ».
Nos scientifiques sont formels : L'obligation d'enseigner le déchiffrage dès le début du CP serait « un net progrès » propre à remédier, du moins en partie, à l'illettrisme.
Voilà donc pour l'efficacité. Hélas, comme disent nos «professeures» d'IUFM, ce n'est pas ce débat sur les méthodes, « souvent mal engagé et grevé d'idéologie, qui suffira à remédier aux difficultés et au malaise de l'école ».
TOPOLINE National Hebdo du 9 au 15 mars 2006
Le ministre de l'Education, M. Gilles de Robien, s'est attaqué à forte partie. Ambitionnant de réformer l'apprentissage de la lecture, et plus précisément d'en finir avec la méthode globale, il s'apprête à essuyer ces jours-ci une nouvelle fronde des syndicats d'enseignants et autres associations. En ce début de semaine, le Parisien (6/3) consacre une page au sujet dans sa rubrique « Vivre mieux ». Choix judicieux car on ne doute pas que l'illettrisme ; dans le monde actuel, soit un très lourd handicap pour la vie quotidienne !
Le ministre prône un retour, partiel si ce n'est total, à la méthode syllabique. Les syndicats et association sont (évidemment) contre. Ils viennent de créer le Collectif lecture « dont la première action sera de riposter au projet d'arrêté ministériel sur la modification des programmes à l'école primaire ».
Sauver la lecture ou sauver l'illettrisme ?
Toutefois, les membres du Collectif et ceux du gouvernement sont au moins d'accord sur un point : « l'incapacité qu'éprouvent 15 % des petits Français à lire correctement en fin de primaire » (Ce qui ne les empêche d'ailleurs pas de passer en sixième... ). « Tout le monde est d'accord sur ce triste constat », dit au Parisien P. Nie Mec, le secrétaire national du SEUnsa, mais, poursuit-il, « l'erreur du ministre est de faire porter le chapeau à une méthode (globale) qui n'est plus utilisée, donc à nous. C'est injuste, réducteur et démagogique car il surfe sur le vent de la nostalgie actuel pour ressusciter le bon vieux décodage syllabique. il a été amendé dans les années 1960, beaucoup d'enfants ne comprenaient pas ce qu'ils lisaient... ». Que dire d'aujourd'hui, alors, où beaucoup ne lisent carrément pas du tout !
Finalement, la position du « Collectif lecture » et des pétitionnaires de « Sauvons la lecture » se résume d'une phrase. C'est : « ne changeons surtout pas une méthode qui a fait la preuve de son inefficacité ».
Un détour par le Forum du Monde de l'Education de mars nous en apprend plus sur cette « Querelle byzantine autour des méthodes de lecture ».
La vieille lune des pédagogues
La contribution d'un certain M. Bourdil, professeur de lettres, est un monument. Disons-le tout net : on espère qu'il n'exerce pas (ses ravages) dans le primaire. Voici en effet ce qu'il écrit : « La querelle des méthodes syllabique et globale relève du byzantinisme et de l'échappatoire. Byzantinisme car le problème est indécidable (sic) ».
Pourquoi cela ? Parce que, « à la vérité, peu importe qu'on identifie le mot grâce aux lettres, aux sons, à un mélange variable de toutes ces données, l'important, c'est de le reconnaître, et pour le reconnaître, il faut l'avoir déjà connu et mémorisé sous une forme qui constitue une sorte d'amorce mnésique ». On ne saurait donc que ce que l'on sait déjà. Alors pas d'apprentissage possible, pas de découverte ?
Ce monsieur poursuit : « quelle que soit la technique, utilisée, les élèves en difficulté [...] courent sans arrêt après cette fameuse reconnaissance des mots », cela parce que « la reconnaissance des mots est liée à deux choses complémentaires que l'Education nationale semble totalement ignorer : le nombre de mots et l'organisation du lexique ». A l'appui de sa démonstration, M. Bourdil relève : « il y a une minorité d'élèves qui lisent mal c'est certain - mais il y a aussi tous ceux - beaucoup plus nombreux - qui lisent correctement, mais ne saisissent rien de ce qu'ils prononcent ». La raison, nous dit M. Bourdil, est simple : c'est parce que « le mot ne doit pas être un moyen mais une fin .»
C'est là la vieille lune des pédagogues : on va du tout à la partie, on saisit d'abord le sens puis on passe à la phrase et de la phrase aux mots. Voilà trente ans que la méthode apporte les preuves de son inefficacité et de sa nuisance, mais qu'à cela ne tienne, on continue.
L'approche scientifique
Prennent aussi la plume, dans ce forum, quelques « professeures (sic) de français à l'école normale puis à l'IUFM de Lyon », lesquelles disent avoir « beaucoup travaillé sur la lecture ». On ne sait pas, en revanche, si elles ont « beaucoup travaillé sur les élèves ». Elles nous font part d'une découverte fondamentale : « Nous estimons pouvoir affirmer ceci : pour apprendre à lire [...], les élèves doivent être en mesure de pratiquer à l'oral la langue explicite qui est celle de l'écrit, et donc disposer de plusieurs registres de langue selon les situations et les développements ». En résumé : pour apprendre à lire le français, mieux vaut le parler, et le verlan de banlieue n'est à cela d'aucun secours.
À lire tout ce beau monde, on ne peut que se demander comment, depuis des siècles, nous avons réussi à lire et comprendre. Grand Dieu ! Etions-nous donc des génies ?
Enfin, le Monde de l'Education donne la parole aux chercheurs, car l'éducation, aujourd'hui, est une science qui se voudrait exacte. « L'efficacité des pratiques pédagogiques » doit donc être « abordée scientifiquement ». Et manque de bol pour les pédagogues idéologues, les scientifiques en pincent pour le déchiffrage ! Leur verdict est sans appel : « Les enfants qui suivent un enseignement systématique du déchiffrage obtiennent de bien meilleurs résultats que les autres, non seulement en lecture de mot, mais également en compréhension de texte (contrairement aux idées reçues sur les méfaits du déchiffrage qui conduirait à ânonner sans comprendre) ». Mieux que cela : « l'enseignement systématique du déchiffrage est particulièrement supérieur aux autres méthodes pour les enfants à risque de difficultés d'apprentissage, soit du fait de faiblesses en langage oral, soit du fait d'un milieu socioculturel défavorisé ».
Nos scientifiques sont formels : L'obligation d'enseigner le déchiffrage dès le début du CP serait « un net progrès » propre à remédier, du moins en partie, à l'illettrisme.
Voilà donc pour l'efficacité. Hélas, comme disent nos «professeures» d'IUFM, ce n'est pas ce débat sur les méthodes, « souvent mal engagé et grevé d'idéologie, qui suffira à remédier aux difficultés et au malaise de l'école ».
TOPOLINE National Hebdo du 9 au 15 mars 2006
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