28 novembre 2012 – Il ne faut pas craindre les acronymes… Zbigniew Brzezinski ayant décidé de parler du «The Role of the West in the Complex Post-Hegemonic World», il nous a paru bienvenu et bureaucratiquement de bon aloi de comprimer l’essentiel de son intervention à l’acronyme CPHW (« Complex Post-Hegemonic World).
Avec cette expression, Brzezinski nous dit exactement ce dont il
s’agit : les USA ne peuvent plus assurer une hégémonie sur le monde, le
bloc BAO pas davantage, et d’ailleurs personne non plus en-dehors de
cela, – ni la Chine, ni la Russie, etc. Nous sommes donc passés, depuis
la fin de la guerre froide, de l’“hyperpuissance” seule au monde
multipolaire, au G2 (USA + Chine), à la Chine seule, à rien du tout
sinon le désordre… Car c’est bien cela que nous dit Brzezinski.
Complémentairement mais non accessoirement, il nous dit que la révolte
des peuples, ou l’“insurrection du monde”, est en marche et que cela
marche bien.
C’est Paul Joseph Watson, de Infowars.com, qui nous informe de l'intervention du vieux guerrier devenu sage, le 26 novembre 2012. Ce que nous dit Brzezinski est sans aucun doute très intéressant.
«During
a recent speech in Poland, former US National Security Advisor Zbigniew
Brzezinski warned fellow elitists that a worldwide “resistance”
movement to “external control” driven by “populist activism” is
threatening to derail the move towards a new world order. Calling the
notion that the 21st century is the American century a “shared
delusion,” Brzezinski stated that American domination was no longer
possible because of an accelerating social change driven by “instant
mass communications such as radio, television and the Internet,” which
have been cumulatively stimulating “a universal awakening of mass
political consciousness.”
»The
former US National Security Advisor added that this “rise in worldwide
populist activism is proving inimical to external domination of the kind
that prevailed in the age of colonialism and imperialism.” Brzezinski
concluded that “persistent and highly motivated populist resistance of
politically awakened and historically resentful peoples to external
control has proven to be increasingly difficult to suppress.”»
Brzezinski
est une “vieille crapule” du temps de la guerre froide mais bon
observateur, à peu près aussi finaud à cet égard que l’autre “vieille
crapule” Kissinger, bien que les deux hommes se détestent comme
s’entendent à le faire deux assolute prime donne. On observera
que Brzezinski donne une leçon de lucidité à tous les pseudo-penseurs et
simili-experts de nos diplomaties du bloc BAO de la génération
actuellement opérationnelle, tous ces pseudos-similis enfermées dans la politique-Système et leur affectivité
de midinette perdue dans les couloirs de l’ONU, sans savoir qu’ils s’y
trouvent (enfermés dans le Système et perdus dans les couloirs). Lui,
Brzezinski, semble bien se douter de quelque chose, à propos de cet
enfermement et de ce vagabondage sentimentalo-hystérique…
Il
est intéressant de noter qu’il introduit le terme de
“post-hégémonique”, signifiant que plus personne ne peut exercer
sérieusement une hégémonie en tant que telle, d’un poids et d’une
ambitions significatifs, impliquant le contrôle géopolitique d’une
région, d’une alliance, d’un empire, – “du monde” enfin, pour faire
bref, à la manière d’un neocon du bon vieux temps virtualiste de GW à l’ombre de 9/11. Nous ne sommes pas, nous à dedefensa.org, étonnés ni surpris par la nouvelle
En
fait, nous dit Brzezinski, le monde est devenu trop compliqué (le
“monde complexe post-hégémonique”), et cette situation dans le désordre
le plus complet, pour encore répondre aux lois de la géopolitique ; en
cela, nous signifiant, lui, Brzezinski, le géopoliticien glacé et
implacable, que l’ère de la géopolitique est close et que lui succède,
ou lui a déjà succédé, quelque chose comme l’ère de la communication. En
l’occurrence, nous ne sommes pas plus étonnés ni surpris, et nous avons
déjà pris la résolution, depuis un certain temps, de proposer de nommer
l’ère succédant à l’ère géopolitique, du nom d’“ère psychopolitique”.
Brzezinski s’empresse de s’expliquer dans ce sens, en citant des forces
en action, en vrac mais se référant toutes au système de la
communication et, implicitement, à l’action de ce système sur la
psychologie, – «an accelerating social change driven by “instant
mass communications such as radio, television and the Internet,” which
have been cumulatively stimulating “a universal awakening of mass
political consciousness”».
Essayez
de décompter le nombre de divisions que représentent les “réseaux
sociaux” ou le “réveil d’une conscience politique de masse” ; aucune
possibilité de traduire cela en termes géopolitiques, en espace à
conquérir ou à contrôler, grâce à l’influence dominée par la
quincaillerie ; par conséquent, fin de l’ère géopolitique, développement
de l’ère psychopolitique, déclin accéléré du système du technologisme,
affirmation générale du système de la communication… Ce pourquoi,
constate Brzezinski, dans la première phrase de son raisonnement
politique, – ridiculisant presque ceux (les neocons) qui avaient lancé le slogan d’un New American Century,
– ce pourquoi l’idée d’une nouveau “siècle américain” avec le XXIème
siècle est au mieux une “désillusion”, ou, de façon plus réaliste, une
complète et trompeuse illusion devenue une erreur fatale dans la façon
que cette illusion conduit encore certaines politiques et certaines
conceptions.
…
D’où le salut de reconnaissance, contraint et sans la moindre
complaisance, de Brzezinski à ces nouvelles forces qui s’affirment
partout avec fracas, cette pression populaire (le populisme) s’affirmant
non par des révolutions, des émeutes, des grèves insurrectionnelles,
etc., mais des “événements de communication”, c’est-à-dire des masses
révolutionnaires sans révolution, des émeutes sans renversement de
gouvernement, des grèves insurrectionnelles sans insurrection.
L’important est l’écho de communication qu’on crée, qui paralyse les
pouvoirs comme le “regard” du crotale fascine sa proie, qui pousse un
vieux dictateur à la démission, qui conduit à infléchir la politique
courante jusqu’à faire une autre politique, qui bouleverse les relations
stratégiques les mieux établies par la seule crainte que cet écho
introduit dans les esprits de dirigeants dont la psychologie reste sans
réaction. Bien entendu, tout cela devient un obstacle énorme sur la voie
de “la gouvernance mondiale”, expression sans aucune substance
désignant, comme mille autres, le Système en action, et citée
implicitement par Brzezinski devant son auditoire complice comme la
référence de ses propres préoccupations.
Brzezinski a donc bien compris que les nouvelles forces du système de la communication sont fondamentalement antiSystème, par “effet-Janus” en mode turbo.
L’on notera certes qu’il s’adresse à ses amis en vrai “globaliste”,
c’est-à-dire ayant intégré que l’ensemble US et d’influence US s’est
quelque peu transformé en un “bloc” où nul, là non plus, n’assure
vraiment une hégémonie. Il s’agit bien sûr de “notre” bloc
américaniste-occidentaliste (bloc BAO), et Brzezinski a compris que ce
n’est plus un faux nez pour les USA, que ce temps-là a passé, mais qu’il
s’agit bien du cœur du regroupement général auquel les “globalistes”
voudraient nous confier… Il semble que ce soit de plus en plus, selon
Zbig, le grondement des populations en fureur qui se charge de répondre à
cette proposition globalisante.
Et puis, à ce point, changement complet… (De notre commentaire et de son orientation.)
De BHL à Alex Jones
Watson présentait son texte en “précisant” (drôle de précision) «During a recent speech in Poland […] The
remarks were made at an event for the European Forum For New Ideas
(EFNI), an organization that advocates the transformation of the
European Union into an anti-democratic federal superstate, the very type
of bureaucratic “external control” Brzezinski stressed was in jeopardy
in his lecture…»
L’on découvre que le discours a été donné le 27 septembre, à Sopot, en Pologne, pour ce qui semble être la deuxième grande fiesta
européaniste et transatlantique de ce riche institut polonais qu’est
donc cet EFNI (European Forum for New Ideas, – vaste programme) ;
rassemblant des pipole du calibre habituel du très haut de gamme (BHL était invité, c’est dire tout à ce propos), mais aussi des représentants du corporate power, présents nominalement et avec le portefeuille bien garni, et même des groupements d’ONG… (Par exemple, extrait du “carton d’invitation”… «Lech
Walesa Institute’s Civic Academy, Intel Business Challenge Europe, a
technology business plan competition for young entrepreneurs and
Konkordia, the European cooperation forum of non-governmental
organizations.») Dès le 27 septembre 2012 en fin de soirée, le journal Gazeta Swietojanska mettait sur YouTube
un DVD de l’intervention de Brzezinski. Ensuite, rien de remarquable à
signaler, le texte rendu public ne retient guère l’attention et reste
limité à la Pologne. En fait, l’événement serait plutôt marqué par une
occurrence de type mondain bien identifié, probablement de nature à
impressionner fortement BHL : la présentation d’un documentaire sur la
vie de Brzezinski présenté lors du même séminaire de Sopot.
Deux
mois plus tard, le discours resurgit. Comment, par quel canal ? On peut
tout imaginer, d'autant que le document n'est pas secret, et il nous
semble que les circonstances les plus banales et les plus simples sont
les plus probables, jusqu’au moment où un œil intéressé “découvre” la
possibilité d’exploitation du discours. Cette fois, le document est
arrivé dans de bonnes mains, celles d’un polémiste anti-globalisation,
qui voit dans Brzezinski un des inspirateurs de la globalisation et qui
l’entend pourtant annoncer que les obstacles sur la voie de la
globalisation, et notamment le “populisme” et les réactions populaires,
semblent de plus en plus insurmontables (c’est cela qui intéresse
Watson). Le site Infowars.com a une très forte popularité et le texte est repris sur de nombreux autres sites. Le 26 novembre 2012
un DVD est mis en ligne comme une nouveauté alors qu’il s’agit du même
document que celui qui fut mis en ligne le 27 septembre. Les
déclarations de Brzezinski sont jugées tellement intéressantes qu’elles
sont même reprises… en Pologne, – où elles étaient pourtant d’accès
direct depuis deux mois, – notamment par des sites activistes (voir le
site AC24, le 26 novembre 2012). Le 27 novembre 2012, Infowars.com
en tant que tel (c’est-à-dire essentiellement Alex Jones, le directeur
et l’inspirateur de l’organisation) lance à partir de ce texte de
citation de Brzezinski un véritable appel aux armes et à la
mobilisation, relayé par Planet Infowars, par Prometheus enchained, etc. :
«Resist! Hold The Line! (…) We
are winning. The elemental force that is the Freedom Movement is
winning the war. It may not seem it at first glance, with the expansion
of the police and surveillance states and the slew of federal schemes
and plots being announced and implemented, but we are winning. How can I
justify a statement like this? I have taken if from the horse’s
mouth…Zbigniew Brzezinski…»
Désormais,
les déclarations de Brzezinski sont un événement dans l'information
concernant l’évolution des relations internationales, dans le monde de
l’information et du commentaire alternatifs, alors qu’elles sont
disponibles depuis deux mois. Au reste, elles sont assez intéressantes
pour être de toutes les façons un événement, le 27 septembre ou le 26
novembre (pourvu, disons, qu’on reste dans le même semestre, la chose
tient la route). Ce qui importe en l’occurrence, c’est le moment que
choisit le système de la communication pour s’emparer de la déclaration
et l’exploiter à mesure… Nous parlons sans hésitation ni ambiguïté d’un
“système” (celui de la communication) qui choisit, selon la circonstance
bien plus que selon des manigances humaines. Cela, pour dire également
notre conviction que c’est effectivement ce qu’on nomme “un concours de
circonstances” qui a d’abord animé le voyage de la déclaration
semi-publique mais effectivement rendue publique de Brezinski, de Sopot,
en Pologne, jusque vers le Texas, dans les bureaux de Watson et d’Alex
Jones, avant d’être perçu par des relayeurs sur sa valeur effective de
communication politique, et relayé finalement vers sa destination finale
dans le but désormais explicite de l’exploiter comme on voit faire
actuellement.
Le
cas est intéressant parce que nous sommes au départ dans un domaine
fortement réglementé et soumis à des processus très précis, aussi bien
du côté de l’“émetteur” (le conférencier Brzezinski) que de
l’utilisateur (l’auditoire “globalisant”-complice, la presse-Système, le
monde politique), et que l’on voit ainsi in vivo
l’intervention semeuse de désordre du système de la communication. Des
éléments comme l’influence dans les milieux de la communication et
alternatifs antiSystème, la capacité de jugement pour l’utilisation
subversive, la perception de l’effet de communication, l’opportunité de
l’utilisation, le point de vue “engagé”, etc., ont joué un rôle
primordial. Ce n’est pas l’“émetteur”, le producteur d’action (ou
d’information, dans ce cas) qui mène le jeu, mais l’utilisateur, et un
utilisateur par effraction, qui s'impose. Cet utilisateur imposteur
(dans le meilleur sens, plutôt celui de Thomas l'imposteur)
agit en fonction de critères qui lui sont propres, hors de toute
considération factuelle habituelle, selon l'appréciation rationnelle
dont le Système fait son mie, – le fait que, dès qu’elle est dite, cette
déclaration devrait être exploitée et commentée ou bien qu’elle ne le
serait jamais, ni exploitée, ni commentée comme on voit aujourd'hui. (Et
cela vaut quel que soit l’avis ou le sentiment de l’“émetteur”…
Peut-être Brzezinski, s’il l’apprend, sera très satisfait qu’on fasse un
tel écho à ses déclarations, même s’il est en désaccord avec les
commentaires, disons par simple satisfaction personnelle et un peu
vaniteuse, et goût de la notoriété… Ce point n’a pas de rapport de cause
à effet direct avec le cas de l’exploitation par le système de la
communication qu’on expose.)
C’est
bien là qu’on voit la fin de l’ère géopolitique : la puissance (celle
de la géopolitique) ne disposant plus de tous les atouts, elle ne peut
plus s’imposer en rien parce que les règles qui lui permettaient de
faire valoir sa force sont changées. Dans le cas exposé ici, la
puissance brute, c’est Brzezinski et son prestige, le statut et
l’influence des réseaux où s’inscrit l’EFNI, avec BHL et tout son
cirque. Du point de vue de la disposition des circonstances originelles,
de l’utilisation des “concours de circonstances”, c’est pourtant le
système de la communication (représenté par les Alex Jones et consort)
qui règne… C’est le système de la communication, lui qui est d’habitude
plutôt “au service” ou “à l’affut” des informations et de ceux qui les
émettent, qui est dans ce cas maître du jeu. Quoi qu’il en soit des
intentions des uns et des autres, et des circonstances également,
l’impulsion de la déstabilisation et de la déstructuration du Système,
la marche de la dissolution du même, sont au rendez-vous.
Une
présentation plus appuyée mais conformes des déclarations de Brzezinski
le 27 septembre auraient eu beaucoup moins d’effets antiSystème que
dans le cas présent, où elles sont tombées dans le domaine d’un
“complotiste”, d’un spécialiste de la sensation, d’un anti-globalisation
et ainsi de suite. L’écho n’est pas important dans la presse-Système,
mais la presse-Système n’a plus aucune importance pour nous, du point de
vue du crédit, de sa capacité d’influence, de sa substance même,
devenue aussi décisive dans le vent de la crise que le papier qui la
porte. Bien plus intéressante est la voie actuelle, parce que les
déclarations de Brzezinski, d’un poids réel, ont un très fort pouvoir de
polémique lorsqu’elles sont bien utilisées… Zbig comme nous l’avons
compris, ou interprété, a raison : nous sommes dans l’ère de la
communication, ou ère psychopolitique, et cela depuis un certain temps
déjà. Comme nous l’avons souvent dit, dans cette nouvelle “ère”, la
fonction antiSystème est variable, diverse et multiple, et peut
s’emparer de médias et de messagers inattendus lorsque les circonstances
s’y prêtent. En l’occurrence, Brzezinski joue un rôle antiSystème,
aussi bien qu’un Alex Jones appelant aux armes. On ne demande son avis,
ni à l’un, ni à l’autre, car ainsi en a décidé le système de la
communication dans l’ère psychopolitique. Cela ne veut pas dire que la
révolution est pour demain, cela veut dire que l’évolution vers la
déstructuration et la dissolution du Système progresse toujours plus et
accélère encore, plus que jamais.
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