Parmi
les innombrables groupes de musique appartenant à la culture de masse,
certains se distinguent de la médiocrité générale et émergent hors du
lot. C'est le cas de Nokturnal Mortum, un groupe de Black/Pagan Metal
venant d'Ukraine. Fondé en 1994, le groupe se fait d'abord connaître par
un album assez classique et moyen, Twilightfall, avant de prendre une
orientation Black Metal symphonique dès l'année suivante, avec la sortie
de Lunar Poetry en 1996. Pour ceux qui ne connaissent pas, le Black
Metal se caractérise par des compositions violentes, agressives et
surtout enragées et dérangeantes. La touche symphonique, par le biais du
clavier, permet toutefois d'atténuer ce ressenti ; Dimmu Borgir ou
encore Winterburst sont de bonnes références du style. C'est cependant à
partir de Goat Horns, en 1997, que Nokturnal Mortum va emprunter un
chemin légèrement différent qui va le rendre intéressant à nos yeux :
sans rejeter l'aspect symphonique pour autant, le groupe va en effet
intégrer des parties folkloriques au sein de ses morceaux, donnant un
aspect folk et traditionnel à leur musique, comme le morceau éponyme –
Goat Horns – le montre parfaitement. Le groupe va cependant se recentrer
sur l'aspect Black Metal dès 1999, avec To The Gates Of Blasphemous
Fire, et offrir une musique plus violente et agressive, tout en
conservant cet aspect païen qui se ressent dans leurs compositions (On
Moonlight Path en est un très bon exemple). Le succès de ces deux
derniers albums ouvrit alors les portes des gros labels de Metal aux
Ukrainiens, et une fois encore leur réponse les rend intéressants :
Varggoth – le meneur du groupe – fit un magistral bras d'honneur à ces
commerciaux attirés par l'argent : NeChrist – sorti en 2000 – est un
retour au Trve Black Metal, avec un son sale, une ambiance malsaine, et
une fureur sans borne. Les compositions, bien plus agressives, comptent
certes quelques parties folkloriques, comme toujours ; l'ambiance
païenne est sans aucun doute conservée. Mais le rejet total ainsi que
l'inquiétante froideur qui s'en dégagent font de NeChrist un message de
rage explicite. C'est après cinq ans de pause – donc en 2005 – que
Nokturnal Mortum revient, avec une orientation toutefois bien plus
païenne, et moins violente. Weltanschuung alterne en effet morceaux
purement instrumentaux et morceaux de Black/Pagan efficace. Mais c'est
leur dernière œuvre, sortie en 2009, qui achève d'imposer la maîtrise du
groupe Ukrainien. The Voice Of Steel représente en effet l'un des
albums (voir l'album) de Black/Pagan le plus abouti, alliant une
technicité musicale incontestable et une pureté incroyable. Les
ambiances, créées à la perfection, transportent l'auditeur, et le
plongent dans un univers païen incroyablement intense.
La
musique de Nokturnal Mortum ne suffit pas à en expliquer l'intérêt ; les
paroles y jouent également un rôle primordial. Les textes de Nokturnal
Mortum ont la particularité d'être profonds dans leur signification.
Certains thèmes sont redondants (le lien à la nature se retrouve dans la
majorité des groupes de Black/Pagan), mais d'autres ne peuvent que nous
parler. Nokturnal Mortum accorde en effet une place majeure au
patriotisme et au respect des ancêtres, notions si chères à nos cœurs et
si salies de nos jours. Les Ukrainiens manifestent leur attachement à
leur terre et à leur culture à travers leur musique comme par leurs
textes. Plus discrets dans les premiers albums, les membres de Nokturnal
Mortum – et tout particulièrement le principal auteur des paroles,
Knjaz Varggoth – affichent clairement leurs positions, et c'est ce qui
les rend si intéressants. Car plutôt qu'un vulgaire message de haine
(celle-ci est pourtant loin de manquer aux paroles du groupe) ou de
rejet du christianisme, c'est bien une conception métaphysique du monde,
une weltanschuung qu'il s'agit de transmettre. Le lien à la nature y
prend une place prépondérante, comme dit plus haut, mais sans se limiter
à opposer nature et urbanisation : tout en décrivant les paysages de
l'Ukraine, en parlant des éléments et des astres, Varggoth dégage peu à
peu un sentiment d'élévation, de purification par la contemplation de
Dame Nature. L'évolution musicale du groupe donne une idée de
l'importance de ce concept selon les albums, mais il reste présent en
chacun, et tout particulièrement dans le dernier, The Voice Of Steel.
Plus encore que de l'énoncé, c'est du ressenti que nous apporte
Nokturnal Mortum ; le titre même de l'album (« la voix de l'acier »)
annonce la teneur guerrière tant de la musique que des paroles. Eh oui,
comme la plupart des groupes de Black/Pagan, le thème de la bataille est
lui aussi au cœur des textes (la pochette de To The Gates Of
Blasphemous Fire était d'ailleurs assez explicite à ce sujet). La
question qui se pose est donc la suivante : la bataille pour quoi?
C'est justement ce « pour quoi » qui rend Nokturnal Mortum si intéressant, car il ne s'agit pas comme dans trop de groupes de parler des glorieux Vikings qui se taillent un chemin dans les viscères à coups de hache, le tout à la gloire de Thor et d'Odin. Non, le combat de Nokturnal Mortum a un sens : la défense de la terre, de la tradition, de la culture et de l'identité, ainsi que l'honneur et le respect des anciens. Les aïeux reviennent souvent dans les chansons du groupe, tout comme l'importance d'être digne d'eux et de poursuivre le combat de ces héros morts au combat (comme le suggère assez clairement la chanson Hailed Be The Heroes, sur Weltanschuung). Les airs folkloriques présents dans les morceaux de Nokturnal Mortum (Goat Horns ou Perun's Celestial Silver de NeChrist sont des perles du genre) sont des manifestations de l'importance du folklore ukrainien et païen pour les membres de la formation. Ce paganisme affiché explique le violent rejet du christianisme qui caractérise NeChrist : bien que l'album soit très clairement Trve Black Metal tant musicalement que visuellement, ce rejet (cette haine, disons-le franchement) n'est en rien liée à une idéologie sataniste – sérieuse ou non – si fréquente dans le Black Metal. Le christianisme est certes vu comme un ennemi, mais surtout comme un envahisseur millénaire responsable de la destruction des traditions païennes des pays slaves (du moins de l'Ukraine) et comme un ennemi de la diversité et de la particularité culturelle : avant la « culture de masse » (le terme de culture est ici souillé) qu'analyse si bien ce cher Christopher Lasch, qui tend à uniformiser toutes les sociétés en les inondant d'une bouillie puante et insipide appelée « culture », le grand monothéisme européen avait durant des siècles fait un travail similaire en éliminant les croyances païennes au profit des siennes.
C'est justement ce « pour quoi » qui rend Nokturnal Mortum si intéressant, car il ne s'agit pas comme dans trop de groupes de parler des glorieux Vikings qui se taillent un chemin dans les viscères à coups de hache, le tout à la gloire de Thor et d'Odin. Non, le combat de Nokturnal Mortum a un sens : la défense de la terre, de la tradition, de la culture et de l'identité, ainsi que l'honneur et le respect des anciens. Les aïeux reviennent souvent dans les chansons du groupe, tout comme l'importance d'être digne d'eux et de poursuivre le combat de ces héros morts au combat (comme le suggère assez clairement la chanson Hailed Be The Heroes, sur Weltanschuung). Les airs folkloriques présents dans les morceaux de Nokturnal Mortum (Goat Horns ou Perun's Celestial Silver de NeChrist sont des perles du genre) sont des manifestations de l'importance du folklore ukrainien et païen pour les membres de la formation. Ce paganisme affiché explique le violent rejet du christianisme qui caractérise NeChrist : bien que l'album soit très clairement Trve Black Metal tant musicalement que visuellement, ce rejet (cette haine, disons-le franchement) n'est en rien liée à une idéologie sataniste – sérieuse ou non – si fréquente dans le Black Metal. Le christianisme est certes vu comme un ennemi, mais surtout comme un envahisseur millénaire responsable de la destruction des traditions païennes des pays slaves (du moins de l'Ukraine) et comme un ennemi de la diversité et de la particularité culturelle : avant la « culture de masse » (le terme de culture est ici souillé) qu'analyse si bien ce cher Christopher Lasch, qui tend à uniformiser toutes les sociétés en les inondant d'une bouillie puante et insipide appelée « culture », le grand monothéisme européen avait durant des siècles fait un travail similaire en éliminant les croyances païennes au profit des siennes.
Nokturnal
Mortum rejette d'ailleurs l'un comme l'autre, et NeChrist est le
paroxysme de ce refus : si les textes sont indubitablement
anti-chrétiens (des titres tels que Jesus' Blood, In The Fire of the
Wooden Churches ou encore NeChrist suffisent pour s'en rendre compte),
l'album en lui-même représente un énorme bras d'honneur aux majors de la
musique, comme dit précédemment. La réponse de Nokturnal Mortum à ces
ouvertures commerciales fut sale, malsaine, violente, haineuse, avec un
son bien plus mauvais que sur l'opus précédent. En résumé, « allez vous
faire foutre, Nokturnal Mortum ne se vend pas ». Il est d'ailleurs
intéressant de noter que depuis 2004, les albums sont produits par
Oriana Music, leur propre label. L'attitude de Nokturnal Mortum concorde
avec leurs paroles – chose assez rare à notre époque. Les années ont
cependant apporté une nouvelle maturité au groupe : ils glissent
désormais leur quenelle différemment. Au lieu d'être un nouveau
NeChrist, The Voice Of Steel a un son irréprochable et représente un
accomplissement musical ; les textes, de plus en plus forts, sont tous
chantés en Ukrainien – exception faite de Walkyrie qui est chantée en
Russe. Le lien à la terre est toujours présent, plus fort que jamais (la
pochette de Weltanschuung en reste la meilleure preuve, représentant
une main caressant des épis de blé, Nokturnal Mortum nous donnant ainsi
sa vision de la vie) tandis que le combat se précise. La chanson
Ukrainia est explicite quant à la place que prend l'Ukraine dans le cœur
des musiciens, tout comme le montrait Ma France de Jean Ferrat.
L'ennemi contre lequel lutte le groupe est le même que le nôtre :
l'uniformisation et la destruction des identités. Varggoth est toutefois
lucide quant à la situation : Sky of Saddened Nights et White Tower ont
une sonorité désespérée qui fait résonner notre âme. Ce sentiment se
ressent notamment dans White Tower : il s'agit d'ériger une Tour
Blanche, et de la défendre envers et contre tout. Il est aisé de
comprendre ce que représente cette Tour Blanche : le dernier bastion,
notre dernier retranchement face à un ennemi qui nous submerge, dans un
combat qui semble déjà perdu.Je conclurai par une constatation simple :
aucune analyse ne vaudra jamais le ressenti.
Par conséquent, je vous laisse vous faire votre propre avis.
http://www.scriptoblog.com
Pour découvrir Nokturnal Mortum en concert, suivez ce lien.
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