Günther Maschke,
ancien militant gauchiste de 1968 à Vienne, acti-viste du SDS révolutionnaire, converti
aux thèses de la droite radicale et traditionnelle par une lecture attentive de Carl
Schmitt et de Donoso Cor-tés, dont il est le brillant traducteur allemand, a prononcé
cette allocution à Rome, à l'occasion du 4ième Symposium de la revue syndicaliste
(CISNAL) Pagine Libere. Thème: ³Wall Street? Non merci!² (4 & 5 juin
1993). Parmi les autres orateurs, signalons Giano Accame (directeur du Secolo
d'Italia), le Prof. Michel Maffesoli (Paris, sociologue spécialiste des
dimensions dionysiaques de nos sociétés), le Prof. Francesco Coppel-lotti (traducteur
d'Ernst Nolte), le Prof. Carlo Gambescia (spécialiste de l'¦uvre de Pitirim Sorokin),
Luca Leonello Rimbotti (collaborateur des re-vues Diorama Letterario et Trasgressioni
de Florence et spécialiste du fascisme de gauche, du national-bolchévisme,
etc.) et, représentant le monde non universitaire et militant, Alain de Benoist,
directeur de Kri-sis. Nous reproduisons ce texte avec l'aimable autorisation
de l'auteur.
Duo quum faciunt idem, non est idem.
Si deux hommes parlent entre eux de l'unité de l'Europe, ils croiront sans doute qu'ils
sont du même avis. En réalité, l'un voudra l'unité de l'Europe en tant qu'étape vers
l'unité du monde, scellée par une socialisation uniformisante de l'humanité, produite
par la technique et l'économie, deux facteurs qui rendront superflue toute politique.
L'autre interlocuteur, au contraire, vou-dra l'unité de l'Europe pour mettre un terme à
toutes ces tendances universalistes vers l'unité du globe et à la disso-lution de toutes
les différences existant entre les nations et les cultures. L'Europe doit s'unir, mais
pour se délimiter. Elle devra atteindre une nouvelle intensité politique, trouver une
nouvelle identité politique, qui lui permettront rapidement de distinguer l'ami de
l'ennemi, sur un mode lui aussi nouveau.
Celui qui parle aujourd'hui de l'Europe
doit dire aussi clairement s'il entend servir l'"universalisme" ou le
"grand espace" (1), pour reprendre deux concepts chers à Carl Schmitt. S'il
souhaite la dissolution du monde dans une seule et unique unité pacifiée, dans laquelle
il n'y aurait plus qu'une politique intérieure mondiale, où la paix serait maintenue à
l'aide d'expédients de type policier ou s'il désire une organisation régionale des
pouvoirs de ce monde, organisation grâce à laquelle les peuples collaboreraient entre
eux, dans la sérénité et dans l'indépendance réciproque. Les grands espaces formés
de cette manière "recevraient leur centre et leur contenu non seulement de la
technique mais aussi de la substance spiri-tuelle des peuples, de leurs religions et de
leur race, de leur culture et de leur langue, sur base des forces vivantes de leur
hérédité nationale" (2).
Ces deux conceptions opposées, nous les
retrouvons au départ de toutes les réflexions sur la désirabilité de l'union de notre
continent. Dans son texte rédigé entre 1294 et 1318, De monarchia, Dante se
faisait l'avocat de l'unité du monde (qui, pour lui, était encore identique à l'Europe
connue) sous le gouvernement d'un Empereur qui recevrait du Pape la plénitude de son
pouvoir.
Ce n'est pas un hasard si Hans Kelsen, le
juriste-philosophe inventeur d'un concept d'ordre juridique mondial, qui conduirait à la
dissolution de toutes les souverainetés des Etats particuliers, commence son ¦uvre par
un éloge actualisé de la pensée de Dante (3). Pierre Dubois (alias Petrus de Bosco), au
con-traire, explique en 1306, dans De recuperatione Terrae Sanctae, la
nécessité d'une unité de l'Europe et d'une paix durable sous les principes qu'il avait
énoncés, dans le but de reconquérir la Terre sainte en lançant une croisade
victorieuse. L'unité est nécessaire, ajoutait-il, parce qu'il y a un ennemi (commun) et
c'est la présence de cet ennemi qui fait que notre ³nous² se constitue.
D'un point de vue chrétien, l'unité du
monde ne peut exister que dans Adam ou dans le Christ. A la fin des temps seulement
‹qui adviendra apocalyptiquement et non pas métaphoriquement comme la
³fin de l'histoire² dont on parle et reparle aujourd'hui‹ nous aurons une
unité qui se présentera comme dépassement du politique, comme dépassement de
l'opposition ami/ennemi. Mais en entendant ce moment eschatologique, dans le temps
présent, nous n'aurons jamais qu'une recherche toujours vaine de l'unité du monde,
nécessairement placée sous le signe de l'Antéchrist, dont la devise est notoirement pax
et securitas. Si le dépassement du politique est le dépassement de
l'opposition ami/ennemi, et si ce double dépassement est l'objectif que l'on s'assigne,
il ne pourra être atteint qu'au bout d'une longue lutte sanguinaire. A la fin de ce
combat, le monde s'unira sous le signe de la technique et de l'économie, celle de Henry
Ford ou de Vladimir Illitch Lénine.
Jusqu'il y a peu d'années, notre
situation était la suivante: dans la guerre froide, deux modes d'existence luttaient l'un
contre l'autre, mais chacun de ces modes était dépourvu de foi et d'idéologie, ne
désirait que le profit ou la jouissance sans autre considération; pire, ces modes
d'existence étaient réservés aux masses technico-prolétariennes, fanatisées et
maintenues dans la pauvreté (4). Mais les deux partis de cette guerre civile planétaire
étaient d'accord sur une chose: après leur victoire, le politique allait disparaître.
En 1922, Carl Schmitt écrivait à ce propos: "Aujourd'hui, rien n'est plus à la
mode que la lutte contre le politique. Les financiers américains, les techniciens
industriels, les socialistes marxistes et les révolutionnaires anarcho-syndicalistes sont
tous d'accord pour réclamer l'élimination du pouvoir non objectif de la politique qui
s'exerce sur l'objectivité de la vie moderne. Il ne doit plus y avoir désormais que des
tâches d'ordre technique ou organisationnel et il ne peut plus y avoir de problèmes
politiques" (5).
Les problèmes politiques auraient
véritablement disparu mais seulement si le monde tout entier avait été soumis
aux mêmes critères économiques et techniques. Seule une véritable et complète unité
du monde, seul un ³Etat mondial² et un ³gouvernement mondial² pourraient actualiser la
dépolitisation du monde et le stabiliser, croient les adeptes de cette superstition
moderne.
Ce gouvernement mondial n'aurait plus eu
besoin que d'une police mondiale ‹seulement pour une période de transition?‹
qui aurait eu pour tâche d'annihiler les éventuels rebelles par le truchement
d'une police bombing. Ce gouvernement mondial oblitèrerait tous les
systèmes juridiques existants dans les Etats particuliers, au sein des peuples, et
imposerait son droit international, après avoir stabilisé l'entièreté du monde. Le
droit mondial disciplinerait ensuite tout ce qui vit et croît sur la terre. Ecoutons à
ce sujet Hans Kelsen: "L'idée de souveraineté doit être radicalement éliminée...
la conception de la sou-veraineté de l'Etat lui-même est aujourd'hui un obstacle à tout
ceux qui envisagent l'élaboration d'un ordre juridique international, inséré dans une
organisation prévoyant la division planétaire du travail; cette idée de souveraineté
empêche les organes spéciaux de fonctionner pour que nous débouchions sur le
perfection-nement, l'application et l'actualisation du droit international, bloque
l'évolution de la communauté interna-tionale en direction d'une... civitas maxima
‹y compris dans le sens politique et matériel du mot‹ . C'est là une
tâche infinie que la constitution de cet Etat mondial dans lequel nous devons, par tous
nos efforts, placer l'organisation mondiale" (6). Si l'unité du monde est réalisée
un jour de cette manière et si, dans un tel monde, toute forme d'inimitié est
éliminée, nous n'aurions plus rien d'autre que l'émanation d'une humanité qui se
déifierait elle-même et commettrait, par là, le plus grand de tous les péchés
imagi-nables. Car le politique en tant que distinction ami/ennemi est enraciné dans le
péché originel. Or de-puis que nous ne pouvons plus être ni justes ni bons, nous sommes
contraints de faire la distinction ami/en-nemi. Certes, chaque fois que nous opérons
cette distinction, nous péchons. Mais si nous voulons dépas-ser cette distinction à
l'aide de nos seules forces, nous nous mettons à la place de Dieu, ce qui est un plus
grand péché encore.
Si nous prenons en considération la
situation actuelle depuis l'effondrement de l'Union Soviétique et la Guerre du Golfe, si
nous nous rappellons les désirs formulés par Boutros-Ghali, le secrétaire général de
l'ONU, nous constatons automatiquement que cette idée d'une unité du monde n'est pas
qu'une simple spéculation théologique ou une fantaisie de juriste. Il ne faut pas être
particulièrement perspicace pour constater que l'unité du monde proclamée aujourd'hui
par l'ONU ne sert pas en fait les "intérêts du monde" mais bien plutôt les
intérêts concrets de certains Etats, et plus spécialement, ceux des Etats-Unis.
Les étapes vers cette unité du monde ont
été le Traité de Versailles et la création de la SDN (1919), le Pacte Briand-Kellogg
(1928), la Doctrine Stimson (1932) et la création des Nations-Unies (1944). Tous ces
efforts ont été entrepris pour contrer les tentatives de construire de grands espaces
organisés par un droit et un ordre spécifiques, au-delà de toute forme d'universalisme.
L'argument de l'"unité du monde" a toujours été avancé dans l'intérêt des
privilégiés de la planète, des beati possidentes contre les have-nots
qui désiraient se donner un droit taillé à leur mesure, surtout contre
l'Allemagne et le Japon, qui, en Europe ou en Asie orientale voulaient constituer de
"grands espaces". Ces beati possidentes sont aujourd'hui les
Anglo-Saxons, ou plus précisément, les Américains, qui prétendent représenter seuls
la "conscience du monde". Certes, nous pouvons nous permettre aujourd'hui de
critiquer, même avec des arguments faciles ou simplistes, le Traité de Versailles, la
SDN, le Pacte Briand-Kellogg, etc. Mais il ne sera pas facile de critiquer l'ONU: le type
de juriste aujourd'hui dominant n'oserait pas se le permettre!
Quand on a bombardé l'Irak, il y a deux
ans, on l'a fait au nom de la "communauté mondiale" et de la "conscience
mondiale". A partir du moment où l'on a estimé que la guerre de l'Irak contre le
Koweit avait coûté au maximum 5000 vies humaines, la "conscience mondiale" a
décidé de se mobiliser et les forces armées destinées à concrétiser les
représailles ont pu agir officiellement au nom de l'ONU: elles ont tué 140.000 Irakiens.
Ce n'est pas un hasard si cette action a été déclarée "guerre juste", parce
que l'idée que sa propre cause constitue à elle seule la justice absolue justifie
l'extermination de l'ennemi, qui n'est plus perçu comme un justus hostis
mais comme un criminel que l'on place derechef hors-la-loi. La notion de
"guerre juste", dans les réflexions de Saint Augustin et de Saint Thomas
d'Aquin, était pourtant liée à un calcul de proportionalité. A leurs yeux, il était
impossible d'éliminer une injustice ‹la mort de 5000 hommes‹ en
commettant une injustice plus grande ‹la mort de 140.000 hommes‹. Cette
prudence de nos deux théologiens, quand ils évoquent la conduite de la "guerre
juste", s'explique par la conscience du péché. Le chrétien peut nourir des doutes
quant à sa capacité de reconnaître la volonté de Dieu; l'"humanité", en
revanche, s'avère incapable de douter d'elle-même. A cela s'ajoute que cette humanité
disposait d'interprètes comme le lobbyiste des pétroles texans, George Bush.
La Guerre du Golfe a pleinement mis en
lumière notre problématique, celle de l'"unité du monde" ou de
l'"universalisme", d'une part, et celle du "grand espace", d'autre
part. Outre l'Irak, qui, à long terme, voulait asseoir son hégémonie sur la péninsule
arabique et fonder ainsi un "grand espace", la Guerre du Golfe a connu deux
autres perdants: l'Europe occidentale et le Japon. L'Europe occidentale avec son Marché
Commun ‹qui, en un certain sens, mérite d'être qualifié de "grand
espace"; nous y reviendrons‹ pourrait un jour devenir dangereuse pour les
Etats-Unis. En fait, tant l'Europe occidentale que le Japon ont payé des milliards de
dollars pour une guerre à laquelle ils n'avaient aucun intérêt réel. Ils ont payé des
milliards aux Etats-Unis qui, d'une part, se trouvent déjà sur la voie du déclin, et
qui, d'autre part, préparent déjà avec une redoutable clairvoyance la lutte pour la
domination du monde, une lutte qui s'engagera contre l'Europe occidentale et le Japon!
L'Europe occidentale et le Japon ont
facilité par leurs paiements aux Etats-Unis le prolongement de la domination américaine
sur eux-mêmes! Comme à une époque déterminée par l'économie, les décisions absurdes
doivent être, elles aussi, expliquées par l'économie ‹pour apparaître
³rationnelles²‹ on a dit que Saddam Hussein, dès qu'il se serait rendu
maître des champs pétrolifères koweitiens, ferait flamber les prix du pétrole et
précipiterait ainsi les économies nationales occidentales dans une crise terrible. Mais,
en fait, le prix du pétrole a augmenté après l'opération militaire
victorieuse contre l'Irak, dans des proportions supérieures à ce que Saddam aurait
jamais osé faire. Aujourd'hui, en effet, les Etats-Unis possèdent, grâce aux injections
financières des Européens de l'Ouest, de gros intérêts dans le Golfe. En cas de crise,
ils pourront très facilement fermer les robinets du pétrole aux Japonais et/ou aux
Européens de l'Ouest.
Dans les années à venir, une telle crise
est parfaitement possible, voire probable: l'Europe occidentale et le Japon auront alors
financé leur propre étranglement! L'idée d'un "nouvel ordre mondial", dont
parlait George Bush avec tant d'éloquence à l'époque de la Guerre du Golfe, ne tient
que si elle est régulière, que si elle respecte ses propres règles: ³ordre² signifie
aussi ³régularité². En conséquence, l'ONU a puni l'Irak mais devrait également punir
Israël ou la Syrie; elle devrait également prendre des mesures contre la Turquie ou
contre la Chine; elle devrait intervenir avec la même fermeté au Sri Lanka ou au Pérou,
en Colombie ou en Azerbaïdjan; elle devrait étendre ses activités en Yougoslavie et au
Cambodge.
Mais si l'on oublie que l'ONU elle-même
repose sur la dualité d'un conseil de sécurité (CS) et d'Etats-clients, lesquels sont
les obligés de membres de ce CS et peuvent, en cas de nécessité, être protégés par
un veto, la nouvelle doctrine apparaît à l'évidence comme une pure illusion, qui
ressasse à l'envi la thèse du one world. Cette nouvelle doctrine a échoué parce
que les intérêts politiques des puissances sont divers et contradictoires et que leurs
moyens financiers ne sont pas identiques. Et elle échoue aussi parce que les soldats ne
sont guère disponibles ni prompts à se faire tuer come Italiens au Pérou, comme
Allemands au Tibet, comme Turcs au Sri Lanka, etc. Si une telle doctrine triomphait envers
et contre les sentiments des peuples, leurs soldats ne mourraient plus pour leur propres
pays mais pour l'une ou l'autre résolution de l'ONU, par exemple celle qui porte le
numéro 47.634. Imagine-t-on édifier des monuments aux morts, pour la résolution 47.634,
dans un avenir proche?
L'idéologie de l'"unité du
monde" ne fonctionne pas, tout simplement parce que cette unité n'existe pas dans le
concret. Mais l'idée de l'unité du monde est fortement ancrée dans certains esprits
influents, qui fomentent du désordre dans le monde en voulant la faire passer de la
puissance à l'acte, pour le plus grand profit des Etats-Unis. Tout Etat qui possède des
armes modernes et dispose d'une certaine puissance globale vit en fait dangereusement dans
le monde actuel. En effet, il se heurte à la résistance des seuls possesseurs du pouvoir
en ce monde qui, en outre, peuvent mobiliser contre lui l'idée de la paix mondiale, qu'il
menacerait, et amorcer un processus de discrimination à son encontre en le qualifiant de
"criminel"; en bout de course, cet Etat pourrait être soumis à un
"massacre technologique". La lutte pour le pouvoir planétaire se donne ainsi
une caution morale et oblige tous les adversaires réels et potentiels des puissants à
envisager une punition cruelle, parce que le vieil adage romain et gaulois Vae victis,
prononcé sous les murs du Capitole par le chef celtique Brennus, est devenu
plus actuel que jamais!
Nous devons dire une bonne fois pour
toutes que l'actuel droit international, qui veut contraindre les peuples à la paix
mondiale au lieu de vouloir discipliner et limiter la guerre, s'alimente à deux sources
particulièrement troubles: les conceptions internationalistes de la révolution
française, d'une part, et celles, tout aussi internationalistes, des grandes puissances
maritimes et impérialistes qu'étaient jusqu'en 1914 la Grande-Bretagne et les
Etats-Unis. Aujourd'hui, la seule thalassocratie qui demeure en course, c'est l'Amérique.
Nous ne pouvons que définir brièvement ici ces deux systèmes conceptuels, qui affichent
la volonté de stabiliser définitivement le monde. Ainsi, conformément à la dogmatique
de la révolution française, toute puissance qui menace la liberté républicaine,
c'est-à-dire l'idéologie politique générée par les Lumières, est automatiquement hostis
injustus. Parce que l'humanité est unité, parce que les conquêtes de la révolution
doivent se réaliser partout dans le monde, l'adversaire de ces principes philosophiques
et politiques est ennemi du genre humain tout entier (Robespierre: "Celui qui opprime
une nation se déclare ennemi de tous").
Au départ, le refus de considérer
l'adversaire comme justus hostis ne valait que pour les représentants des pouvoirs
traditionnels. Mais si un peuple accepte de vivre sur un mode pré-révolutionnaire, non
démocratique et anti-républicain, il devient tout entier un "oppresseur",
parce qu'il refuse, par son comportement conservateur, d'accepter une raison
universellement valable, prescrivant un standard unique en matières de constitution et de
droit. L'expansionnisme napoléonien s'est basé sur ce messianisme révolutionnaire et a
dès lors transformé la guerre, qui jusqu'alors était une affaire entre Etats,
disciplinée et fermée, en une guerre civile s'étendant à toute l'Europe, avec ses
discriminations, sa propagande agressive et ses bouleversements dans les structures
sociales et administratives des pays occupés (7).
Le droit international et le droit de la
guerre maritime de facture anglo-saxonne ne connait pas, lui non plus, de justus
hostis. L'ennemi n'est plus seulement le soldat de l'Etat ennemi, mais aussi chaque
civil ressortissant de cet Etat. N'importe quel civil peut ainsi se voir exproprié,
interné et traduit devant un tribunal. Pire, l'ennemi, dans cette optique
thalassocratique et anglo-saxonne, peut même être le citoyen d'un Etat neutre qui, sous
une forme ou une autre, pourrait favoriser l'ennemi, par exemple en étant son partenaire
commercial. En conséquence, ses biens en haute mer peuvent être saisis et on peut le
contraindre à la collaboration économique et au boycott de son propre partenaire, etc. A
cette tendance à amplifier et à aggraver la guerre et à abolir l'institution qu'est la
neutralité, correspond une propagande qui "satanise" l'ennemi, criminalise son
peuple tout entier et l'assimile à une bande de malfaiteurs. Cet état d'esprit rend
toute paix définitive impossible, alors qu'une telle paix était précisément l'objet du
droit international classique.
En fait, dans l'optique universaliste et
kelsenienne, il n'y a plus de guerre désormais, mais seulement un commerce libre et
pacifique qui ne fait plus qu'un avec l'idéologie des Lumières, le mythe de l'humanité,
le culte du progrès, etc. Tous ceux qui feraient mine de former des zones autarciques, de
constituer des blocs protégés, menacent directement ce commerce "libre et
pacifique", dominé jadis par l'Angleterre et aujourd'hui par les Etats-Unis. Ils
sont donc en soi des "ennemis". Au plus tard en 1937, l'Allemagne et l'Italie
sont devenus des ennemis pour Washington, le Japon les ayant précédés de quelques
années. Les puissances de l'Axe, par leur politique économique, menaçaient la division
du marché mondial, imposée par les Etats-Unis. Roosevelt, pour les besoins de sa
propagande, a imaginé, hystérique, des ennemis terrifiants et a préparé dès 1937 son
pays à la guerre, alors que Hitler croyait encore en 1939 qu'il pourrait limiter sa
guerre à une guerre-éclair, sans que les Etats-Unis n'aient le temps d'intervenir (8).
Quand un "ennemi" de cette
option universaliste, "commerciale, libre et pacifique" se pointe à l'horizon,
on commence par le mettre sous pression économique, on le soumet ensuite à des embargos
ou des blocus et, finalement, on le décrète "ennemi de l'humanité" pour
pouvoir déclencher contre lui une guerre totale, envisagée comme "sanction".
Il faut, dans cette stratégie, forcer cet "ennemi" à jouer un rôle
d'"agresseur", car, selon le droit international contemporain, toute forme
d'agression est interdite, ainsi que le libre droit de conduire une guerre (9).
Fabriquer et provoquer l'agression devient
de ce fait l'art décisif de l'homme d'Etat; de ce fait, il faut qu'il évite de déclarer
expressément la guerre, puisqu'une déclaration de guerre équivaut à une agression.
Face à un "agresseur", tous les coups sont permis: il peut même être puni
pendant longtemps, selon le bon vouloir de son vainqueur. Ce fut le cas de l'Allemagne en
1918-19 qui, pendant un an après les combats, fut soumise à un blocus des denrées
alimentaires, ce qui a entraîné la mort d'un million de nourrissons et jeunes enfants.
Cette pratique de la punition permet également de "légitimer" les carpet
bombings, les expulsions en masse de populations civiles, le procès de
Nuremberg ou les atomisations de cités sans défense (Hiroshima, Nagasaki). La
"sanction" n'est pas une guerre au sens propre du terme, car elle frappe un
"criminel" qui, lui non plus, ne fait pas la guerre mais commet un
"crime". Ce type de droit international, voulu essentiellement par les
Etats-Unis, ne tient nullement compte des régulations et des limites que la civilisation
a imposé à la guerre en Europe. En se basant sur l'utopie de vouloir abolir
définitivement la guerre, ce droit international "sanctionneur", cette
idéologie de la punition, s'est imposée petit à petit à partir de 1918; aujourd'hui,
il tend à devenir absolument dominant, à s'accentuer dans le discours et dans les
pratiques.
Examinons quelques faits historiques.
Parmi les exemples de la main-mise progressive de cette idéologie juridique
internationale, nous avons l'institution de l'auto-défense, acceptée par le pacte
Briand-Kellog (1928), où l'on a interdit la guerre. L'internationaliste américain
Philipp Jessup écrivait en 1940: "Les dimensions se sont modifiées et aux
intérêts que nous cultivions à propos de Cuba en 1860, correspondent aujourd'hui nos
intérêts pour les Iles Hawaï; l'argument de l'auto-défense conduira un jour les
Etats-Unis à devoir faire la guerre sur le Yang-Tse, la Volga ou le Congo" (10).
Ensuite, la Doctrine Stimson
(c'est-à-dire la non reconnaissance des changements territoriaux obtenus par la force),
forgée en 1932 par celui qui était alors Ministre des Affaires Etrangères des
Etats-Unis, produit une aggravation des conflits précisément parce qu'elle donne aux
Etats-Unis le droit, sur toute la terre, de juger du droit ou du non-droit des changements
territoriaux. "Un acte de guerre n'importe où dans le monde nuit aux intérêts de
mon pays", expliquait le Président Hoover pour justifier la doctrine de son Ministre
des Affaires Etrangères.
En conséquence, les changements
territoriaux survenus par la forces des armes étaient légaux et légitimes avant 1928,
illégaux et illégitimes après 1928; nous sommes en présence ici d'une variante de la
"fin de l'histoire". Mais nous y trouvons aussi les racines de l'appui
qu'apportent les Etats-Unis aux groupes de résistance, aux partis qui fomentent des
guerres civiles, aux juristes qui prétendent défendre les "droits de l'homme",
aux "démocrates" auto-proclamés de toutes sortes, etc. Les changements
territoriaux réalisés où que ce soit dans le monde ne peuvent être avalisés d'aucune
manière. L'ONU a largement repris ce principe de droit international à son compte et
contribue ainsi à rendre impossible toute nouvelle mise en ordre des espaces politiques
sur la planète et à empêcher le fonctionnement normal des Etats, dans la mesure où ces
remaniements territoriaux ou ce fonctionnement se conçoivent comme des rapports
réciproques de protection et d'obéissance. En avançant cette conception purement
instrumentale des droits de l'homme et en pratiquant cet interventionnisme tous azimuts,
les Etats-Unis et l'ONU fragilisent les garanties réelles dont pourraient jouir les
hommes sur leur territoire national, car les droits de l'homme, normalement, ne pourraient
se concevoir que comme droits de citoyens, ancrés dans une patrie donnée.
Contre toutes ces idées et ces pratiques
de type internationaliste, visant une hypothétique "unité du monde", ancrées,
d'une part, dans l'idéologie révolutionnaire, d'autre part, dans la propension
interventionniste mondiale des Anglo-Saxons, on en est arrivé, en Europe, au Japon et
aussi en Amérique (EU et Am. lat.), à partir de 1939, à formuler l'idée de "grand
espace". De première importance à ce sujet est l'écrit de Carl Schmitt, L'ordre
international du grand espace avec interdiction d'intervention pour les puissances
extérieures à cet espace (11).
Si l'on voulait réduire cet écrit à un
slogan simple, nous dirions: "L'Europe aux Européens!" et, pour les tentatives
japonaises analogues: "L'Asie aux Asiatiques!". L'Allemagne et l'Italie d'une
part, le Japon, d'autre part, imitaient à leur façon et à leur profit la Doctrine de
Monroe (1823) qui revendiquait pour les Etats-Unis la domination de tout l'espace occupé
par les deux Amériques. Les trois principes fondamentaux de la Doctrine de Monroe
étaient au départ, selon Schmitt: 1) L'indépendance de tous les Etats américains par
rapport aux puissances extérieures; 2) Le refus de toute forme de colonisation dans cet
espace américain; 3) La non-intervention de toutes les puissances extra-américaines dans
cet espace. Le nouveau grand espace centre-européen devait empêcher toute intervention
américaine en Europe et s'interdisait, en contre-partie de s'immiscer dans les affaires
des autres espaces. Cette logique du grand espace aurait imposé des limites à
l'interventionnisme américain, qui entendait s'immiscer dans les affaires du monde
entier.
En Europe, cette conception grand-spatiale
a été remise sur le tapis, après la victoire des armes allemandes à l'Ouest. Schmitt
voyait dans le traité d'amitié entre le Reich et l'Union Soviétique (1939) une solution
exemplaire: elle excluait l'immixtion de puissances tierces et garantissait aux peuples du
"bloc continental" une "vie pacifique correspondant à leurs
particularités". L'Allemagne en tant que puissance-guide de ce nouveau
"grand-espace" devait entretenir des rapports de droit public avec chaque pays
en particulier, mais à l'extérieur du grand espace ‹vis-à-vis des autres
grands espaces, dont les contours demeuraient flous‹ tous devaient suivre une
même politique étrangère.
On a ainsi imaginé une hégémonie mais
non une absorption des Etats plus petits, ce qui constitue un véritable fédéralisme.
Concoctés par les diplomates professionnels et traditionnels, ce schéma d'organisation
ne pouvait être acceptés par les nationaux-socialistes, parce qu'ils pensaient en termes
de race et non d'espace (12). Selon leurs propres conceptions, les petits peuples
conservaient beaucoup trop de droits. Mais l'idée de Schmitt a été soumise à d'autres
critiques encore, notamment en Italie (13).
Depuis la seconde guerre mondiale et la
montée en puissance des Etats alliés comme les USA et l'URSS, Schmitt ne pouvait plus
qu'exprimer l'espoir, en 1962, que les nations et les peuples conservassent la force de
rester fidèles à leur culture, leur religion et leur langue (14). Il est vrai que Carl
Schmitt considérait que l'idée de nation, d'une organisation purement nationale, était
dépassée: par conséquent, le "grand espace" devait servir à détourner
l'illusion et le danger américains du one world. Mais dès que son idée eut
pu s'unir à une force réelle pour réaliser vraiment le grand espace, les nations
n'auraient plus été que des entités culturelles et non plus politiques.
L'idée de grand espace n'est pas encore
à l'ordre du jour. La CEE d'aujourd'hui prétend être le nouveau grand espace, valable
pour tous. Mais si l'idée de Großraum, de "grand espace", est née de
la conviction que les Etats étaient devenus trop petits au regard du développement de la
technique et de l'économie, les théoriciens de ce grand espace ont également dit que
celui-ci ne pouvait pas être ni bâti ni organisé en priorité sur l'économie. La
conservation de la multiplicité des cultures est désormais un acte politique. Pour
organiser un grand espace comme espace politique, il faut préalablement répondre à
trois questions: 1) Qui est l'ennemi?; 2) Quelle est la puissance hégémonique (à
l'intérieur du grand espace)?; 3) Existe-t-il une homogénéité qui garantit la durée
de la fédération?
Réponse à la première question.
L'ennemi du "grand espace"
européen ne peut plus être la Russie aujourd'hui. Pour la plupart d'entre nous, l'ennemi
est évidemment Washington. Mais cette inimitié, beaucoup d'Européens ne la conçoivent
pas encore, ne l'imaginent même pas; par ailleurs, beaucoup d'Européens n'ont pas le
courage de l'assumer. Cette ignorance et ce manque de courage ne valent pas seulement pour
les Anglais qui sont liés aux Américains par de nombreux liens. De plus, les nations
européennes sont trop nettement profilées dans leur identité politique pour songer à
harmonier leur politique extérieure. Où se trouve le point commun de la politique
extérieure de l'Allemagne, de l'Italie, de l'Angleterre, de l'Espagne, de la France?
L'impossibilité de pratiquer une politique extérieure commune, capable de rendre
possible une politique militaire commune (pas de chèque sans provision!) s'aperçoit
parfaitement dans la crise yougoslave. La définition de l'ennemi n'est possible que s'il
existe une unité. A cela s'ajoute que la majorité des Européens, ou du moins un très
grand nombre d'entre eux, comprennent l'unité de l'Europe comme une simple étape
intermédiaire vers une "unité du monde" qu'ils ne conçoivent que très
confusément.
Réponse à la seconde question.
Du temps de Carl Schmitt, il y avait en
Europe une puissance hégémonique: l'Allemagne. Mais elle a perdu la guerre. Hitler
lui-même refusait l'idée d'Europe et les représentants de l'idée européenne étaient
réduits à l'impuissance sous sa férule (15). Quant à l'Allemagne actuelle, il lui
manque toutes les caractéristiques de la puissance hégémonique: sa population est
réduite et en phase démographique descendante, elle n'a ni volonté d'assumer un rôle
hégémonique ni pouvoir réel ni vision. Les Allemands d'aujourd'hui feignent d'être les
meilleurs amis de l'Europe. Mais ils ne s'enthousiasment pour l'Europe qu'en croyant
qu'ils vont pouvoir se dissoudre en elle. On pourrait épiloguer sans fin sur les
névroses allemandes, sur le complexe de culpabilité allemand, etc. Quoi qu'il en soit,
l'Europe ne peut pas fonctionner tant que sa nation la plus importante numériquement ne
s'accepte pas elle-même pour elle-même (16). Et quand l'Allemagne actuelle aspire à une
position meilleure, dans toute l'Europe fusent articles, émissions, pamphlets où
s'exprime la peur du "danger allemand", alors que personne ne craint plus ce
"danger" que les Allemands eux-mêmes!
L'Angleterre n'est pas intéressée à
voir l'influence américaine se réduire en Europe et la position de la France est
ambigüe: son anti-américanisme évolue dans des limites très étroites et reste surtout
fort rhétorique. Par le Traité de Maastricht, la France espère lier l'Allemagne à la
CEE (qui n'est qu'une demie-Europe, une Europe hémiplégique, sans profondeur
stratégique). Paris espère véritable enchaîner l'Allemagne, car cela correspond aux
vieux intérêts français, surtout si le fruit du labeur permanent des Allemands, si
l'argent allemand financent les déficits de la France et les frais de fonctionnement de
la CEE. Mais nos voisins ne se rendent pas compte que nous, les Allemands, sommes devenus
le peuple le plus paresseux d'Europe et, surcroît, notre croissance démographique est
arrêtée voire en recul. Si à tous ces facteurs négatifs s'ajoute la concrétisation
des clauses du Traité de Maastricht, notamment l'introduction d'une monnaie unique,
l'ECU, qui sera forcément faible par rapport à ce que le DM était et assorti d'un
financement des régions pauvres par les régions riches, nous assisterons en Europe à
des convulsions politiques dramatiques, d'une ampleur inconnue jusqu'ici (17). A cause de
tout cela, l'idée d'unir plusieurs Etats sans qu'il n'y ait de puissance hégémonique
est une impossibilité sociologique. Aucune véritable fédération, au sens propre du
terme, ne peut voir le jour sans hegemon.
Réponse à la troisième question.
Une fédération n'est pas homogène tout simplement parce qu'on tente de la faire. A
cette heure, il n'existe pas en Europe de consensus sur ce qui constitue véritablement la
"substance" de la culture européenne. Autre question: quels sont les pays qui
appartiennent à l'Europe, quels sont ceux qui n'y appartiennent pas? La Scandinavie en
fait-elle partie? Et l'Angleterre? L'Espagne? La Russie? L'Ukraine? Il n'est pas évident
que les intérêts d'un Portugais, d'un Allemand et d'un Norvégien soient compatibles.
Ces problèmes s'aggraveront si la CEE s'étend, si y adhèrent des pays comme la Hongrie,
la République tchèque et la Pologne. Cet accroissement de la Communauté risquerait de
la jeter dans une période de stagnation économique gravissime. Les conflits et les
divisions, qui existent déjà et s'avèrent fort inquiétants, vont alors s'intensifier.
L'absence d'un homogénéité historique, sociale et culturelle rendent quasi insoluble un
problème politique majeur: qui décidera, le cas échéant, de l'état d'exception? Dans
l'hypothèse où les divisions entre Etats subsisteraient peu ou prou, une majorité
rendue possible par des votes hollandais décidera-t-elle de l'état d'exception en
Sicile? Et une bureaucratie établie à Bruxelles pourra-t-elle bloquer une décision
indispensable ailleurs?
Toutes les tentatives d'unir l'Europe ont
échoué jusqu'ici: celle de Jules César, celle de Charlemagne, celles du Pape Innocent
III, de l'absolutisme, de Napoléon et de Hitler. Le problème politique ne peut pas être
résolu par Maastricht seul. Ensuite, il n'est pas possible de créer un véritable grand
espace européen tant que l'Europe ne sort pas du commerce mondial libre (libéral).
Enfin, il faut surtout qu'il y ait un peuple européen. Mais un tel peuple n'existe pas.
Si, comme le croient bon nombre d'³Européens² convaincus, le Parlement de Strasbourg se
renforce par rapport à la bureaucratie de Bruxelles, cela ne changera rien au fait qu'un
Italien ne reconnaîtra jamais son député dans la personne d'un député français. Si
les Etats nationaux sont abolis, les nations seront réduites à des "groupes
ethniques" mais il ne naîtra pas pour autant une "nation européenne".
Pire: un parlement européen véritablement puissant sera toujours pour tous les
Européens un parlement dominé par des ³étrangers². Les lois de ce parlement seront
encore moins acceptées que les délibérations ou les décisions de la Commission de
Bruxelles!
Tout ce qu'on a pu faire de positif dans
le sens de l'idée européenne a déjà été fait. Mais si le projet d'union monétaire
et financière entre en vigueur, alors la paralysie de la politique étrangère
s'accentuera ‹on pense à la Yougoslavie‹ et les motifs de conflits
politiques augmenteront. Tout progrès de l'unité européenne se muera automatiquement en
un progrès de division et de dissensus, où l'Europe se rendra étrangère à elle-même.
L'Europe peut être une fédération d'Etat mais non un "Etat fédéral".
L'Europe est multiplicité de ses nations, et certainement aussi de ses régions: en
dehors de cela, elle n'est rien. L'évolution de l'Europe orientale prouve que la nation
demeure la référence politique décisive. Si les nations ne peuvent être conservées,
si elles ne peuvent plus défendre leur culture et leurs particularités, on ne pourra pas
créer le véritable "grand espace", différent de celui qu'envisage Maastricht
et qui n'est qui n'est que la copie miniature de l'"unité du monde" dont
rêvent les utopistes mondialistes.
Etre Européen, cela signifie: connaître
et reconnaître la diversité de l'Europe. Seulement quand ce processus de connaissance et
de reconnaissance se sera amplifié, aura atteint un certain degré d'opérabilité,
l'Europe développera une culture et une identité continentales. Mais l'Europe
d'aujourd'hui, qui dit être sur la voie de l'unité, est bien plus éloignée de cette
culture continentale que du temps de Nietzsche et de Burckhart, de Karl Vossler et de
Benedetto Croce.
Notes:
(1) Carl SCHMITT, "Großraum gegen Universalismus" (1939) in Positionen und Begriffe, Duncker und Humblot, Berlin, 1988. Trad; franç.: in Carl SCHMITT, Du politique, "légalité et légitimité" et autres essais, Pardès, Puiseaux, 1990.
(1) Carl SCHMITT, "Großraum gegen Universalismus" (1939) in Positionen und Begriffe, Duncker und Humblot, Berlin, 1988. Trad; franç.: in Carl SCHMITT, Du politique, "légalité et légitimité" et autres essais, Pardès, Puiseaux, 1990.
(2) Carl SCHMITT, "El Orden del Mundo
despues la Segunda Guerra Mundial", in Revista de Estudios Politicos, Madrid, 1962,
pp. 36 et ss.
(3) Hans KELSEN, Die Staatslehre des Dante
Alighieri, Wien, 1905.
(4) Ph. DESSAUER, "Die Politik des
Antichrist", in Wort und Wahrheit, 1951, pp. 405-415.
(5) Carl SCHMITT, Politische Theologie,
München/Leipzig, 1922, pp. 55 ss. Trad. it. in Le catagorie del politico, Bologna, 1972,
pp. 84 ss.
(6) Hans KELSEN, Das Problem der
Souveränität und die Theorie des Völkerrechts, Tübingen, 1928, pp. 320 ss.
(7) Sur le droit international induit par
la Révolution française, cf. R; REDSLOB, in Festschrift für O. Mayer, 1916, pp? 271
ss.; B. MIRKINEGUETZEVITCH, L'influence de la Révolution française sur le développement
du droit international dans l'Europe orientale, in Recueil des Cours, 22/1928, pp. 299 ss.
(8) Sur les précédents économiques de
la seconde guerre mondiale, cf. Carlo SCARFOGLIO, Davanti a questa guerra, Milan, 1942; D.
JUNKER, Der unteilbare Weltmarkt, Stuttgart, 1975.
(9) Sur la notion d'"agression",
cf. Carl SCHMITT, Der Nomos der Erde, Köln, 1950, 3ième éd., Berlin, 1988.
(10) Philipp JESSUP, "The Monroe
Doctrine", in American Journal of International Law, 1940, pp. 704.
(11) La traduction italienne est
actuellement la seule disponible: Il concetto d'Impero nel diritto internazionale, édité
et préfacé par Luigi Vannutelli Rey, avec un appendice de Franco Pierandrei, Rome, 1941.
Les articles de Schmitt en Italie paraissaient surtout dans la revue Lo Stato. Ils ont
été repris dans une anthologie: Carl SCHMITT, Scritti politico-giuridici 1933-1942,
édité par Alessandro CAMPI, Perugia, 1983.
(12) Typique pour la critique
nationale-socialiste: R. HÖHN, Reich - Großraum - Großmacht, Darmstadt, 1942.
(13) Par exemple, chez Giacomo PERTICONE,
"Il problema dello ³spazio vitale² e del ³grande spazio²", in Lo Stato,
1940, pp. 522-531; Cf. également A. MESSINEO, s.j., "Spazio vitale e grande
spazio", La Civiltà Cattolica, Rome, 1942.
(14) cf. note (2).
(15) Hans Werner NEULEN, Europa und das
Dritte Reich, München, 1987. Cf. Recension de Herbert TAEGE in Vouloir n°48/49 (1988),
pp. 11-13.
(16) Sur le problème du ³refoulement du
passé² en Allemagne, cf. Armin MOHLER, Der Nasenring, München, 1991. Cf. Willy PIETERS
in Vouloir n°40/42 (1987), pp. 12-14 (Il s'agit plus exactement du commentaire d'un essai
paru dans un ouvrage collectif qui, amplifié, allait donné le texte de Der Nasenring).
(17) Cf. R. ÜBELACKER, "Zur
Problematik der Verträge von Maastricht", in Festschrift für H.J. Arndt. Politische
Lageanalyse, Bruchsal, 1993, pp. 381 ss.
[Synergies Européennes, Vouloir,
Mai, 1994]
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