Nous avons reçu les vœux du 31
décembre tardivement. Pas ceux du président de la République, qu'en bon
patriote, nous avons observés en direct au soir du réveillon de la
Saint-Sylvestre, mais ceux d'Angela Merkel.
Ce fut comme une apparition. La chancelière était impériale. Angela Merkel a réussi un exercice parfait, que nous conseillons à Claude Sérillon, nouveau conseiller en communication de François Hollande, d'étudier. La chronique a retenu les prévisions pessimistes de la chancelière : « La crise est encore loin d'être surmontée. »
Ce fut comme une apparition. La chancelière était impériale. Angela Merkel a réussi un exercice parfait, que nous conseillons à Claude Sérillon, nouveau conseiller en communication de François Hollande, d'étudier. La chronique a retenu les prévisions pessimistes de la chancelière : « La crise est encore loin d'être surmontée. »
Hommage à Charles De Gaulle et Konrad Adenauer
Ce n'est pas ce que nous avons vu. Nous
avons vu une chancelière régner sur une Allemagne apaisée, à neuf mois
des élections générales.
Elle était rayonnante, vêtue de satin
gris, toisant de sa chancellerie le bâtiment du Reichstag, incarnation
de la démocratie parlementaire allemande. Le ton posé, avec un très
léger sourire.
D'aucuns reprochent à cette physicienne,
fille de pasteur élevée en Allemagne de l'Est, de préférer les sciences
dures aux sciences humaines, de manquer de conscience historique, à
l'heure où la question européenne est posée.
Angela Merkel travaille dur pour
s'inscrire dans la tradition des pères de la République fédérale. Lors
de ses vœux, elle s'est donc projetée cinquante ans en arrière : elle a
cité Walter Bruch, l'inventeur allemand du téléviseur couleur Pal, qui
ferrailla avec notre système Secam national ; elle s'est souvenue de
Kennedy proclamant devant le mur de Berlin « Ich bin ein Berliner » ; elle a rendu hommage à Charles De Gaulle et Konrad Adenauer, qui scellèrent la réconciliation franco-allemande.
Avant de briguer un troisième mandat,
Angela Merkel veut se tailler une stature digne de ses grands
prédécesseurs. Lors d'une rencontre en novembre 2012, avant d'aller
recueillir le prix Nobel de la paix décerné à l'Union européenne, le «
président normal » François Hollande avait fait la moue, expliquant
qu'ils allaient recueillir un prix mérité par les héros d'hier, les
Schuman, Monnet, Adenauer.
Angela Merkel exige toujours de la sueur et des larmes
« Mais nous devons nous aussi être des
héros », avait rétorqué Angela Merkel, qui géra pourtant très mal la
crise de l'euro à ses débuts, refusant d'exclure une faillite des pays
membres de l'union monétaire.
Un bon héros doit souffrir, et Angela
Merkel exige toujours de la sueur et des larmes. Dans ses vœux, elle n'a
pas cité les efforts des Grecs et autres peuples latins d'Europe
éprouvés par la crise de l'euro.
Mais, avant de souhaiter à ses
compatriotes « la bénédiction de Dieu », elle en a appelé au philosophe
grec Démocrite (460-370 avant Jésus-Christ) : « Le courage est au début
de l'action, le bonheur à la fin. »
Pourtant, les Allemands, à écouter leur
chancelière, sont près du bonheur. Pendant que la France se déchire,
hier avec Nicolas Sarkozy, aujourd'hui entre partisans du 75 % et
fuyards fiscaux, entre défenseurs du mariage gay et opposants
catholiques, la chancelière incarne une nation unie.
En Allemagne, le succès individuel est collectif
Ce 31 décembre, Angela Merkel a dit un
conte. Elle a expliqué comment un gamin d'Heidelberg avait été convaincu
par les camarades de son équipe de football de ne pas décrocher de
l'école : en Allemagne, le succès individuel est collectif.
Et quel succès ! Le chômage est à son
plus bas niveau depuis la réunification, il a été divisé par deux sous
le mandat d'Angela Merkel et le pays a encore créé 416.000 emplois en
2012. Jamais autant d'Allemands n'ont eu un emploi.
Le même soir, François Hollande tentait
de convaincre ses concitoyens que le chômage, qui a augmenté dix-neuf
mois de suite, refluerait enfin à la fin de l'année. Mais le bonheur
d'Angela Merkel, cela se mérite.
Pour le conserver, il faut persévérer
dans l'effort. Sans attendre l'épiphanie, qui marque la rentrée
politique allemande, le ministre des finances, Wolfgang Schäuble, a
annoncé de nouvelles mesures d'économies.
Rude partenaire pour François Hollande,
qui espérait ne pas passer trop de temps en compagnie d'Angela Merkel.
Dans la foulée de son élection, le président avait joué la carte du
Parti social-démocrate (SPD), recevant en grande pompe à l'Elysée les
trois dirigeants du parti, Sigmar Gabriel, Frank-Walter Steinmeier et
Peer Steinbrück.
Tous rêvaient alors de remplacer Angela
Merkel. Les deux premiers ont jeté l'éponge : trop à gauche pour
Gabriel, pas assez charismatique pour Steinmeier, qui a aussi renoncé
pour des raisons privées.
Plus populaire que jamais, aimée par sept Allemands sur dix
A l'automne, l'ex-ministre des finances
Peer Steinbrück fut désigné par défaut candidat à la chancellerie. Il
fait depuis les délices de la presse, multipliant les faux pas : Angela
Merkel a « un bonus féminin » dans la campagne électorale et le salaire
du chancelier est trop faible, s'est plaint Peer Steinbrück, qui a gagné
1,25 million d'euros en discours et colloques divers depuis novembre
2009.
La cote de Peer Steinbrück s'est ainsi
tassée de dix points depuis qu'il a été intronisé candidat à la
chancellerie. Angela Merkel est plus populaire que jamais, aimée par
sept Allemands sur dix.
En ce début d'année électorale, même au
SPD, nul ne croit vraiment à la possibilité de déloger Angela Merkel de
la chancellerie. Le pari SPD de François Hollande a déplu à Angela
Merkel. Fortement. Et est perdant, du moins pour l'instant.
Il va donc falloir faire semblant de
s'aimer avec la chancelière. Les ministères des affaires étrangères
français et allemand préparent un superbe bal des hypocrites à Berlin,
les 21 et 22 janvier, pour le cinquantenaire du traité de l'Elysée.
Une envie de franco-allemand
Les populations auront droit aux
flonflons habituels : conseil des ministres franco-allemand, discours
d'Angela Merkel et de François Hollande au Reichstag. Le clou des
festivités sera un concert à la Philharmonie de Berlin. Et c'est tout.
L'écho médiatique de l'événement va
révéler une envie de franco-allemand, mais les deux dirigeants n'ont
prévu aucune initiative politique majeure.
Au contraire, on ronge son frein des
deux côtés du Rhin : les Allemands méprisent ces Français qui décrochent
économiquement, les Français crient à la volonté de puissance
germanique.
Les Allemands sont accusés de vouloir
tuer Peugeot, de ne pas reconnaître la supériorité française dans les
industries spatiales, météorologiques, etc.
Angela Merkel est impériale, l'Allemagne un brin impérialiste, et la France sur le sentier inquiétant de la germanophobie.
Correspondance Polémia – 13/01/2013
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire