jeudi 17 janvier 2013

CRISE FINANCIÈRE De Ponzi au scandale Madoff (archive 2009)

Le naufrage - à 50 milliards de dollars - du célèbre courtier américain Bernard Madoff plonge le monde économique dans la stupeur. Et si le système financier lui-même était une vaste escroquerie...
Le prix Nobel a rendu les armes. Paul Krugman, professeur d'économie à l'université de Princeton, analyste de la mondialisation, homme de rigueur, qui a éduqué des générations d'étudiants dans la croyance que l'économie obéit à des lois rationnelles, même si elles peuvent être iniques, a jeté l'éponge devant le dernier scandale de la finance. « Le monde est devenu fou, il est devenu Madoff » : voici comment il conclut son éditorial du 22 décembre 2008 dans le New York Times.
Les Madoff hantent l’économie mondiale
La découverte de l'escroquerie gigantesque - d'un montant approchant les 50 milliards de dollars - organisée par l'une des figures de proue de Wall Street, porte en effet un nouveau coup à l'édifice, déjà bien fragilisé, de la finance. Bernard Madoff, gestionnaire renommé de sociétés de courtage et ancien patron de l'indice Nasdaq, proposait à ses clients fortunés de lui confier leurs capitaux en échange de rendements hors du commun - parfois jusqu'à 20 %. Mais, la crise financière a brutalement dévoilé le pot aux roses, de nombreux clients, rattrapés par les mauvais résultats de la Bourse, réclamant le retrait de leurs fonds. Ces opérations se montaient à près de 7 milliards de dollars, somme que Madoff était incapable de fournir, puisqu’il payait, depuis des années, ses rendements énormes en puisant simplement dans les dépôts de ses nouveaux clients.
« À quel point l'histoire de Madoff est-elle différente de celle de la finance dans son entier ? » poursuit Paul Krugman dans son éditorial, doutant de la validité de l'ensemble du système. La réponse est à la fois simple et tragique : il n'y a aucune différence et la prééminence de la rapacité sur la raison est une véritable constante. Il est évident que les Madoff hantent l'économie mondiale depuis longtemps. Pour preuve, reconnaissant pour la première fois que son entreprise ne reposait que sur du mensonge, le financier de Wall Street a, selon le New York Times, tout de suite donné la clé de son système : « Pour résumer, c’était un système de Ponzi. » Dit autrement, une pyramide de Ponzi, du nom de Charles Ponzi, un Italo-Américain resté dans l'histoire pour avoir escroqué des dizaines de milliers de personnes à qui il offrait des rendements intenables, en utilisant l'argent des derniers déposants.
Tricherie
En 1920, Charles Ponzi découvrit qu'il existait un moyen simple de faire de l'argent avec la Poste grâce au système des International Postal Reply Coupon (coupons réponses internationaux). Ces bons, servant alors à affranchir le courrier depuis n’importe quel endroit sur la planète, avaient une valeur variant selon leur pays d'achat. Du fait de l'inflation qui touchait l'Europe, un coupon acheté en Italie valait moins cher qu’aux États-Unis. En jouant sur cet écart, Ponzi réalisa des plus-values parfaitement légales. Mais, il créa alors à Boston une entreprise d'investissement, la Securities Exchange Company, et promit, grâce à sa méthode, d'offrir un taux de 50 % de retour sur investissement en quarante-cinq jours. En quelques mois, l'argent afflua par dizaines de millions de dollars. Charles Ponzi devint millionnaire et célèbre. Mais sa réussite fulgurante rendit également suspicieux. La presse calcula alors que pour pouvoir offrir les rendements promis, il fallait qu'existent 160 millions de coupons réponses internationaux. Or, seulement 27 000 étaient en circulation. Ponzi ne pouvait donc offrir de tels rendements qu’en trichant.
Croyance et profits
Cette histoire est devenue emblématique des fausses promesses offertes par la finance. Une "chaîne de Ponzi" repose sur la croyance que l'on va réaliser des profits inédits. Attirée en masse par les promesses financières, la clientèle accourt et les capitaux affluent, permettant de respecter l'engagement initial. Jusqu'à ce que quelqu'un crie "le roi est nu" et que la bulle spéculative explose. Dans une telle histoire, il faut un escroc et, surtout, des clients crédules. Par certains côtés, la crise des subprimes a été le résultat d'une arnaque à laquelle le monde de la finance dans son ensemble s'est laissé prendre en croyant qu'il était possible de construire des produits financiers sans risque sur la base des crédits immobiliers des ménages américains pauvres.
PATRICE MALLET L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 15 janvier au 4 février 2009

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