Contrairement à ce que laisse penser une partie de la presse
occidentale, le régime de Bachar Al Assad est loin d’être au bord du
gouffre, tant sur le plan politique que militaire. Malgré de réelles
difficultés, le pouvoir en place réussit peu à peu à se poser dans
l’opinion comme le seul rempart crédible contre l’ingérence étrangère et
l’instauration d’un état islamique.
Atlantico : Dans son discours dimanche dernier, Bachar el Assad s’est
dit ouvert sous certaines conditions à l’organisation d’élections dans
son pays. Certains voient cette ouverture comme la dernière tentative de
survie d’un régime au bord de l’agonie politiquement. Qu’en est-il en
réalité ?
Fabrice Balanche : Le discours de Bachar al-Assad, dimanche 6 janvier
2013, était tout d’abord destiné à montrer qu’il demeure le Président
de la Syrie et qu’il entend le rester. Il oppose un démenti cinglant à
l’opposition qui répète depuis près de deux ans que le régime n’en a
plus que pour quelques semaines, aux chancelleries occidentales qui
évoquent son prochain exil à Cuba, en Russie ou au Vénézuela. Le
contexte militaire se prête à cette prestation, puisque les forces du
régime ont repoussé les rebelles des périphéries de Damas ; la ville de
Homs, “capitale de la révolution” est presque de nouveau sous le
contrôle de l’armée régulière, quant à Alep, les rebelles ne sont pas
parvenus à la prendre, malgré leur “offensive décisive”[1] de septembre
dernier. Certes, les rebelles ont gagné du terrain dans l’Est et le
Nord, mais ils n’ont pas réussi à s’emparer des grandes villes,
fermement tenues par les forces du régime.
Bachar al-Assad s’adresse avant tout à ses partisans, à qui il veut
donner confiance dans la victoire prochaine. Vu d’Occident et à travers
la médiation de l’opposition syrienne, cela peut paraître complètement
irréaliste[2]. Son but n’est pas de convaincre l’opinion publique
occidentale, ni d’amener vers lui la Coalition Nationale Syrienne du
cheikh Moaz al Khatib. Au contraire, il a traité cette dernière de
“marionnettes de l’Occident” et “d’esclaves”, refusant toutes
négociations avec eux. Bachar el Assad annonce un processus de dialogue
national, suivi d’élections législatives puis des présidentielles en
2014, conformément au calendrier habituel. Aucun changement par rapport à
la ligne adoptée au début de la crise, et on ne peut être que dubitatif
quant à la sincérité de son plan de paix.
Ce n’est pas la dernière tentative de survie d’un régime à l’agonie.
Il s’est affaibli, mais il ne montre pas de signe d’écroulement ou
d’être engagé irrémédiablement sur la fin. Tous les espoirs luis sont
encore permis de se redresser, si les paramètres locaux et
internationaux ne sont pas modifiés. Car, dans la situation actuelle,
l’opposition ne peut pas l’emporter.
Comment se partage aujourd’hui l’opinion publique ? Peut-on parler d’un réel consensus anti-Assad au sein de la population ?
En choisissant l’Opera de Damas, qui est une des plus grande salle de
la capitale, et non le parlement ou un amphithéâtre de l’Université,
Bachar el Assad a voulu donner l’impression qu’il dispose d’un large
soutien populaire. Il s’est risqué à un bain de foule à l’intérieur de
l’opéra, mais nous n’avons pas vu de manifestation de ses partisans à
l’extérieur, comme c’était le cas en 2011, au début de la crise. Une
minorité, notamment parmi les minorités confessionnelles, la bourgeoisie
et l’appareil bureaucratique, soutient fermement Bachar al-Assad, une
autre minorité, dans les classes populaires arabes sunnites et les
cercles intellectuels, le déteste franchement et exige son départ. Mais
pour la majorité des Syriens, c’est le retour à la paix qui est
primordial, même si le maintien de Bachar al-Assad à la tête de l’Etat
est le prix à payer. Plus que l’adhésion de la population, c’est
l’apathie de la population que le régime recherche.
Il veut montrer, par sa ténacité, qu’il se battra jusqu’au bout et
que sa fin signifiera le chaos[3]. Cela incite les Syriens à abdiquer
leurs revendications politiques pour un retour à la sécurité. L’objectif
de Bachar al-Assad est de prouver que son régime est davantage capable
que l’opposition d’assurer cette sécurité, dans le but de priver les
rebelles du soutien de la population. Il s’agit d’une technique
classique de contre-insurrection qui s’appuie sur un principe simple :
la population suit toujours celui qui inspire le plus de crainte et qui
est susceptible d’assurer la sécurité, indépendamment de la justesse de
sa cause. Les bombardements de l’aviation syrienne sur les zones tenues
par les rebelles, n’ont d’autre objectif que de plonger les civils dans
l’insécurité.
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