Recevant des journalistes, Arnaud Montebourg, ministre du
Redressement productif, leur indique qu’il travaille sur un projet de « nationalisation transitoire » de Florange. Il aggrave son cas en ajoutant que « le problème des hauts-fourneaux de Florange, c’est Mittal ». Ensuite, en ces temps de disparition des frontières, affirmer que « nous ne voulons plus de Mittal en France parce qu’ils n’ont pas respecté la France » relève du crime de lèse-majesté. Enfin le ministre estime que « les mensonges de Mittal depuis 2006 sont accablants » et qu’« il n’a jamais tenu ses engagement » vis-à-vis de l’Etat français. Aussi sort-il l’argument massue de la nationalisation (Les Echos, 26/11/12).
Evidemment, aux yeux des commanditaires de la présidente du Medef,
l’interventionnisme présumé d’Arnaud Montebourg constitue le péché
suprême. Evoquer la « nationalisation » mérite l’enfer. Mme Parisot
monte donc sans tarder au filet : la déclaration du ministre du
Redressement productif au sujet d’une « nationalisation transitoire » de l’aciérie de Florange est « tout simplement et purement scandaleuse ». Parlant de « pression » et même de « chantage », la porte-parole du grand patronat rappelle un principe qui lui semble frappé au coin du bon sens : ce n’est pas à l’Etat « de commencer à dire à chaque entreprise de France : voilà votre stratégie » (RTL, 29/11/12).
Donc Laurence Parisot n’a pas sa langue dans sa poche lorsqu’il
s’agit de critiquer les velléités de nationalisation du Gouvernement.
Mais il est d’autres circonstances où le silence de la présidente du
Medef est carrément assourdissant. C’est le cas lorsque la société de
conseil aux investisseurs Proxinvest publie son rapport annuel consacré
à « la rémunération des dirigeants des sociétés françaises » (11
décembre 1212). Des montants déconnectés des performances de
l’entreprise et insuffisamment conditionnés sur le long terme : telles
sont les grandes tares du système de rémunération des patrons du CAC 40,
décortiqué par Proxinvest.
La rémunération totale d’un grand patron du CAC 40 s’est élevée à
4,24 millions d’euros en moyenne en 2011 (+4% par rapport à 2010).
Toutefois, si l’on ne tient pas compte des indemnités de départ versées à
certains dirigeants, dont le bonus différé de 16 millions d’euros
attribué à Maurice Lévy, le président de Publicis, la rémunération de
ces patrons a baissé de 3% en moyenne en 2011.
« La baisse aurait pu être plus significative, car le CAC 40 a perdu 17% en 2011 et les bénéfices nets cumulés ont reculé de 10% »,
note Loïc Dessaint, directeur associé chez Proxinvest. Au hit-parade
des patrons les mieux payés en 2011, Maurice Lévy arrive largement en
tête avec 19,6 millions. Il est suivi par Carlos Ghosn (Renault) avec
13,3 millions d’euros, Bernard Charlès (Dassault Systèmes) avec 10,9
millions et Bernard Arnault (LVMH) avec 10,8 millions d’euros. Jean-Paul
Agon (L’Oréal) avec 7,7 millions d’euros arrive en cinquième position (Le Figaro Economie, 12/12/12).
Si l’on considère qu’en 2011 l’indice boursier a baissé de 17 %, on peut considérer, comme le fait Loïc Dessaint, qu’ « en France, les rémunérations sont tranquilles, les conditions de performances ne sont pas hyper exigeantes » (Le Monde,
12/12/12). Silence radio de Laurence Parisot quant à cette anomalie. Il
est vrai que les PDG du CAC 40 sont les vrais patrons du Medef…et on
voit mal leur employée critiquer ceux qui l’ont fait reine.
Autre occasion ratée de se lamenter pour Madame Parisot : PSA. La
situation financière de ce groupe apparait tellement dégradée que, fin
octobre, le gouvernement se décide à lui apporter son soutien ; il y a
urgence. Cette aide prend la forme d’une garantie de 7 milliards d’euros
accordée à « Banque PSA Finances », la filiale crédit du groupe, qui
reste entièrement privée. Cette garantie permettra d’emprunter sur les
marchés à des taux raisonnables. Mais l’Etat exige l’entrée au conseil
de surveillance d’un administrateur indépendant qui le représentera.
C’est ainsi que Louis Gallois, réputé « patron de gauche » a été coopté
par le conseil de surveillance ; il sera également membre du comité
stratégique (mardi 18 décembre 2012).
Avec l’arrivée de Louis Gallois, le gouvernement compte peser
d’avantage sur la stratégie de PSA. En effet, Arnaud Montebourg se
montre critique sur les choix passés de l’entreprise et s’interroge sur
la pertinence de son plan de rebond – qui inclut 8.000 suppressions
d’emplois – et de son alliance avec General Motors (Le Figaro Economie,
19/12/12). Etrangement, Laurence Parisot ne trouve rien à redire à
l’entrée de l’Etat dans la chasse gardée de la famille Peugeot. Elle en
vient même à oublier ce qu’elle affirmait sur RTL quelque temps auparavant à propos de ArcelorMittal : ce n’est pas à l’Etat « de commencer à dire à chaque entreprise de France : voilà votre stratégie ».
A la vérité, depuis quelques années, PSA s’est habitué à bénéficier
des aides de l’Etat. Lorsque Nicolas Sarkozy, président de la
République, avait présenté un plan de sauvetage de l’automobile (lundi
09 février 2009), PSA avait bénéficié d’un prêt de 3 milliards d’euros
de la part de l’Etat, auquel il fallait ajouter un second de 500
millions pour sa filiale bancaire. Bien entendu Renault avait bénéficié
des mêmes avantages. Là encore, Laurence Parisot n’avait vu aucun
inconvénient à l’intervention de l’Etat. Bien sûr, elle pourra toujours
objecter qu’aux Etats-Unis, l’Etat fédéral avait engagé 81 milliards de
dollars de fonds publics pour sauver General Motors et Chrysler, les
deux entreprises se trouvant de fait nationalisées.
Bref, vouloir nationaliser Florange relève d’une intention « scandaleuse »,
tandis que fournir des ballons d’oxygène à PSA ressemblerait à un acte
tellement normal qu’il n’y a pas lieu d’en parler. Telle semble être la
philosophie de Laurence Parisot qui proteste quand ça arrange les
intérêts de ses patrons. Et qui se tait dans le cas contraire.
Paul Le Guern http://fr.novopress.info
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