On nous parle du Mali comme si cette
région africaine était aussi familière aux Français, dont on connaît
l’ignorance légendaire de la géographie, que la Bourgogne, la Bretagne
ou l’Anjou. Rappelons, pour ceux de nos lecteurs qui l’auraient oublié,
que cet Etat a été créé de toutes pièces lors de la décolonisation en
1960, à partir du Soudan français, un des composants de l’Afrique
Occidentale française (A.O.F.). Comme pour de nombreux autres Etats
africains, ses frontières tirées au cordeau n’ont pas tenu compte des
implantations géographiques des populations ni de leur ethnie. Elles
sont régulièrement sources de conflits d’influence et de guerre entre
Etats et à l’intérieur des Etats, conflits d’influence auxquels se
greffent les convoitises sur les immenses territoires et leurs
ressources minérales encore peu exploitées. Le géopolitologue Jean
Bonnevey, dont Polémia a déjà publié plusieurs études, donne ci-après un
historique de la conquête du Sahel et de son maintien dans l’Empire
français grâce aux militaires à qui avait été confié le contrôle de ces
territoires des années 1880 à celles de 1960.
Polémia
Polémia
Décidément, l’histoire bafouille. Dans
les raisons ou prétextes, comme on voudra, des expansions coloniales
européennes, il y a toujours eu la lutte contre l’obscurantisme tribal
en Afrique noire ou islamiste dans le sahel. Le désert notamment a
toujours été fécond en fanatiques. Toutes les dynasties rigoristes ayant
balayé celles de tolérance et d’ouverture au Maroc en sont issus, les
Almohades comme les Almoravides.
Les guerres actuelles sont le fruit de
la décolonisation. On paye une décolonisation complètement ratée. C’est
vrai au Mali où l’on n’a pas tenu compte des aspirations légitimes des
touaregs comme au Niger d’ailleurs. C’est vrai en Somalie où le départ
des italiens a cassé le partage de la corne de l’Afrique. C’est vrai de
l’Algérie à qui la France a donné une immense partie du Sahara
incontrôlable et sans rapport avec les destins de la côte du pays.
Sahara français
Nous sommes bien dans une guerre de type
colonial dans un Sahara que la France a eu par ailleurs le plus grand
mal à contrôler et qui n’a jamais été véritablement pacifié à l’égal
d’un Afghanistan pour les britanniques.
Dès l'année 1879, la région du Sahara,
territoire désertique hostile, indépendant de l’autorité turque d'Alger
et placé sous l'autorité de tribus nomades, constitue un centre
d'intérêt majeur pour les autorités françaises. Les premières missions
d'exploration après la conquête de l'Algérie ont lieu de 1857 à 1861
(Henri Duveyrier), en 1880 et 1881 (Paul Flatters), suivis de deux
autres en mai et décembre 1902, date à laquelle le lieutenant Georges
Guillo Lohan (qui le connait aujourd’hui ?) de la Compagnie des Oasis
sahariennes parvient à faire reconnaître l'autorité du gouverneur des
Territoires du Sud nouvellement créés sur la population indigène.
C'est le ministre Freycinet qui
encouragea les premières expéditions à explorer plus systématiquement le
Sahara. L'une d'elles, la mission Flatters avait pour objectif
d'établir le tracé d'un chemin de fer transsaharien, qui ne fut jamais
réalisé. Mais plusieurs de ses membres, en 1881, furent tués par les
Touaregs, ce qui renforça et accéléra la « pacification armée » du Sud
algérien et de ces régions encore mal connues comme les oasis de
Ghardaïa ou de Touggourt. Plusieurs succès militaires allaient aboutir à
la soumission des Touareg et, en 1900, à assurer la domination
française des bords du lac Tchad à la région du Tibesti.
L'implantation des Français sur un
territoire aussi vaste nécessitait une organisation spéciale, confiée à
l'armée. Aux méharistes s'ajoutèrent les sections d'officiers des
Affaires indigènes, qui administrèrent le Sahara à partir de 1902 sous
l'autorité du gouvernement général d'Alger. Des missionnaires, comme le
père de Foucault, se mêlaient aux nomades.
En 1908, des détachements parcouraient
le Sahara occidental jusqu'au Rio de Oro espagnol; en 1911, la
Mauritanie était occupée et, une année plus tard, le protectorat était
rétabli sur le Maroc. Ainsi, à la veille de 1ere première guerre
mondiale, la France contrôlait pratiquement l'ensemble du Sahara,
d'Alger à Dakar, du Maroc à l'Afrique équatoriale, la Libye étant
occupée par les Italiens. Mais il y eut toujours des révoltes, le plus
souvent sous la bannière de chefs du désert invoquant l’islam.
Le cas du Sahara algérien
Lors de la tractation des Accords
d'Évian avec le Gouvernement provisoire de la République algérienne, le
président Charles De Gaulle a refusé tout d’abord de reconnaître la
souveraineté de la future Algérie sur le Sahara, essayant à la place
d'en faire une région autonome : sans succès. L'échec de la treizième
réunion, établie dans le cadre de la première conférence d'Évian
débutant le 20 mai 1961, entre Krim Belkacem, principal responsable du
Gpra et Louis Joxe, ministre des affaires algériennes, est directement
lié à la question du statut du Sahara.
Lors de la conférence de presse
consécutive, Belkacem déclare alors: « Nous nous sommes trouvés en face
d'un gouvernement français qui veut bien décoloniser mais à moitié;
c'est-à-dire maintenir l'Algérie sous une domination coloniale à peine
déguisée ».
Déjà durant l’IVe République un Président du Conseil avait publiquement déclaré: « La France est et demeure une grande puissance. Elle mobilisera ses forces pour que se réalise le miracle saharien. De grandes richesses, en charbon, en fer, en pétrole, en gaz naturel, des Territoires du Sud, seront mises en valeur. La Métropole apportera sa technique et ses investissements; l'Algérie apportera sa main d'œuvre de plus en plus qualifiée et demain ses cadres. La mise en valeur du désert c'est la grande tâche de notre génération ». Le moins qu’on puisse dire c’est que cela a été complètement raté.
Déjà durant l’IVe République un Président du Conseil avait publiquement déclaré: « La France est et demeure une grande puissance. Elle mobilisera ses forces pour que se réalise le miracle saharien. De grandes richesses, en charbon, en fer, en pétrole, en gaz naturel, des Territoires du Sud, seront mises en valeur. La Métropole apportera sa technique et ses investissements; l'Algérie apportera sa main d'œuvre de plus en plus qualifiée et demain ses cadres. La mise en valeur du désert c'est la grande tâche de notre génération ». Le moins qu’on puisse dire c’est que cela a été complètement raté.
Les nouvelles guerres mahdistes.
En fait la lutte des occidentaux contre
les islamistes n’est pas nouvelle. Nous vivons une nouvelle guerre
mahdiste si bien illustrée par le film « Khartoum » avec un magistral
Charlton Eston dans le rôle de Gordon. En 1883, un régiment anglais de
10.000 hommes est massacré dans le désert du Soudan par une armée de
fanatiques conduite par un leader religieux, le Mahdi. A Londres, le
Premier Ministre Gladstone décide d'envoyer au Soudan le général Gordon,
un héros national. Celui-ci rejoint Khartoum où se trouvent encore
13.000 militaires et civils anglais. Comme pour Bamako.
La guerre des Mahdistes ou la guerre du
Soudan est un conflit colonial, religieux et politique qui s'est déroulé
au Soudan de 1881 à 1899. Il a opposé principalement les Mahdistes
soudanais, aussi appelés derviches, désireux d'établir dans la région un
émirat islamiste fort et indépendant, aux autorités coloniales
égyptiennes puis anglo-égyptiennes représentées pendant quelque temps et
jusqu'à la chute de Khartoum survenue en 1885, par le personnage
emblématique de Gordon Pacha. Il a également impliqué l'Éthiopie,
l'Italie, l'État indépendant du Congo et la France. Les combats qui se
sont déroulés surtout au Soudan ont également touché le sud de
l'Égypte, et les zones frontalières de l'Érythrée et de l'Éthiopie. Il y
eut internationalisation et participation de forces présentées comme
africaines, déjà. Le conflit s'est terminé par la défaite des madhistes,
vaincus par les forces anglo-égyptiennes commandées par Horatio Herbert
Kitchener. Le Soudan anglo-égyptien fut créé à l'issue de cette guerre.
Que sont nos Gordon devenus ?
Si l’Europe fait des guerres coloniales,
elle n’a plus de Gordon. Élève de l'Académie militaire de Woolwich, il
servit en Crimée, puis dans la campagne de Chine de 1860. Les Taï-ping
(« révoltés aux longs cheveux »), profitant de l'affaiblissement de
l'empire chinois après la victoire des alliés, s'insurgèrent pour
renverser la dynastie mandchoue et devinrent maîtres d'une grande partie
de la Chine. Avec l'assentiment de son gouvernement, Charles Gordon
entra au service de l'Empire Qing pour combattre les Taiping.
A la tête d'une poignée d'Européens, il
réorganisa l'armée chinoise, dégagea Shanghaï menacée, reprit aux
insurgés Souchow et Nankin. L'armée de Gordon, «l'Armée toujours
victorieuse», sauva la dynastie mandchoue qui semblait perdue et
réduisit rapidement les rebelles. En 1863, Gordon, malgré les offres des
Chinois, rentra au Royaume-Uni avec le grade de lieutenant-colonel. En
1874, il entra au service de l'Égypte, fut nommé gouverneur de l'Afrique
équatoriale et poussa les frontières égyptiennes jusqu'à Gondokoro. En
1879, il donna sa démission à la suite de difficultés avec le nouveau
khédive Tawfik.
Après avoir servi en Inde où il devint
major général, il revint en février 1884 en Égypte et, dans le cadre de
la guerre des Mahdistes, défendre Khartoum, assiégé par les troupes du
Mahdi.
Charles Gordon était d'un caractère exalté. Il crut qu'il pourrait refaire ce qu'il avait fait en Chine et sauver la cause du Royaume-Uni, c'est-à-dire, à ses yeux, de la civilisation. Il était très confiant en lui-même et dans l'ascendant que son énergie lui donnait sur les populations auxquelles il avait à se confronter. Un vrai colonial aimé et respecté, libérateur des esclaves et organisateur hors paire. Il ne put cependant que prolonger la résistance de la ville. L'année suivante (1885), les « derviches » s'en emparèrent et Gordon fut tué.
Charles Gordon était d'un caractère exalté. Il crut qu'il pourrait refaire ce qu'il avait fait en Chine et sauver la cause du Royaume-Uni, c'est-à-dire, à ses yeux, de la civilisation. Il était très confiant en lui-même et dans l'ascendant que son énergie lui donnait sur les populations auxquelles il avait à se confronter. Un vrai colonial aimé et respecté, libérateur des esclaves et organisateur hors paire. Il ne put cependant que prolonger la résistance de la ville. L'année suivante (1885), les « derviches » s'en emparèrent et Gordon fut tué.
Il était surnommé le chinois comme un
autre grand militaire colonial français celui-là le général Salan. Mais
si il y a toujours et même de plus en plus de mahdistes nous n’avons
plus de Gordon ni de Salan et ça change tout.
Correspondance Polémia – 19/01/2013
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