Au
début, j'ai cru à un poisson d'avril avancé pour cause de week-end
pascal. Mais le doute n'est plus permis : « Frigide Barjot » a bien
participé au Congrès de l'Union des organisations islamiques de France
(UOIF), la section française des Frères musulmans (et à ce titre
l'homologue du Hamas).
En voyant la photo ci-contre, j'ai pensé à un montage : qu'elle porte, à 50 ans révolus, un sweat à capuche rose fluo et un futal moulant de pré-ado, pas étonnant venant d'elle,
mais qu'elle s'affiche aux côtés des barbus ? Et pourtant, la «
catho-déjantée » est bien allée au Bourget déclarer aux musulmans de
France qu'ils sont « notre espérance », « nous » désignant
apparemment les opposants français au « mariage » gay. Elle récidivait
ainsi par rapport à ses déclarations sur la « France black-blanc-beur » qui, prétendait-elle en dépit de la réalité, l'avait suivie, elle.
Les vrais destinataires de ce message
Que
les participants à la « Manif pour Tous » fussent dans leur immense
majorité des Français de souche, catholiques ou non, n'a pas grande
importance : « Frigide Barjot » ne s'adressait pas aux musulmans, qui ne
partageront jamais son « engagement », mais aux catholiques qui ont peur de l'accusation de « racisme »
que leur lance la gauche, qui sait quel mot magique prononcer pour
faire perdre ses moyens à la droite. Aussi contre-intuitif que cela
soit, il ne faut pas oublier que c'est le même procédé qu'ont utilisé
aux États-Unis les leaders du Tea Party pour rassurer leurs
sympathisants, presque tous Blancs et chrétiens, et qui avaient peur de
passer pour « racistes ». Dès qu'ils le pouvaient, ils mettaient un Noir
en avant, ne se rendant pas compte que, ce faisant, ils paraissaient
condescendants et étaient justement dénoncés à ce titre. Je n'ai pas
encore vu de réaction politico-médiatique à la sortie de la
catho-festiviste, mais il est certain que ses propos ne modifieront pas
l'opinion d'un Yann Galut. La gauche aura beau jeu d'y déceler de l'hypocrisie alors que c'est, hélas, très sincère.
Les propos de « Frigide Barjot » m'ont immédiatement rappelé ceux de Glenn Beck, présentateur à l'époque d'un talk-show sur Fox News, qui avait enjoint la foule rassemblée à Washington fin août 2010 à « aller à leur église, leur synagogue, leur mosquée », alors que les fidèles des deux derniers lieux de culte sont notoirement hostiles au Parti républicain pour lequel Glenn Beck et Sarah Palin faisaient campagne.
Le résultat électoral a été désastreux : à l'exception des politiciens déjà connus qui s'étaient affiliés au Tea Party,
les candidats issus de la société civile ont été balayés aux élections
de mi-mandat de novembre 2010, remportées par le Parti républicain. Une
fois les élections terminées, le Tea Party n'a cessé de décliner,
au point de ne plus peser grand-chose lors de la nomination du candidat
républicain; finalement, c'est Mitt Romney, un mormon social-démocrate,
qui a été choisi, et ce sans le moindre suspense.
Puis il a été battu dans une élection présidentielle qui aurait pu être gagnable. Si les républicains avaient à nouveau obtenu 60 % du vote blanc, comme en 2010, au lieu des 59 % recueillis par Romney, ce dernier aurait pu empêcher Barack Obama d'être réélu.
Il
faut dire que Romney, ancien gouverneur du Massachussets, était le
candidat le plus improbable pour convaincre le Midwest blanc et chrétien
de choisir le parti à l'éléphant. Au final, l'abstention a eu raison de
Romney, comme elle avait eu raison de Sarkozy. Le mouvement spontané du
Tea Party avait été transformé en renfort à la machine à perdre.
Rendre explicite ce qui est implicite
Cela
devrait servir de leçon au million et demi de Français qui ont défilé
le 24 mars : un mauvais leader peut tuer un mouvement prometteur, et «
Frigide Barjot » est de cette trempe-là. Là où il y a des raisons d'être
inquiet, c'est que, comme le disait Alain de Benoist dans cet entretien
qui en a défrisé certains, l'homme de droite suit toujours son leader,
même quand celui-ci, comme le joueur de flûte de Hamelin, le mène en
musique à la noyade.
Il
faudrait changer de leader, mais ça ne s'improvise pas : le leader
reflète le mouvement. Tant que le mouvement a pour principal objectif la
défense du « mariage traditionnel » (en réalité du mariage révolutionnaire
institué pour concurrencer le mariage chrétien), il ne pourra pas y
avoir de meilleur leader que « Frigide Barjot ». Les enjeux de l'heure
ne sont pas religieux, mais identitaires, et la « Manif pour tous » l'a
amplement révélé : en dépit de leur appel aux fidèles de toutes les
religions, aux manifestants de toutes les couleurs, ce que les
organisateurs ont obtenu, c'est une manif blanche, de même que Romney,
malgré ses œillades appuyées envers les minorités, a obtenu 80 % de ses
suffrages de ces Blancs qu'il n'a pas estimé nécessaire de convaincre.
Pour que le mouvement débouche sur autre chose que des « ateliers-sushi », des récitals de gospel et des défilés de schtroumpfettes, il faudra que le caractère ethnique implicite des manifestations soit rendu explicite,
et pour ça, il faudra utiliser des thèmes un peu plus significatifs, et
donc un peu plus clivants que les marottes de la droite religieuse.
Roman Bernard http://criticusleblog.blogspot.ca/
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