Succès d’une formation populiste en rupture avec les diktats mondialistes sur l’euro. Entretien avec Alain de Benoist.
Les
élections italiennes de février 2013 sont un événement majeur à un
triple titre : par le désaveu apporté à Mario Monti, l’homme de Goldman
Sachs, imposé à l’Italie comme chef de gouvernement par l’Union
européenne et qui rassemble moins de 10% des suffrages ; par le succès
local de la Ligue du Nord, identitaire et régionaliste, qui gagne les
élections régionales de Lombardie ; et surtout par la percée de Beppe
Grillo qui remporte 25% des sièges au Parlement et dont la formation
devient le premier parti d’Italie.
C’est le succès d’une formation populiste en rupture avec les diktats mondialistes sur l’euro, sur la croissance et sur l’immigration. C’est un succès d’autant plus notable qu’il a été obtenu sans passage par les plateaux de télévision, par de grands meetings populaires dans les rues et par Internet. En Italie la tyrannie médiatique a connu une défaite historique.
Pour éclairer le phénomène Grillo, nous reprenons ci-dessous un texte d’Alain de Benoist paru dans Boulevard Voltaire et repris par l’excellent site Metaposinfos.
Polémia.
C’est le succès d’une formation populiste en rupture avec les diktats mondialistes sur l’euro, sur la croissance et sur l’immigration. C’est un succès d’autant plus notable qu’il a été obtenu sans passage par les plateaux de télévision, par de grands meetings populaires dans les rues et par Internet. En Italie la tyrannie médiatique a connu une défaite historique.
Pour éclairer le phénomène Grillo, nous reprenons ci-dessous un texte d’Alain de Benoist paru dans Boulevard Voltaire et repris par l’excellent site Metaposinfos.
Polémia.
Ils préfèrent les people au peuple
Nicolas Gauthier – Le comique Beppe Grillo grand vainqueur des
dernières élections législatives en Italie… Qu’est-ce que cela dit sur
la réalité de la politique locale ? Peut-on le résumer à sa simple
qualité de comique, tel un Coluche, chez nous, il y a quelques
décennies ? Au fait, « populisme » est-il forcément un gros mot ?
Alain de Benoist - Il y a longtemps que Beppe Grillo n’est plus un « comique », contrairement à ce que s’imaginent la plupart des journalistes français qui le traitent de « clown » ou d’ « histrion »
pour faire oublier qu’ils n’ont découvert son existence qu’au soir des
élections. Il n’est pas plus comparable à Coluche qu’il ne l’est à
Poujade ou à Dieudonné. Avec 25,5% des voix et plus de 160
parlementaires, députés et sénateurs, sa formation, qui n’existait même
pas lors du précédent scrutin, est devenue d’emblée le premier parti
d’Italie. Cela donne la mesure de la vague de fond qui l’a portée. Et
c’est sur celle-ci que doit porter la réflexion. L’Italie a certes été
un pays pionnier en matière de « populisme » (on se souvient de l’ « uomo qualunque »
des années 1950), mais le populisme du Mouvement 5 Etoiles ne ressemble
à rien de ce que l’on a vu. Ce n’est pas un populisme de la peur, mais
un populisme de la colère et de la révolte. Ce n’est pas non plus, comme
souvent en Europe, un populisme qui divise la droite, car il a surtout
rassemblé des électeurs venus de la gauche. Enfin, c’est moins un
populisme qui prétend parler au nom du peuple qu’un populisme qui
s’efforce de créer les conditions dans lesquelles le peuple peut
s’exprimer. Quant aux esprits paresseux qui pensent que Grillo n’a pas
de programme, ils montrent par là même qu’ils ne l’ont pas lu.
Le « populisme » est aujourd’hui le terme péjoratif qu’utilise la Nouvelle Classe politico-médiatique,
élue par la globalisation, pour désigner avec dédain ceux qui
s’entêtent à penser que la démocratie repose sur la souveraineté du
peuple. La Nouvelle Classe n’a que faire du peuple (elle lui préfère les « people »)
et n’aspire qu’à gouverner sans lui. C’est ce qui la rend incapable de
mesurer l’ampleur du fossé qui sépare désormais les classes populaires
de l’oligarchie dominante. L’erreur classique que l’on fait à propos du
populisme est d’y rechercher une idéologie, alors que le populisme n’a
pas de contenu idéologique prédéterminé : ce n’est pas une doctrine mais
un style. L’autre erreur est de l’analyser simplement en termes de « démagogie ».
C’est oublier que la démagogie des élites vaut bien celle des
populistes. C’est surtout passer à côté de l’essentiel, qui est la
notion même de peuple, défini comme un demos uni par une
sociabilité commune. Vincent Coussedière n’a pas tort d’écrire que
« l’être-ensemble populiste correspond à ce moment des démocraties où le
peuple se met à contrecœur à faire de la politique parce qu’il
désespère de l’attitude des gouvernants qui n’en font plus ».
N.G. – Insubmersible Silvio Berlusconi. Détesté par nos médias
– quoique nombre de ceux qui l’insultent aujourd’hui ont peut-être été
ses salariés à l’époque de sa chaîne de télévision française, La Cinq,
au siècle dernier –, mais manifestement pas si impopulaire que ça chez
lui. Quelles réflexions un tel paradoxe peut-il vous inspirer ?
A. de B.- Berlusconi a principalement surfé sur le thème de la
démagogie fiscale. Son populisme est un populisme droitier d’essence
bourgeoise bien différent du populisme « chimiquement pur » de
Beppe Grillo. En prenant position pour la décroissance, la démocratie
participative et le mandat impératif, le Mouvement 5 Etoiles s’est aussi
prononcé pour l’autonomie et le primat du politique vis-à-vis de la « gouvernance » économique, de la finance de marché et de l’expertocratie. Berlusconi est un grand « communicateur »,
mais Grillo a ouvert un nouveau chapitre de la communication politique
en refusant d’apparaître à la télévision et en s’appuyant avant tout sur
Internet (l’ « incendie numérique ») et sur les meetings de rue. Berlusconi reste un homme de droite, quand le succès des « Grillini » montre que le clivage gauche-droite n’a plus de valeur opérationnelle pour analyser les phénomènes politiques nouveaux.
N.G. – Dans ce scrutin, il y a trois disparus dont on a peu
parlé. Mario Monti, l’ancien banquier de Goldman Sachs, et son allié
Gianfranco Fini, de l’Alliance nationale. Sans oublier Umberto Bossi, de
la Ligue du Nord, empêtré dans des scandales de corruption que lui,
l’Italien du Nord, imputait aux seuls Italiens du Sud… Quel bilan tirer
de tout cela ?
A. de B. - Le rejet de Monti par 90% des Italiens montre à
quel point l’arrogance des technocrates est devenue insupportable pour
les classes populaires et les classes moyennes auxquelles la
Forme-Capital veut faire payer le prix d’une crise provoquée par
l’endettement public et la folle course à l’austérité engendrée par la
désubstantialisation de la valeur et la suraccumulation du capital
fictif. La Lega conserve quelques bastions, mais se trouve maintenant
confrontée à une crise d’identité très profonde. Quant à Fini, il mérite
plus que jamais son nom. Cela ne signifie pas que l’Italie est
définitivement entrée dans l’ « ère Grillo », mais que tout
retour en arrière est exclu. Aux dernières élections, c’est toute la
classe politique italienne qui s’est trouvée disqualifiée par une
nouvelle secessio plebis. Un signe annonciateur pour d’autres pays européens ?
Alain de Benoist,
propos recueillis par Nicolas Gauthier
(Boulevard Voltaire, 15 mars 2013).
propos recueillis par Nicolas Gauthier
(Boulevard Voltaire, 15 mars 2013).
Titre original : Ils préfèrent les people au peuple
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