Le jeune homme qui se meurt
lentement dans un hôpital, « quelque part en France », affamé par
décision du corps médical, s’affaiblit de jour en jour. Mais une lueur
d’espoir existe désormais. La famille de celui que nous avons appelé «
Hervé », horrifiée de voir ses souffrances physiques et morales, a
décidé de ne pas en rester là. Elle veut se battre jusqu’au bout.
Elle dit NON à cette nouvelle barbarie qui prétend autoriser des
médecins à faire mourir des malades à petit feu, en cessant de les
nourrir, en les privant presque totalement d’eau.
Elle dit NON à une interprétation de la loi Leonetti sur la fin de vie
qui a déjà servi de couverture à des assassinats de ce type.
Elle dit NON à l’euthanasie par omission que l’on impose sournoisement
tandis qu’on fait croire que la question est encore en débat ; une
euthanasie par omission que Jean Leonetti lui-même entend faciliter et
rendre apparemment moins cruelle par la « sédation palliative » qui
permettrait de masquer les affres de ceux qui mourront de faim et de
soif parce que des médecins en auront décidé ainsi.
Il y a donc du nouveau depuis l'article de la semaine dernière : la
famille d’Hervé vient de trouver un avocat prêt à se battre pour
défendre les droits du jeune homme et des siens et l'a saisi le 7 mai au
soir. Me Jérôme Triomphe sait que l’affaire est dure. Il s’agit de
faire annuler une décision médicale qui est dans l’air du temps ; de
contrer la puissance de mort dont tant de médecins se sentent désormais
investis ; de prôner une logique de respect de la vie la plus fragile et
non de raisonner en termes économiques – et il est impossible de croire
que la logique économique n’intervient pas dans cette affaire, sous
couleur de mettre fin aux souffrances d’un accidenté dans le coma.
Bref rappel des faits. Il y a quatre ans et demi, Hervé, alors âgé de
quelque 33 ans, était victime d’un accident de la route. On le plongea
dans un coma artificiel dont il allait sortir, pour se trouver dans un
coma végétatif. Il y restera pendant deux ans – mais peu à peu, son état
s’améliore et il se trouve aujourd’hui dans un « coma pauci-relationnel
», c’est-à-dire un état de conscience minimale où le patient est
sensible aux émotions, aux stimuli extérieurs ; Hervé a une activité
visuelle, et il réagit aux propos de ses proches.
Il se trouve, je suis désormais en mesure de vous le dire, au CHU Sébastopol de Reims.
Hervé ne souffre d’aucune maladie particulière, et à plus forte raison
d’aucune affection en stade terminale, il ne se trouve nullement dans un
état de souffrance insupportable – ou en tout cas, il ne s’y trouvait
pas avant qu’on prît la décision, le 10 avril, de cesser totalement de
le nourrir et de ne plus lui donner que 500 ml d’eau contre les 3 litres
de liquide par 24 heures que lui apportaient l’alimentation et
l’hydratation par sonde dont il bénéficiait depuis 4 ans et demi.
Sans eau, un homme meurt assez vite : en une quinzaine de jours… Avec un
peu d’eau, le processus est bien plus long. Mais cela ne change rien à
l’intention de tuer qui est celle des médecins qui décident de ne plus
apporter les soins ordinaires – c’est-à-dire ce qui est dû, dans la
mesure du possible, à tout être humain, nourrisson ou vieillard, malade
ou bien-portant, prisonnier ou libre. Et les médecins ont une obligation
spécifique à cet égard : protéger et soigner, tout faire qui ne
constitue pas une obstination déraisonnable qui aurait pour seul effet
de prolonger artificiellement la vie.
Ce jeune homme qui souffre et qui se voit mourir n’a aucun moyen de
parler pour lui-même. Alors c’est sa famille qui est sa voix.
Une famille qui aurait dû être écoutée, aux termes de la loi Leonetti,
et qui ne l’a pas été. Le 5 avril dernier, des responsables de l'équipe
médicale de l’hôpital demandait à la mère d’Hervé d'entamer un «
cheminement » personnel par rapport à un processus dont il était
simplement suggéré qu'il était envisagé : priver Hervé de nourriture
pour le conduire vers la mort. Aucune « décision collégiale ». Aucune
consultation formelle à cette fin. A ces suggestions, la mère d'Hervé
opposa des protestations fermes. On lui fixa un rendez-vous au 15 mai
pour qu’elle puisse revenir avec son mari, qui était alors lui-même
hospitalisé pour une intervention.
Mais fin avril, elle découvrit, par deux de ses autres enfants qui
rendant visite à Hervé, constatèrent qu’il n’était plus alimenté, que ce
processus avait été mis en place dès le 10 avril. Autrement dit, sans
que la famille et les proches du jeune homme n’eussent été informés,
comme l’exige pourtant la loi, de la mise en œuvre de la « procédure
collégiale » de décision d’arrêt des « traitements », auxquels sont ici
assimilés les soins ordinaires que sont la nourriture et l’hydratation.
Décision « manifestement illégale », comme le souligne l’avocat.
Le 8 mai, Me Jérôme Triomphe a saisi le procureur de Reims sous
l’intitulé : « Urgent, danger de mort ». Démarche prise très au sérieux :
elle a abouti à l’envoi de policiers à l’hôpital. On sait que par
ailleurs ils ont appelé l'épouse d'Hervé, et sont finalement allés chez
elle pour l'entendre. Quoi qu'il en soit les médecins qui « soignent »
Hervé refusent toujours de rétablir l’alimentation, malgré la demande
expresse de ses parents, et même sous la menace de poursuites et la mise
en évidence de ce qui se trame réellement au CHU de Reims : une
tentative d’assassinat.
Devant l'obstination des médecins, c’est désormais le juge administratif
qui est saisi dans le cadre d’un référé-liberté qui se plaidera à
Châlons-en-Champagne, dès que possible et on espère dès ce vendredi
malgré le pont, afin que toutes mesures soient prises pour sauver la vie
d’Hervé, faire cesser la grave maltraitance dont il est victime,
sauvegarder les droits de sa famille et donner à celle-ci la possibilité
de transférer Hervé dans une structure respectueuse de son droit de
vivre qu’affirment aussi bien la loi Leonetti que le droit européen.
Me Triomphe a rappelé en effet le droit fondamental à la vie qu'affirme
solennellement l'article 2 de la Convention européenne des droits de
l'homme (CEDH). Droit réaffirmé et renforcé par une résolution de
l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, le 25 janvier 2012,
qui affirme :
• L’euthanasie, dans le sens de l'usage de procédés par action ou par omission permettant de provoquer intentionnellement la mort d’une personne dépendante dans l’intérêt allégué de celle-ci, doit toujours être interdite.
• Il ne peut être toléré que des décisions soient prises par une personne subrogée qui se fonde sur des jugements de valeur généraux ; en cas de doute, la décision doit toujours viser à préserver la vie de l’intéressé et à en prolonger la vie.
C'est une très grosse bataille qui se joue actuellement autour de la
personne d'Hervé. Il y faut beaucoup de courage et de constance dans des
circonstances particulièrement douloureuses et choquantes pour la
famille. Il faut que la France en parle.
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