Le lapin de garenne, animal
emblématique de nos campagnes d’autrefois, gibier populaire, a
terriblement régressé, voire parfois disparu selon les localités, durant
la fin du XXe siècle. Disparition surprenante, car c’est une espèce
prolifique, qui s’adapte à la plupart des milieux européens. Mais
certains ont joué les apprentis sorciers avec des épidémies virales…
Par Harold Blanot
La première de ces épidémies, est due à
une intervention humaine, celle du Docteur Armand-Delille. Cet ingénieur
agronome et propriétaire terrien en Eure-et-Loir, en 1953, a
volontairement développé un virus, la myxomatose, afin d’endiguer les
populations de lapin sur son territoire, qu’il jugeait trop importante.
Son initiative eu un vif succès,
car en quelques décennies, la myxomatose fut répandue par d’autres
personnes peu informées ni conscientes de ce geste, dans toute l’Europe,
ravageant les populations de lapin de garenne.
Ce virus, la myxomatose, muta en de
multiples versions, frappant chaque année sur des populations de gibier
déclinantes et de plus en plus faible. Déjà, dans les premières années
de mise en circulation du virus, des voix venant des rangs des chasseurs
s’élevèrent contre ce procédé. Mais les nécessités agricoles d’après
guerre et la nouvelle politique d’agriculture intensive ne se sont pas
préoccupées de ces considérations. D’autant que quelques années après,
un autre virus de la même origine fit son apparition, encore plus
terrible, le VHD (Viral Haemorrhagic Disease). Ces virus offrent des
scènes d’horreurs, où l’on voit des lapins agonisant avec les yeux
rouges (la myxomatose), ou des cadavres de lapins jonchant la campagne,
un filet de sang au nez (le VHD)…
Actuellement, si le lapin de garenne est
encore présent en France, c’est majoritairement grâce aux actions des
chasseurs, qui mènent différentes politiques de gestions, de
réintroductions et d’aménagements en sa faveur. Des politiques de
vaccination ont aussi été mis en place par les chasseurs, mais avec des
vaccins peu efficaces, les virus étant en perpétuelle mutation d’une
année sur l’autre. Mais cela pouvait parfois sauver certaines
populations. Pour revenir au clivage entre monde agricole et monde de la
chasse, on a vu en 2012 un cas ubuesque où un tribunal condamna une
société de chasse qui n’avait pas tué assez de lapins, cause des dégâts
auprès d’un viticulteur local, qui engagea ce recours en justice. Car en
effet, le lapin de garenne génère des dégâts aux cultures (céréalière,
viticoles, arboricoles, maraichères et même forestières), afin de se
nourrir. Et du fait de la flambée des denrées agricoles, ces dégâts de
gibier énervent vite les agriculteurs, déjà vivement agacé par les bien
plus importants dégâts de sangliers et de cervidés.
C’est ainsi, que dans ce contexte, on
apprend récemment qu’après 15 ans de travaux, la Fédération Royale
Espagnole de la Chasse qui a mis au point un vaccin révolutionnaire et
efficace contre la myxomatose et le VHD, s’est vue refusée son
autorisation de mise sur le marché par l’Agence Européenne du
médicament. Ce vaccin, très attendu tant dans le monde de la chasse que
chez les autres défenseurs de la nature, aurait très certainement été la
cible de certains lobbys agricoles et/ou pharmaceutiques. Pourtant, la
Fédération Nationale de la Chasse, via les chasseurs français, avait
récolté un million d’euros pour soutenir l’espèce dans le cadre d’un
programme de connaissance biologique et de gestion. Même le laboratoire
Bioespace dû abandonner ses études sur la question. Et les chercheurs
espagnols, ont avoué du bout des lèvres que les raisons de ce refus
étaient strictement politiques.
Parallèlement à ces maladies que nous
refusons d’éradiquer pour des raisons politiques et économiques
agricoles, le lapin de garenne souffre d’autres maux : destruction de
son habitat par remembrement des parcelles agricoles et par l’arrachage
des haies, pour optimiser la surface cultivable ; destruction des bandes
d’herbe, retournement des sols en hiver et autres raréfaction des
sources de nourriture, l’obligeant ainsi à se nourrir de fait dans les
cultures agricoles. Sans compter un classement juridique aberrant, à la
fois Res Nullus et Res Propria, ce qui contrairement au grand gibier,
permet de gérer les dossiers de dégâts par une simple saisine au
tribunal, permettant d’obtenir des mesures de destruction. Donc, le
lapin doit sa survie aux actions des chasseurs par une stricte
modération des prélèvements en général, doublée d’une bonne régulation
des prédateurs, et d’aménagements divers (plantation de cultures
céréalière destinée à la faune, etc.). Mais pour combien de temps encore
? La disparition du lapin serait terrible, c’est un maillon élémentaire
de la chaine alimentaire de la faune.
Ce cas d’action de lobbying est
exemplaire : le monde de la chasse, divisé, peu représenté et faisant
face à de multiples détracteurs dont beaucoup auraient pu être des
alliés dans ce cas (les écologistes), n’a pas été en mesure de faire le
poids devant un adversaire certes gigantesque, mais parlant d’une seule
voix.
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