Le Figaro Magazine - 03/05/2013
Il fut l'historien de l'échec de l'idée révolutionnaire.
Fin 1988, Bernard Pivot recevait François Furet à la télévision. Nous étions à la veille du bicentenaire de la Révolution. Confessant s’intéresser à la question depuis la troisième ou la seconde, l’historien dressait ce constat : « Le sujet central de mon existence intellectuelle, c’est la Révolution. » Une assertion qui se vérifie dans l’essai biographique que lui consacre Christophe Prochasson.
Né dans un milieu bourgeois, François Furet adhère au parti communiste en 1949, et le quittera en 1956, après la révolte de Budapest. Agrégé d’histoire, directeur d’études à l’École pratique des hautes études, il se spécialise dans la Révolution française à une époque où les études dans ce domaine sont dominées par le marxisme. En 1965, avec Denis Richet, Furet publie La Révolution française, livre qui fait scandale parce qu’il ose remettre en cause le « catéchisme révolutionnaire » façon Albert Soboul, récusant notamment la Terreur, qu’il était encore convenu de justifier à gauche. En 1978, nouveau coup d’éclat : dans Penser la Révolution française, Furet expose avec sympathie les interprétations hostiles à 1793 que l’on trouve chez Tocqueville, Taine, Quinet et Cochin. En 1988, dans son Dictionnaire critique de la Révolution française, coécrit avec Mona Ozouf, il évacue la notion de « dérapage », qu’il utilisait naguère pour qualifier le passage de la révolution libérale à la Terreur, observant qu’une logique terroriste se manifeste, chez certains révolutionnaires, dès 1789 : « Le répertoire politique de la Révolution, souligne Furet, n’a jamais ouvert la moindre place à l’expression légale du désaccord. »
L’historien sera encore l’auteur, en 1995, d’un ouvrage fondamental, Le Passé d’une illusion, réflexion sur la séduction que le communisme exerça pendant plus d’un demi-siècle en France. Là est, selon Christophe Prochasson, l’origine de la « mélancolie » de François Furet. Passé du marxisme au libéralisme, resté admirateur de 1789, l’historien buta toute sa vie sur l’explication profonde de la folie dévastatrice de 1793, folie resurgie avec le communisme en 1917 et qui manifeste, au fond, l’échec de l’idée de révolution, au sens de l’impossible avènement d’un monde nouveau.
Jean Sévillia http://www.jeansevillia.com
François Furet. Les chemins de la mélancolie, de Christophe Prochasson, Stock, 558 p., 24 €.
Il fut l'historien de l'échec de l'idée révolutionnaire.
Fin 1988, Bernard Pivot recevait François Furet à la télévision. Nous étions à la veille du bicentenaire de la Révolution. Confessant s’intéresser à la question depuis la troisième ou la seconde, l’historien dressait ce constat : « Le sujet central de mon existence intellectuelle, c’est la Révolution. » Une assertion qui se vérifie dans l’essai biographique que lui consacre Christophe Prochasson.
Né dans un milieu bourgeois, François Furet adhère au parti communiste en 1949, et le quittera en 1956, après la révolte de Budapest. Agrégé d’histoire, directeur d’études à l’École pratique des hautes études, il se spécialise dans la Révolution française à une époque où les études dans ce domaine sont dominées par le marxisme. En 1965, avec Denis Richet, Furet publie La Révolution française, livre qui fait scandale parce qu’il ose remettre en cause le « catéchisme révolutionnaire » façon Albert Soboul, récusant notamment la Terreur, qu’il était encore convenu de justifier à gauche. En 1978, nouveau coup d’éclat : dans Penser la Révolution française, Furet expose avec sympathie les interprétations hostiles à 1793 que l’on trouve chez Tocqueville, Taine, Quinet et Cochin. En 1988, dans son Dictionnaire critique de la Révolution française, coécrit avec Mona Ozouf, il évacue la notion de « dérapage », qu’il utilisait naguère pour qualifier le passage de la révolution libérale à la Terreur, observant qu’une logique terroriste se manifeste, chez certains révolutionnaires, dès 1789 : « Le répertoire politique de la Révolution, souligne Furet, n’a jamais ouvert la moindre place à l’expression légale du désaccord. »
L’historien sera encore l’auteur, en 1995, d’un ouvrage fondamental, Le Passé d’une illusion, réflexion sur la séduction que le communisme exerça pendant plus d’un demi-siècle en France. Là est, selon Christophe Prochasson, l’origine de la « mélancolie » de François Furet. Passé du marxisme au libéralisme, resté admirateur de 1789, l’historien buta toute sa vie sur l’explication profonde de la folie dévastatrice de 1793, folie resurgie avec le communisme en 1917 et qui manifeste, au fond, l’échec de l’idée de révolution, au sens de l’impossible avènement d’un monde nouveau.
Jean Sévillia http://www.jeansevillia.com
François Furet. Les chemins de la mélancolie, de Christophe Prochasson, Stock, 558 p., 24 €.
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