L’avocat
auteur de cet article, Maître Yves Abram, détaille ici l’aspect
juridique de la plainte de Xavier Kemlin contre Valérie Trierweiler pour
abus de biens sociaux. Si elle aboutit, elle pourrait déboucher tout
simplement sur la destitution de François Hollande.
Je
me verrais bien à l’Élysée pour deux quinquennat », déclarait Valérie
Trierweiler sur les antennes de RTL au journal de 7h30 le 21 novembre
2011. L’élection de François Hollande à la présidence de la république a
réalisé ce souhait, mais à quel titre ?
Depuis
la naissance de la IIIe République, 23 femmes ont été appelées «
première dame de France » ; à la différence de Madame Valérie
Trierweiler, elles étaient chacune l’épouse légitime du président ;
cette qualité assurait un lien de droit (celui du mariage) entre elles
et le président de la République, à défaut d’une reconnaissance autonome
fondée sur un autre texte juridique.¢
En
effet la conjointe du président de la République n’a jamais eu
juridiquement ou légalement de fonctions officielles au cours des
troisième, quatrième ou Ve République. Seule une tradition
ininterrompue, et qui s’est renforcée au cours de la cinquième
République, lui reconnait une capacité de représenter son mari sur le
plan protocolaire ou en matière sociale.
En
aucun cas elle ne saurait disposer de pouvoirs autonomes. Son influence
ne peut être qu’indirecte et le coût de sa présence (qui va bien
au-delà de celui indiqué dans une réponse ministérielle publiée au J.O.
le 30 avril 2013) se confond et s’impute sur les dépenses du président
lui-même, affectées au budget de l’Élysée.
Cette situation a amené un citoyen à porter plainte contre Valérie Treiweiler pour recel de détournement de fonds. (1)
Au-delà des prises de position politiques que suscite cette controverse, il semble nécessaire de bien distinguer deux problèmes distincts qu’elle soulève :
D’une
part elle pose la question de la place du conjoint(e) du président de
la République ; cette question a déjà suscité plusieurs propositions et
il n’est pas impossible qu’elle fasse l’objet de dispositions juridiques
dans le cadre d’une révision constitutionnelle ou d’un aménagement des
dispositions existantes.
D’autre part et surtout elle soulève la question du titre de « première dame de France ».
L’article premier de notre Constitution rappelle que «…
Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les
distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune.
»
À
la différence du mariage et du pacte d’union civile qui supposent une
démarche volontaire impliquant non seulement le partenaire mais
également la société, la relation de concubinage reste exclusivement
régie par la libre volonté des partenaires et n’a été introduite dans le
code civil que par souci de permettre la reconnaissance sociale de
l’homosexualité.
Il
est dans la nature et le fondement des relations sociales que droits et
obligations soient associés et que l’on ne puisse se prévaloir des uns
sans s’acquitter des autres. Au regard de ce principe il est
compréhensible de contester un titre qui ne s’autorise que d’un choix
individuel, qui ne concerne que la sphère privée, et dont la légitimité
ne suppose pas un lien juridique minimum avec la société et les
citoyens comme le Pacs ou le mariage. La situation contraire (et
actuelle) permet d’imaginer toutes les dérives possibles en fonction des
aléas de la vie sentimentale et strictement privée.
Paradoxalement
le concubinage, défini comme « une union de fait caractérisé par une
vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre
deux personnes de sexe différent ou de même sexe qui vivent en couple
(article 515-8 du code civil)» comporte des obligations au regard
notamment du droit fiscal. En effet, l’article 885 E du code général des impôts oblige à faire masse commune de l’ensemble des biens appartenant à des concubins lorsque le concubinage est notoire.
L’auteur
de la plainte déposée et plusieurs témoignages publiés dans la presse
ou sur Internet affirment que tel n’a pas été le cas en ce qui concerne
François Hollande et Madame Trierweiler, cette circonstance affectant
également la déclaration à laquelle était astreint le candidat, telle
qu’elle est prévue par l’article LO135 – 1 du code électoral (on peut en
prendre connaissance au journal officiel du 11 mai 2012 p.9000).
Cette
situation, si elle était confirmée, serait susceptible de remettre en
cause la légitimité de l’élection présidentielle, sans préjudice des
sanctions prévues par ailleurs.¢
(1)
on peut émettre des réserves sur la qualification retenue par le
plaignant, celle d’abus de bien social ou d’abus de pouvoir pouvant
paraître plus adaptée.
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