On
avait autrefois, sous la IVe, l’habitude de railler le président du
Conseil, tout juste bon à « inaugurer les chrysanthèmes ». Aujourd’hui,
c’est encore mieux : nos politiques ne se contentent pas de les
inaugurer, ils les plantent !
L’État peut tout, l’État est notre
mère. À son sein nous tétons, dans ses bras nous pleurons, sur son
paillasson nous trépignons… Il y en a même parfois qui font popo dans
ses bureaux. Et l’État nous écoute, nous berce et nous console. Les
ministres et le Président n’ont plus une minute à eux et plus une minute
pour gouverner, happés qu’ils sont par leur course effrénée d’un
sinistre à l’autre : une salmonelle dans le pâté de tête ? Le ministre
de la Santé est là dans l’instant, sa charlotte sur le crâne. Un
accident d’autocar sur l’autoroute ? C’est le Premier ministre en
personne qui s’y colle avec le ministre du Tourisme, et si d’aventure un
camion de sardines portugaises est de la partie, on voit débarquer le
Commerce et les Affaires étrangères. Un malade d’Alzheimer échappé de sa
maison de retraite ? C’est le ministre des Personnes âgée qui
entreprend les recherches. La tempête en hiver ? Revoilà Manuel Valls.
C’est
ainsi que le ministre de l’Intérieur a chaussé jeudi ses grandes bottes
de caoutchouc pour aller rendre visite aux commerçants de Quimperlé
inondés par la grosse vague d’hiver. Il a froncé son sourcil noir et,
serrant contre lui le col de son manteau, il a avoué : « Il y a eu sans
aucun doute une erreur d’appréciation. » Ben oui, la mer n’avait pas
communiqué la hauteur des vagues avant de passer à l’assaut. On nous
annonçait 2,40 m, on a eu 2,57 m, dit le maire de Guipry en regardant
monter la Vilaine. Résultat : alerte orange et pas alerte rouge. C’est
bête, tout de même. Vous voulez mon avis ? Les préfets du Finistère et
du Morbihan devraient commencer à faire leurs valises.
Au moins, à
Paris, on avait fermé les parcs et jardins. Des fois que les embruns
auraient remonté la Seine. À trois mois des élections municipales, on
n’est jamais trop prudent.
La France a la trouille et le
gouvernement a peur de la France. Il y a un paquet d’années que ça dure,
et ça ne fait qu’empirer. C’est bien simple, la surenchère émotionnelle
est telle qu’on a dû inventer de nouveaux mots. Rien n’est plus
émouvant, tout est « émotionnant », mélange de commotion et
d’émulsifiant sans doute, pour désigner ce qui nous brasse et nous
remue. Comme les paquets d’autrefois, notre pays est « en souffrance »,
courant de sinistres en cérémonies du souvenir, de repentance en
commémorations.
La
France a le cœur gros comme ça. C’est la raison pour laquelle notre
Président nous précipite, sans demander l’avis de quiconque, dans des
guerres humanitaires. Et dès qu’un pauvre soldat se fait tirer comme un
lapin par un « terroriste » du bout du monde, lorsqu’il tombe au combat
non pour son pays mais pour un autre, on lui offre le grand jeu. Défilé
sur le pont Alexandre-III et remise de médailles par le Président dans
la cour des Invalides. C’est ce que l’on offrait autrefois, à titre
d’exception, aux héros de la nation.
Alors si un jour – Dieu nous
en garde – on a même le centième des morts de la guerre de 1914, morts
réellement pour la France ceux-là, le Président leur rendra-t-il un à un
les honneurs ?
Marie Delarue dan Boulevard Voltaire
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