Aux Pays-Bas, ce n'est pas tant le caractère définitif (et homicide) de
l'euthanasie qui fait actuellement hésiter un nombre croissant de
médecins de famille au seuil de l'administration de la piqûre létale,
que la peur du gendarme. Qui est donc coupable de cet état de fait qui
inquiète les responsables de la clinique de fin de vie ouverte
au printemps de 2012 ? Eh bien, c'est l'inspection des services de
santé, qui a « surréagi » dans l'affaire du médecin de Tuitjenhorn, Nico
Tromp, accusé d'avoir procédé à une euthanasie illégale, soumis à une
enquête diligentée par le ministère public et qui s'est finalement suicidé en octobre.
Le quotidien de gauche Het Parool rapporte aujourd'hui que de
nombreux médecins qui pratiquaient des euthanasies sans états d'âme sont
aujourd'hui plus « timorés », citant que cas d'un généraliste qui avait
quasiment bouclé la procédure au « bénéfice » d'un de ses patients et
qui, au bout du compte, n'a pas eu le « cran » de pratiquer le geste
lui-même. Inquiet à l'idée de s'exposer à d'éventuelles poursuites
judiciaires, il avait renvoyé le malade vers la clinique de fin de vie
et c'est l'un des trente médecins faisant partie des équipes volantes de
cette dernière qui a administré la mort.
Le directeur de la clinique, Steven Pleiter, s'en irrite. Tous les
critères de l'euthanasie légale avaient été respectés dans ce cas
précis, explique-t-il. Il était donc inutile de s'en remettre aux
services de la clinique basée à La Haye.
Une dérive qui se constate dans la nature des renvois de plus en
plus fréquents vers les spécialistes de l'euthanasie (ou les escadrons
de la mort, si vous préférez) : de 4 % de malades en phase terminale de
cancer parmi la « clientèle », la première année, on est passé à 12 %
désormais, alors même que l'euthanasie est facilement acceptée par les
médecins dans ce cas.
« Nous craignons que les médecins de famille ne trouvent cela finalement
plus facile de renvoyer ces cas vers nous, ça leur évite d'avoir à
faire l'euthanasie eux-mêmes », souligne un porte-parole de la clinique
de fin de vie (Levenseindekliniek). « Cela nous contrarie. Nous existons
précisément pour venir en aide aux cas plus complexes : les personnes
souffrant de démence ou d'une maladie qui n'est pas immédiatement
terminale, comme la maladie de Charcot ou la sclérose en plaques, ou
encore les personnes souffrant d'une affection psychiatrique ou qui
estiment avoir achevé leur vie. »
Est-ce à dire que la clinique de fin de vie se spécialise dans les cas
litigieux, afin de contourner la loi ou de rendre ses critères plus
souples ? Cela paraît assez évident…
Du côté des médecins généralistes, on se lamente aussi. Bart Meijman,
président du Cercle des médecins de famille d'Amsterdam, n'est pas
étonné de voir les renvois se multiplier. « Les médecins qui sont un peu
moins sûrs d'eux, qui iront plus facilement rechercher un soutien dans
les directives officielles, sont devenus plus craintifs. Il faut espérer
que cela se tasse… » Pour cela, il faut que l'inspection des services
de santé cessent d'affoler les médecins en transmettant les affaires au
procureur sans les entendre, au risque de faire envoyer « quinze hommes
de la police judicaire devant leur porte d'entrée ».
La certitude de l'impunité est décidément un puissant moteur de la culture de mort !
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