Ancien cadre supérieur puis entrepreneur dans le secteur des nouvelles technologies, Piero San Giorgio (photo)
a fait une arrivée éditoriale remarquée à l’automne 2011 avec la
publication de son premier ouvrage “Survivre à l’effondrement
économique”. Le titre, qui a remporté un grand succès, a fortement
contribué au développement des préoccupations survivalistes et à leur
couverture médiatique. Après un deuxième titre “Rues Barbares, survivre
en ville” publié en décembre 2012, Piero San Giorgio vient de débuter il
y a quelques jours une nouvelle expérience.
Propos recueillis par Pierre Saint-Servant
Comment un cadre dirigeant parfaitement intégré
professionnellement à la superclasse mondialisée se retrouve un jour
frappé par “le monde tel qu’il ne va pas” et s’interroge sur
“l’effondrement qui vient” ?
C’est le cumul d’expériences et de ressentis personnels. D’une part
j’ai eu la chance de beaucoup voyager, notamment en Afrique, et de voir
la réalité de notre monde : la surpopulation, les vagues migratoires,
l’urbanisme dément, la consommation énergétique… Et d’autre part, je
suis féru d’histoire et les effondrements économiques, civilisationnels,
etc… sont relativement fréquents et sont passionnants, même si
tragiques. Enfin, ma curiosité à essayer de comprendre le « comment ça
marche » de notre monde moderne m’a fait prendre conscience que nous
sommes au cœur d’une convergence de tendances lourdes aux conséquences
catastrophiques : surpopulation, tarissement des ressources naturelles
notamment pétrole et minerai, surexploitation et pollution de nos
écosystèmes notamment pénuries des sols fertiles et de l’eau potable,
économies globalisées et financiarisées, crise structurelle du chômage
avec perte de valeurs morales en Occident … La liste est longue et tout
nous amène à rendre très fragile et imprévisible un système économique
déjà trop complexe et en perte de contrôle.
Bien que cadre supérieur, je n’étais qu’un tout petit rouage dans la
machine. Malgré un bon salaire – qui parfois me manque, je l’avoue – je
n’avais rien pour m’en sortir réellement, si l’effondrement de notre
système arrivait, comme je pense qu’il arrive dans la décennie.
Depuis 2011, ce que vous observez corrobore-t-il vos prévisions ?
Que la crise, commencée en 2007-2008 persiste et dure, malgré tous
les plans de « relance » et les injections de liquidités dans le système
financier. L’économie réelle reste stagnante un peu partout dans le
monde, à part quelques exceptions comme certains pays d’Europe
Orientale, dont la Russie notamment, et d’Asie, dont la Chine, mais dans
l’ensemble rien n’est fait pour changer les mouvements de fond. Bien
peu de ressources sont investies dans les énergies renouvelables, dans
le localisme, dans la lutte contre la natalité galopante des pays les
plus pauvres… Les hommes et femmes politiques de l’Occident ne sont
préoccupés que par leurs petites affaires et leur réélection, à plaire à
leurs « maîtres » qui ne sont pas le peuple, déchu de sa souveraineté
théorique, comme le montre le fonctionnement totalitaire de l’Union
Européenne ou Etats-Unis. Deux entités qui n’ont plus rien à envier dans
le fonctionnement de leurs institutions à l’ex RDA, ou à la Bulgarie
communiste, la morale en moins !
Certains reprochent, peut-être à raison, un discours égoïste
et anxiogène chez certains survivalistes. Vol West avec lequel vous avez
co-écrit votre deuxième livre, préfère pour cela insister sur les
“petites crises” que nous pouvons rencontrer dans notre quotidien et
utiliser le terme de “prepper”, qu’en pensez-vous ?
Sans doute certains comprennent mal le discours ou sont-ils
programmés par une sorte d’altruisme malsain de notre monde moderne où
il faut croire que c’est le rôle de l’Etat de sauver tout le monde, tout
le temps. Les personnes qui, au contraire, pensent qu’être un adulte et
un citoyen responsable c’est tendre à l’autonomie et à l’indépendance
vis-à-vis des systèmes et des infrastructures de support, pensent qu’il
faut d’abord pouvoir compter sur soi-même au lieu de devenir un problème
pour la société.
Ensuite, une personne prête, capable de tenir le coup en cas de
crise, peut venir en aide aux démunis. C’est donc tout le contraire d’un
égoïsme. Charité bien ordonnée commence par soi-même. C’est vrai que si
mon premier livre parle de problèmes macro-économiques et en donne des
solutions “stratégiques”, quelqu’un comme Vol West parlent sur son blog
(lesurvivaliste.blogspot.ch) de “tactique” et c’est donc tout
naturellement que nous avons co-écrit un livre sur la survie dans la
ville, environnement bien plus difficile en cas de “rupture” de
normalité.
Vous avez fait le choix de rendre publique votre propre
préparation et donc de vous exposer médiatiquement. Dans quel état
d’esprit avez-vous fait ce choix ?
Mon état d’esprit est celui d’aider le maximum de gens à prendre
conscience. C’est une démarche qui n’est pas altruiste en réalité : plus
les gens se préparent, plus on mitige les effets et les conséquences
d’une crise, et donc moins il y aura de chaos à gérer… donc cela est bon
pour moi ! Après, c’est certain que lorsque l’on ne crie pas avec les
loups que “tout va très bien madame la marquise…” on s’expose aux
idéologues, aux médias dominants, au pouvoir en place. C’est tout à fait
acceptable pour moi. J’ai la peau dure, notamment grâce à mon métier
précédent dans le marketing.
Votre premier livre a rencontré un succès réel, ce qui est assez rare dans l’édition de ce type d’ouvrages, comment expliquez-vous cette réussite ?
Probablement que le temps pour ce livre était venu. Les gens croient de moins en moins à ce qu’ils entendent, voient ou lisent dans les grands médias, dont l’audience ne cesse de décroître. Il y a également une vraie défiance vis-à-vis de la classe politique. Les gens sentent dans leur portefeuille et dans leur chair que la crise les affecte eux, en premier, et non les membres de l’hyperclasse. Ils sont pris dans leur quotidien, ils sont tendus, ils ont peur mais n’arrivent pas à comprendre, à synthétiser la cause de tous ces problèmes. Ce livre leur donne cette synthèse, mais aussi et surtout des solutions au niveau individuel, des choses réalisables, pas des « plans sur la comète ». Je crois que le succès de ce livre n’en est qu’à son début, car aucun – AUCUN – grand média n’en a parlé en France. Le livre sort aux Etats-Unis en ce moment et sortira aussi en Italie dans le courant de l’année, et j’espère dans d’autres langues également.
Votre premier livre a rencontré un succès réel, ce qui est assez rare dans l’édition de ce type d’ouvrages, comment expliquez-vous cette réussite ?
Probablement que le temps pour ce livre était venu. Les gens croient de moins en moins à ce qu’ils entendent, voient ou lisent dans les grands médias, dont l’audience ne cesse de décroître. Il y a également une vraie défiance vis-à-vis de la classe politique. Les gens sentent dans leur portefeuille et dans leur chair que la crise les affecte eux, en premier, et non les membres de l’hyperclasse. Ils sont pris dans leur quotidien, ils sont tendus, ils ont peur mais n’arrivent pas à comprendre, à synthétiser la cause de tous ces problèmes. Ce livre leur donne cette synthèse, mais aussi et surtout des solutions au niveau individuel, des choses réalisables, pas des « plans sur la comète ». Je crois que le succès de ce livre n’en est qu’à son début, car aucun – AUCUN – grand média n’en a parlé en France. Le livre sort aux Etats-Unis en ce moment et sortira aussi en Italie dans le courant de l’année, et j’espère dans d’autres langues également.
Dans la suite de “Survivre”, vous avez publié “Rues
barbares”. Qu’est ce qui a suscité ce deuxième projet ? Quelle est la
spécificité de cet ouvrage ?
Je souhaitais écrire un livre qui aille plus loin et plus dans le
détail quant à l’environnement urbain, où la plupart des gens habitent.
Or, j’ai quitté la ville pour m’établir en montagne, et j’ai proposé à
Vol West, qui à longtemps vécu à Los Angeles de coécrire ce livre.
Ensemble nous avons traité des problématiques spécifiques à la ville en
cas de crise – coupures d’eau ou d’électricité, en cas de rupture des
chaînes logistiques (les légumes ne poussent pas dans les supermarchés),
de criminalité, etc. De plus, nous en avons profité pour étudier dans
le détail les outils et démarches que chacun peut faire pour améliorer
son autonomie, sa résilience en cas de crise.
Concentrons-nous quelques instants sur la convergence des crises actuelle, quoi de neuf sur le plan économico-financier ?
Tout empire. La machine s’affole et l’on sent que nos gouvernants
« gagnent du temps » en imprimant de la monnaie fiduciaire et en
l’injectant dans le système boursier et financier. Ils espèrent que par
miracle – car ce n’est certainement pas par l’austérité que cela
arrivera – la croissance revienne. Or, si l’on regarde au-delà des
chiffres aussi maquillés qu’une vieille prostituée de 70 ans, il n’y a
pas de croissance. Or, sans croissance, tout s’effondre. Mais il ne peut
y avoir de croissance infinie dans un monde où les ressources sont,
elles, finies, c’est à dire, limitées physiquement.
On constate également un déclin réel de la puissance américaine, qui
ne peut même plus lancer des attaques directes contre des pays du
tiers-monde pour le contrôle de ressources stratégiques, mais qui
finance, avec son vassal, l’Union Européenne, des déstabilisations
meurtrières, en Libye, en Syrie, en Afrique sahélienne, en Ukraine.
C’est à la fois irresponsable et très dangereux, car ces crises, ces
déstabilisations, peuvent précipiter l’effondrement dont je parle dans
mon livre, voire se transformer en guerre.
Quant à l’insécurité et aux tensions multi-ethniques, la situation ne semble pas s’améliorer…
En temps “normal”, lorsque tout va bien, les sociétés
multiculturelles peuvent exister soit en vivant côte-à-côte, comme c’est
le cas dans le modèle anglo-saxon, soit à coup de subventions et de
manipulation émotionnelle comme c’est le cas en France. En cas de crise
lourde, quand les estomacs sont vides, les sociétés multiculturelles et
multi-ethniques rentrent rapidement dans un scenario “à la rwandaise”.
Ce n’est pas ce que je souhaite, mais c’est ce que l’histoire nous
montre. L’insécurité et la criminalité que nous constatons ces dernières
années n’en sont que le prémices.
Il y a une “coagulation” intéressante en cours de formation :
celle d’un regain populiste qui manifeste une volonté de reprendre “son
destin en main” et l’engouement pour la quête d’autonomie, le
“prepping”. Le survivalisme semble, en ce sens, dépasser largement sa
dimension technique pour s’inscrire dans un vrai courant d’évolution des
modes de vie, un virage métapolitique. Confirmez-vous cette analyse ?
Oui, un changement certain est en cours, surtout si l’on inclut dans
cette prise de conscience les médecines alternatives et naturelles, la
capacité d’auto-information grâce à internet. Mais restons modestes et
réalistes, si chez les jeunes une grande partie a compris qu’il y a pas
de solutions à attendre d’un système corrompu et corrupteur, la majorité
de la population reste enfermée dans un modèle consumériste, aliénant,
abrutissant, déresponsabilisé et décérébrant. L’immense majorité pense
que tout ira toujours bien. J’espère qu’ils ont raison, mais l’histoire
nous démontre que les crises ne se terminent jamais bien.
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