vendredi 11 mars 2016

Nos gouvernants vont perdre l’Europe… et leur pouvoir

Le jeu européen s’achève. La « construction européenne » consensuelle marchait sur ses deux pieds. L’un d’eux faisait semblant d’être à gauche et l’autre prétendait être modérément à droite. Les pays étaient tous dirigés par l’un puis par l’autre en alternance. De même, les deux formations qui dominaient le « Parlement européen » étaient la social-démocratie et le Parti populaire européen. L’Histoire et la culture propres à chaque pays, le mode de scrutin aussi introduisaient quelques nuances nationales. Pour les admirateurs fascinés du modèle américain, nous avions quand même nos démocrates et nos républicains dans une Europe fédérale, ouverte et multiculturelle… Disons-le : c’est raté ! Les cartes se redistribuent !
Comme la belle construction et ses ballets de technocrates ne maîtrisent pas les problèmes des Européens, ceux-ci rejettent en masse le système. L’eldorado promis a laissé place à la rigueur budgétaire et à la croissance atone. Les maillons faibles ont cédé, comme la Grèce, l’Irlande ou l’Espagne. L’euro qui devait faciliter la péréquation a accentué les inégalités. L’espace Schengen a fait de l’Europe une passoire, un terrain vague et de non-droit. Bref, l’Europe promettait de l’or et elle nous plombe !
Alors, les Européens y croient de moins en moins et expriment cette défiance par des votes qui rendent les pays européens de moins en moins gouvernables, ou de moins en moins favorables à l’Europe. Les uns, comme les Britanniques, ont envie de partir. Les autres connaissent des lendemains d’élections difficiles. Ni l’Espagne ni l’Irlande ni la Slovaquie n’ont, aujourd’hui, des majorités claires pour gouverner. La Belgique a un gouvernement baroque présidé par un libéral wallon, minoritaire une fois comme wallon, et une autre comme libéral ! De manière générale, les partis du centre droit et du centre gauche, pro-européens, sont débordés par une extrême gauche qui renoue avec l’anticapitalisme et une extrême droite nationaliste qui remettent en cause l’Europe de la circulation des biens, des capitaux et des personnes, les uns au nom de l’égalité, les autres au nom de l’identité.

Les indépendantismes régionaux profitent de cet affaiblissement des États. En Grèce, c’est un cocktail d’extrême gauche avec une rondelle de souverainisme qui gouverne sous la tente à oxygène des crédits. Au Portugal, c’est à gauche toute. Dans les quatre pays de Visegrád, l’opposition résolue à Schengen se traduit par une montée de la droite souverainiste. En France, le gouvernement ne représente plus qu’une petite minorité des Français. Le mode de scrutin et les arrangements entre amis maintiennent une partie croissante des Français, eurosceptiques, à l’écart du pouvoir. Cela ne pourra durer sans dommage pour la démocratie.
La fuite en avant, sans doute la manière la plus stupide de gouverner, caractérise aujourd’hui la ligne suivie par le tandem socialo-libéral qui dirige encore à Bruxelles. L’euro est un échec. Tout doit être fait pour le maintenir, y compris par la souffrance des peuples. Elle serait pire si on l’abandonnait. Schengen est un échec. Tout doit être fait pour sauvegarder l’ouverture des frontières intérieures européennes, sans laquelle la construction européenne s’effondrerait.
À force de vouloir l’Europe à tout prix parce qu’elle est la condition de leur pouvoir, nos gouvernants vont perdre l’Europe, et leur pouvoir. Un tel aveuglement ne peut que conduire à une crise et à des changements radicaux.
Christian Vanneste :: lien

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