Jean Rochefort s’en est allé comme il avait vécu, dans l’esprit et l’élégance. Omar Sy est arrivé, dans l’insulte et dans l’outrance. Promotion de son dernier film oblige, il est revenu des États-Unis pour nous vendre l’ânerie du moment : Knock, sinistre pochade de la cinéaste Lorraine Lévy qui doit faire se retourner le pauvre Jules Romains dans sa tombe.
Notre époque n’a que ce qu’elle produit, si ce n’est ce qu’elle mérite, à savoir des artistes incultes qui, privés d’imagination, réinterprètent à leur sauce des classiques dont l’intelligence et la saveur leur ont totalement échappé.
Oma Sy est devenu Knock sans connaître ni Knock ni Jules Romains, et sans doute pas, non plus, Louis Jouvet qui en fut le génial interprète. On lui pardonnerait s’il était resté à sa place d’acteur au lieu de devenir un minable donneur de leçons de vie doublé d’un pleutre… En effet, remis vertement à sa place par Éric Zemmour qu’il avait grossièrement insulté sur Europe 1, le traitant de « criminel », Omar Sy s’en est vite retourné pleurnicher dans le giron d’Hollywood, abandonnant en rase campagne la promo de son navet. Il a eu peur, peur de se frotter aux mots qui ont un sens, à la culture politique, peur de la dialectique, la vraie, au-delà du bla-bla convenu.
Comme on le craignait (en vérité, on s’en fout totalement), ce Knock est un navet. Une grosse daube. Pire : une insulte à l’œuvre de Jules Romains, cette peinture de mœurs tout en subtilité.
Lorraine Lévy n’est pas la première à commettre ce genre de crime. On a déjà vu cela. Deux exemples me viennent à l’esprit.
Boudu, pour commencer. Tourné par Jean Renoir en 1932, Boudu sauvé des eaux est l’histoire d’un clochard anar et cynique qui sème la révolution dans la famille qui l’a sauvé de la noyade. En 2004, Gérard Jugnot en fait un saint homme dans la carcasse de Depardieu, parce que dans son monde de Bisounours, on ne saurait être à la fois pauvre et méchant.
Mais il y a pire, en 2004 encore. C’est la trahison suprême du roman Vipère au poing d’Hervé Bazin. Folcoche, cette mère monstrueuse (si magistralement interprétée par Alice Sapritch en 1971), connaît sous la caméra de Philippe de Broca une rédemption en forme de « happy end ». C’est que la mère – ici Catherine Frot – est forcément un être aimant, elle aussi, une pauvre victime des hommes et du système, alors le cinéaste décide de la réconcilier avec son fils ! Pauvre Bazin.
Dans la même veine, Lorraine Lévy a fait un Knock à la sauce neuneu-gnangnan, hommage aux actuels balivernes et autres fadaises sur le vivre ensemble. Et, pour une fois, les avis sont unanimes : c’est nul !
Jusqu’au critique de La Croix, Jean-Claude Raspiengeas, qui en oublie sa charité chrétienne pour déverser ce qu’il a sur le cœur. « Ce Knock version 2017 est un film rongé par sa bêtise, sa laideur amidonnée, ses bons sentiments », écrit-il, plaignant « la brochette d’excellents acteurs […] d’être allés se commettre dans pareil nanar ».
La cinéaste se défend, plaide sa cause, dit avoir « voulu faire un film solaire, ludique, avec un héros fragile, faillible, humain ». Elle aurait pu ajouter « et issu de la diversité », comble de l’anachronisme dans la France rurale de 1923 ! Qu’importe, la démarche est stupide et indéfendable. Et comme l’écrit Jean-Claude Raspiengeas, à quoi bon vouloir faire un remake, si c’est pour dénaturer le propos, y plaquer des dialogues stupides, sacrifier à la vulgarité (la femme du pharmacien érotomane…) ? Dès la première séquence, on comprend que c’est mal parti. Le malaise ne fait que grossir pendant cette panouille interminable, d’une niaiserie confondante. »
Bref, c’est à ne surtout pas voir !
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