mardi 29 janvier 2019

La double affaire Chantal Jouanno

6a00d8341c715453ef022ad3b8d364200d-320wi.jpgComme trop souvent dans ce qui tient lieu de démocratie, terme qu'on identifie en occident, depuis quelque 2 500 ans à la libre confrontation des points de vue, dans notre pays, l'arbre cache la forêt.
Le fait même, peut-être, que nous confondions représentation nationale, consentement des contribuables à l'impôt, gouvernement du peuple et souveraineté de l'opinion, permet aux manipulateurs du sentiment public d'imposer leurs vues. Et trop souvent, leurs intérêts.
Quel arbre, dans ce qui pourrait être appelé l'affaire Chantal Jouanno, cache ainsi quelle forêt ?
Une première information a conduit à son retraite en tant qu'organisatrice du grand débat national imaginé par l'Élysée pour répondre à la crise des gilets jaunes. La rémunération de la présidente de la CNDP, Commission nationale du débat public, a été révélée inopinément. Elle a immédiatement été jugée fort élevée, et ressentie pratiquement pour disqualifiante, à hauteur de 14 666 euros bruts, avant impôts et charges sociales. Cette somme, qui peut paraître quelque peu excessive aux yeux du plus grand nombre, a pourtant été fixée par l'État.
Dans un pays qui crève d'égalitarisme, cela fait scandale et semble justifier qu'elle renonce au rôle que son organisme exerce dans de nombreux dossiers techniques très sérieux et, disons-le, autrement plus importants, en fait, pour l'avenir du pays tels que les tracés des autoroutes ou des voies de chemin de fer.

Étrangement quelques jours plus tard on découvre que le sacro-saint Défenseur des Droits, le Toubon, dont le rôle et les interventions mériteraient sans doute un examen critique légitime, touche, pour sa modeste part, environ le double. Mais personne n'envisage de demander ni la révision à la baisse de ses émoluments, ni qu’il restitue un quelconque trop perçu, ni, encore moins qu'il déguerpisse. Issu des réseaux chiraquiens, voilà un personnage au-dessus de toute contestation. Remarquez d'ailleurs combien les produits de ce sérail si funeste et si médiocre, font encore partie des personnalités que l'on nous présente comme les plus aimées des Français entre Omar Sy et Jean-Jacques Goldman.
Les sinécures trop bien payées abondent encore en notre république. Et cette plaie ne concerne pas particulièrement la CNDP. On pourrait se demander, par exemple, si ce qu'on appelle l'audiovisuel public en est exempt, avec un budget de 4,5 milliards d'euros que personne n'envisage de revoir à la baisse. Cette situation archaïque d'ensemble, celle des emplois dits publics, que la Constitution réserve au bon vouloir du prince, semble à comparer avec celle de la période de transition 1815-1834 en Angleterre, c'est-à-dire avant la réforme électorale, le règne de Victoria et l'organisation du parti conservateur[1]. Mais nos technocrates, nos commentateurs agréés et autres professionnels de la désinformation ne s'intéressent pas à l'Histoire de la Grande-Bretagne.
Or, de façon tout à fait parallèle, on a appris ce 25 janvier, au gré d'un débat sur LCI[2], que Chantal Jouanno révèle la différence programmée entre la tournée de communication personnelle du chef de l'État, et la manière dont aurait pu et aurait dû être organisée une consultation directe des Français.
Voilà la deuxième affaire, ou le nouvel aspect de l'affaire Chantal Jouanno. Laissons aux complotistes le soin de répondre à la question posée par Emmanuel Galiero dans Le Figaro qui ose demander : "Reste à savoir qui a voulu sa peau en jetant sa rémunération sur la place publique."
Manifestement, en effet, l'Élysée a pris la responsabilité, et le risque, de court-circuiter cette consultation rebaptisée grand débat national : élégamment, telle parut l'impression des premiers jours, lourdement, telle devint l'impression se dégageant par la suite. Après avoir snobé les 550 000 élus locaux au début de son mandat, Jupiter a redécouvert le maillage indispensable des maires, sans lequel le tissu national se déchirerait.
Voilà au moins un [petit] progrès pensera-t-on. Il reste pas mal d'efforts à accomplir encore pour que nous retrouvions l'impression de vivre vraiment dans un pays libre.
JG Malliarakis  
Apostilles
[1] Ce que décrit le roman manifeste de la Jeune Angleterre écrit par Disraëli : Coningsby ou la jeune génération.
[2] cf. sur le site du Figaro.

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