Dans la Cité phocéenne, la drogue se vend partout, dans les quartiers nord comme en centre-ville. Autrefois tenu par le milieu corse, le trafic de stupéfiants est aujourd’hui dominé par les caïds maghrébins que rien ne semble inquiéter.
Marseille, cité des Oliviers, 10 heures du matin. Ici comme ailleurs, le trafic commence de bonne heure. Autour d’une voiture garée devant l’immeuble, quatre ou cinq jeunes guetteurs sont sur le qui-vive. On les repère à leur air nerveux car on ne sait jamais. Des fois que la police viendrait jeter un œil dans leurs affaires… En attendant, malgré le plan Castaner contre la drogue annoncé à grand fracas à la mi-septembre, celles-ci vont bon train, au vu et au su de tous.
À l’entrée de l’immeuble sur la droite un adolescent sans doute comorien monte la garde assis sur sa chaise. Nous grimpons les escaliers et parvenons au deuxième étage. Des graffitis tachent les murs dégradés. Ici, on s’arrête. Des «choufs», mot qui veut dire «regarde» en arabe, montent la garde. Une barricade faite de bric et de broc bloque le passage et un vendeur, «le charbonneur», propose ses produits aux chalands qui ne viennent pas du quartier. Il est impossible de passer et les résidents de l’immeuble doivent emprunter l’ascenseur s’ils veulent sortir de chez eux.
(…) Direction la Castellane. Ici, c’est plus de 80.000 euros par jour que le trafic génère, voire 100.000 euros selon certains. (…) Armand T., plus de quinze ans de prison, fut un des caïds des quartiers nord durant les années 1990. De père arménien et de mère corse, cet ancien proche de la Brise de mer qui connaît aussi bien le milieu corse que celui des voyous maghrébins a vu le trafic changer sur le plan sociologique.
«Aujourd’hui, comme chacun sait, ce sont les Maghrébins qui dominent le trafic ; les Corses sont encore puissants dans le domaine des machines à sous et des jeux, mais sur le plan de la drogue ils sont sur le déclin. Aux Corses les jeux et les machines à sous. Aux Arabes le shit.»
(…) En attendant, le plan Castaner ne fait pas plus peur que cela aux caïds des quartiers nord. Omar justifie le trafic de stupéfiants pour des raisons sociales.
« Grâce à nous, les gens de notre communauté ont à manger et ils ont accès aux soins. Quelque part, nous nous substituons à l’État. Nous investissons dans le tissu économique et achetons des sociétés de services. Nous avons créé une contre-société » Quelques minutes plus tard, il ajoute:
«Bien sûr qu’il y a des liens et des ponts entre les barbus des cités et nous. Comme eux, nous sommes dans le djihad. Ils ne consomment évidemment pas de drogue, moi non plus je n’en prends pas, mais nous faisons vivre notre communauté. C’est nous qui avons libéré Marseille en 1944, pourquoi n’aurions-nous pas le droit de manger ? Marseille n’est plus à Jean-Claude Gaudin, elle est à nous.»
Pour autant on ne peut éviter la question : certains « barbus », terme qui désigne les musulmans prosélytes, prennent-ils part au trafic, comme cela se répète un peu partout? Pour Thierry R., ex-policier qui travaillait pour la DST dans les années 1990 et que nous rencontrons à Aix-en-Provence, cette hypothèse est crédible.
Lire aussi: Migrants: Marseille pourrait devenir un port d’accueil pour les migrants en Méditerranée
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire