Par un mouvement de balancier, l’idéologie « antiraciste » indigéniste ne cesse de traverser l’Atlantique. Les militants décoloniaux puisent leur idéologie dans les facs américaines et importent en France à la faveur de l’affaire Floyd l’affrontement racial.
« Black lives matter », « Justice pour Adama ». Malgré les faibles dénégations du comité Adama, l'amalgame était trop tentant pour être refusé. Profitant de la vague d'émotion planétaire suscitée par la mort de l'Afro-Américain George Floyd lors de son interpellation par un policier de Minneapolis, des activistes ont mis dans la rue et au centre du débat public la question du racisme et des violences policières. Mais pas n'importe lesquels le racisme est « systémique », le privilège est « blanc », les violences sont contre les noirs (et accessoirement, les autres « racisés »).
Ce qui apparaît aux yeux de l'observateur non averti comme une soudaine - et légitime - explosion d'émotion et de colère est en fait l'aboutissement d'un travail de fond mené depuis des années pour imposer les schémas de pensée américains en France, malgré les différences historiques, politiques et culturelles. Juste retour des choses, puisque les « études culturelles », « études de genre » et « études postcoloniales » en vogue sur les campus américains sont issus de la « French Theory » des déconstructeurs Derrida, Foucault, Deleuze, etc.
Sur ces bases (et celles d'études sociologiques dont la solidité reste à démontrer), se développe un dogme marxisant, qui remplace la lutte des classes par celles des races, des sexes, genre, etc., que l'on combine à loisir sous le vocable d'« intersectionnalité ».
Les racialistes infiltrent la fac
Etape suivante : les « études de doléances », une compétition victimaire dans laquelle le vainqueur remporte le plus de droits à réparations et le perdant est systématiquement l'homme blanc. « Check your privilèges ». Une doctrine suivie religieusement dans les facs américaines et qui fait florès dans les nôtres, au point que Danièle Obono, députée LFI et compagnon de route du Parti des Indigènes de la République - qui défend des thèses racialistes et islamogauchistes - a été nommée en 2018 au conseil d'administration de l'UFR de sciences politiques de l'université Panthéon-Sorbonne. Si la parlementaire récuse cette proximité, elle prendra plusieurs fois la défense d'Houria Bouteldja, sa fondatrice, auteur de Les Blancs, les Juifs et Nous. Tout un programme.
Danièle Obono pèse pourtant peu par rapport à la papesse du mouvement décolonial français, Françoise Vergés. D'une famille de militants de gauche, elle part vivre et étudier aux États-Unis dans les années 80 et 90. Auteur d'une quinzaine d'ouvrages, elle y traite d'esclavage, de racisme et dénonce le « blantriarcat », la « férocité blanche » ou bien le « capitalisme racial », mais attention, dans le sens de « race sociale » (sic).
Elle était présente à la grand-messe des décoloniaux, le « Bandung du nord », organisé à Saint-Denis en 2018 par Houria Bouteldja et Ramon Grosfoguel. On y retrouvait l'Américaine Angela Davis, chantre du « black feminism » dès les années 1960. Militante prolifique, Angela Davis est aussi intervenue en France à plusieurs reprises, notamment pour défendre le voile islamique « au nom du féminisme » en 2013 ou contre le « racisme d’État » en 2015.
Diallo, décoloniale ou suprémaciste ?
Lors de cette dernière action, elle marchait aux côtés de Rokhaya Diallo, qui se réclame du « féminisme décolonial », lequel s'inspire directement du « black feminism » américain. Si elle a étudié en France, Rokhaya Diallo a complété sa formation aux États-Unis, invitée en 2010 par le gouvernement à visiter le pays pour y étudier la « diversité ». On retrouve chez elle toute la doxa politiquement correcte américaine, des privilèges blancs (dont celui de l'absence de racisme anti-blanc) au racisme systémique et au discours victimaire, qui passe des brutalités policières à la couleur des pansements ou la forme des masques de protection, qu'elle compare au passage au voile islamique. Elle a affirmé récemment avoir « des désaccords avec la LDNA » mais c'est « sur la question du sexisme »; pas d'objection contre les déboulonneurs de statues !
Des discours qui débordent depuis plusieurs années des milieux universitaires. Portés sur la place publique par des journalistes complaisants, repris de moins en moins timidement par une partie de la classe politique, ces concepts finissent par faire partie du bruit ambiant. Jean-Luc Mélenchon a pu récemment employer le mot « racisé ». Dans la jeunesse des classes moyennes et supérieures, acculturées et peu politisées, ces thèses, diffusées dans des formats séduisants sur les réseaux sociaux (vidéos, podcasts...), cartonnent. Pas de censure des GAFA sur les « discours de haine » dans le cas de ces contenus qui parlent d'oppression systémique et invitent à se « définir sur le plan racial ». Au contraire, plus vous en consommez, plus les algorithmes de Facebook ou d'Instagram vous en proposent. Le règne de l'émotion joue à plein, les militants « antiracistes » indigénistes jouant à fond sur le besoin de révolte et de justice propre à cette classe d'âge. Ces jeunes bourgeois fournissent d'ailleurs le gros des bataillons des antifas, mouvance d'extrême gauche qui se grise de violences urbaines et de révolution, idiots utiles tant des mouvements racialistes qu'islamistes, qui ne manqueront pas de les éliminer à la première occasion, comme ce fut le cas des communistes lors de la révolution de 1979 en Iran.
Les Traoré, entre politique et criminalité
Et dans les populations issues de l'immigration, qui forment le gros des bataillons des manifestations du comité Adama ? Le cas de la famille Traoré, à la frontière de plusieurs univers, est ici révélateur. Assa, la grande sœur d'Adama, a fait depuis longtemps de son désir de « justice » pour son frère un combat politique. Il faut dire qu'elle a été bien prise en main. Parallèle intéressant, alors que deux des trois fondateurs du mouvement Black Lives Matter aux États-Unis sont issus de la mouvance « Queer » (minorités sexuelles), les parrains d'Assa sont aussi des figures gay, intersectionnalité oblige. Depuis 2017 elle est soutenue par le philosophe Geoffroy de Lagasnerie, figure de la gauche radicale, pour qui, minorités sexuelles et ethniques, même combat.
Il défend les migrants, les racailles qui avaient tenté de brûler vif des policiers, explique (excuse ?) le terrorisme islamiste. Il prend Assa sous son aile en 2017 et cosignera son second ouvrage, Le Combat Adama. Lagasnerie apporte dans ses bagages son compagnon, le sociologue Didier Eribon, élève de Foucault, chantre du LGBTisme et leur inséparable ami, l'écrivain Emile Louis.
Pourtant, Assa Traoré ne les a pas attendus pour politiser son combat, elle qui veut imposer sa vérité - les gendarmes ont tué son frère - plutôt que la vérité, qui reste à établir même si trois expertises judiciaires innocentent les pandores. Dès 2016, son avocat et elle font d'Adama un « symbole des violences policières » et dénoncent la dimension « raciale » de l'affaire. Hasard ? Dans la foulée, sort à propos de l'affaire Traoré un éditorial dans le New York Times, intitulé « Black Lives Matter in France, too », qui dénonce une « culture de l'impunité » bien ancrée chez les policiers français. Dès lors, Assa ne sortira plus de cette ligne, l'essentiel de son combat pour « la justice » se résumant à des coups de pression médiatiques et politiques, avec le soutien d'autres groupes « antiracistes » et de la rue.
Le reste du gang Traoré a un palmarès moins intellectuel cette famille polygame (quatre mères, 16 frères et sœurs) fait régner la terreur dans la commune de Beaumont-sur-Oise. Extorsion de fonds sur personne vulnérable, trafic de drogue, viol, violences variées, outrages... le casier judiciaire de la famille ressemble à un Code pénal complet, ce qui n'empêche pas Assa - sous le coup de quatre plaintes pour diffamation - de déposer plainte contre ceux qui ont eu l'outrecuidance de le rappeler publiquement... En plus de snober la garde des Sceaux et de poser ses conditions au président de la République. Car même symboliquement, le combat indigéniste est un combat suprémaciste. « Une chance pour la France », comme a dit Christiane Taubira à propos d'Assa.
photo Assa Traoré, la sœur d'Adama une recherche de vérité sur la mort de son frère qui semble bien orientée...
Richard Dalleau Monde&Vie 20 juin 2020 n°987
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire