Aristide Leucate
Boulevard Voltaire
La majorité des jeunes Français nés aux premières lueurs du millénaire seraient bien en peine d’avoir lu Robert Brasillach (1909-1945). L’on doit savoir gré aux Éditions Pardès de s’être attelées à la réédition de l’œuvre de ce « maudit » qui fut, quoi qu’on en ait dit, un grand écrivain.
Citons quelques-uns des titres récemment sortis de l’oubli et des étagères poussiéreuses des bouquinistes : Le Voleur d’étincelles (1932), Le Marchand d’oiseaux (1936), Les Sept Couleurs (1939), La Conquérante (1943), Les Captifs (roman inachevé commencé en captivité en 1940), Théâtre complet…
Bien que paru largement avant le Journal d’un homme occupé (1955), Notre avant-guerre (1941) est le dernier-né de la réédition des œuvres du Catalan. L’on comprend mieux pourquoi quand on a le livre entre les mains. Un travail de composition aussi colossal que remarquable qui rend somptueusement hommage à l’un des plus beaux chefs-d’œuvre de Brasillach. Introduit par une préface de Peter Tame, grand connaisseur de l’œuvre et auteur d’une traduction en anglais de Notre avant-guerre, l’ouvrage est abondamment illustré par une iconographie le contextualisant – autant à l’usage des jeunes générations que des plus anciens qui n’ont pas eu l’heur de vivre et connaître les événements, les noms, les ouvrages ou les spectacles décrits et mentionnés par le beau-frère de Maurice Bardèche. On signalera, en outre, la présence éclairante de notices explicatives des mouvements et titres évoqués, d’une bibliographie de et sur l’auteur ainsi que d’un précieux index des noms cités, faisant de cette édition un des principaux événements éditoriaux de la rentrée.
Couvrant les années 1925 à 1939, Notre avant-guerre se présente comme le roman authentiquement vécu d’un homme dont la trajectoire du nationalisme maurrassien au fascisme sera étroitement liée à cette « génération dans l’orage » écartelée entre le douloureux souvenir de la Grande Guerre et les funestes et illusoires promesses de celle qui s’annonçait à l’ombre immense et rouge du fascisme international.
Quel intérêt le lecteur d’aujourd’hui trouverait à ces mémoires vieux de quatre-vingts ans ? D’abord, sa langue poétique, parfois d’une suavité qui n’est pas, sans forcer le trait, sans quelques analogies avec le caressant soleil de Catalogne. Ensuite, et surtout, par la sublimation de cette « nostalgie banale » et l’extrême « sensibilité au passage du temps », ainsi que le souligne le préfacier.
Sans doute moins abouti littérairement, le Journal d’un homme occupé, publié dix ans après la mort de Brasillach et agencé selon ses propres instructions par Maurice Bardèche, s’entend comme la chronique des années de captivité, d’occupation et d’épuration. Ainsi sont dans ces pages que l’on trouve, par exemple, ces « choses vues » à Katyń qui permirent au journaliste de Je suis partout d’éventer les massacres atroces d’officiers polonais que les Soviétiques cherchaient à imputer aux armées hitlériennes.
Deux livres, deux occasions, et non des moindres, pour découvrir un auteur injustement sali par une postérité aveugle. Écrivain doué, Brasillach s’était essayé à tous les genres, du roman au théâtre, de la critique littéraire à la poésie jusqu’à l’histoire du cinéma (signalons la récente parution, chez Auda Isarn, de Chronique du 7e art, qui renferme ses critiques cinématographiques de 1927 à 1944).
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