Vous ne comprenez plus rien à la politique ? Voici pour vous permettre de trouver des réponses, un formidable Dictionnaire des populismes; il offre une mise au point sur les grands populistes du monde entier, sur les populismes à travers le monde et sur les grands thèmes de la culture populiste.
Olivier Dard, Christophe Boutin et Frédéric Rouvillois avaient déjà publié au Cerf en 2017 un passionnant Dictionnaire du conservatisme. Cette fois, le même petit groupe de complices se lance dans l'étude du populisme, en mettant ce mot au pluriel, tant le populisme dépend de la culture de chaque peuple. Le populisme polonais est-il comparable avec le populisme égyptien ? Lech Walesa (ou plutôt ses « successeurs » les frères Kaczinski) avec Gamal Abdel Nasser ? Quel point commun entre le Tea party états-unien et le Perussuomalaiset, ou Parti des Vrais Finlandais ?
L'aventure dans laquelle se sont embarqués les contributeurs porte un nom : dédramatisation. Tout savoir sur le populisme, c'est le mettre hors d'état de nuire, c'est le rendre prévisible, c'est en faire un système comme les autres, l'affaire de spécialistes universitaires et pas de démagogues à foucades et à tocades. Les populistes portent une critique de la société libérale. Il importe d'en mettre au jour les principes, au-delà de toutes les tentatives de diabolisation. C'est toute l'affaire de ce dictionnaire, c'est le sens de son appel au savoir contre toutes les inutiles sonneries de tocsins, contre les stratégies de la peur. La conclusion de l'article Fascisme, signée Didier Musiedlak spécialiste de Mussolini, est particulièrement intéressante : « Tout mouvement fasciste est de nature populiste, mais il dispose en même temps d'un projet idéologique à caractère subversif. À l'inverse, tout populisme, même à caractère xénophobe et raciste, ne relève pas du fascisme. Il est de ce fait totalement illusoire d'évoquer pour le populisme contemporain une connotation fascisante sur fond d'un retour aux années Trente ». Le fascisme est, pour une part de lui-même un sous-ensemble du populisme. Mais le populisme n'est évidemment pas un sous-ensemble du fascisme comme on voudrait nous le faire croire, car il n'a pas d'idéologie. L'idéologie du Stato nuovo (l'État fasciste, que les théoriciens sont allés chercher chez Hegel), l'idéologie de la race aryenne (que Hitler a trouvée au fond d'un bric-à-brac Vôlkisch) ne sont évidemment pas présentes dans les populismes d'aujourd'hui, et cela tout simplement parce que l'on ne croit plus au progrès et que l'on se désintéresse a priori, dans le même temps, de toutes les solutions miracles de tous les docteurs Mabuse de la politique. Le populisme est un retour du peuple à lui-même, un réflexe de défense, avec toutes les fautes que l'on peut attribuer aux simples réflexes, mais aussi avec la légitimité a priori concédée à toutes les formes de défense et d'autodéfense.
J'avoue qu'en ce sens je m'opposerai à la mise au point initiale de ce Dictionnaire, qui voudrait que « le populisme soit l'idéologie du peuple », citant immédiatement l'abbé Sieyès et sa fameuse question : « Qu'est-ce que le Tiers-État ? Tout ». Il me semble qu'il y a dans les populismes d'aujourd'hui un refus de l'idéologie des Lumières, qui en fait tout le caractère prophétique. Pour un Gilet jaune, ce n'est pas parce que le peuple n'est pas tout qu'il est rien. Le peuple, instrumentalisé par les élites, doit être rétabli dans sa dignité, mais pas érigé en une Totalité qui serait fasciste à force d'être démocratiste. La grande nouveauté des populismes, comme l'a bien compris Didier Musiedlak, c'est non seulement qu'ils se passent d'idéologie, mais qu'ils font a priori la critique de tous les discours totalisants ou globalisants..
Collectif, Dictionnaire des populismes, éd. Cerf, 1 220 p., 30€
Joël Prieur monde&vie 3 octobre 2019 n°976
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