Une semaine après l’assassinat de Samuel Paty et les vérités qui émergent sur les censures et les autocensures dont certains enseignants font preuve au sujet de l’islam pour ne pas être inquiétés, et alors que personne ne s’émeut guère qu’un inspecteur de l’Éducation nationale était missionné pour lui rappeler, à lui, les règles de neutralité et de laïcité, un événement vient jeter le trouble.
Résumé par La Dépêche : « Une partie de la communauté musulmane de Casseneuil a investi la mairie de cette commune proche de Villeneuve-sur-Lot pour protester contre des messages postés par un élu municipal sur un réseau social. Il s’agirait selon les manifestants de propos racistes. Présent en mairie, l’élu s’est excusé et a annoncé sa volonté de démissionner. »
L’élu a effectivement démissionné en présentant des excuses et le nouveau maire s’est aussi désolidarisé de lui.
La presse locale parle, ce matin, d’« apaisement » : pour elle, tout est rentré dans l’ordre. Mais dans quel ordre ? Cette presse cautionne donc cette intervention et ces pressions qui sont tout sauf démocratiques : depuis quand envahit-on une mairie pour obtenir la démission d’un élu ? La même presse n’en finit pas de donner des leçons de « savoir vivre ensemble » :
« Les rapports entre la politique et les réseaux sociaux sont toujours très ambigus. Quand on est un particulier, les messages postés n’engagent que leur auteur. Quand on est un élu local, cela est totalement différent. Les messages, les relais de messages, les opinions personnelles engagent, aux yeux des lecteurs, l’ensemble du groupe auquel cet élu appartient, surtout en cette période sensible où les risques de replis communautaires et de vives réactions sont réels. C’est ce qui vient de comprendre Bernard Clain, conseiller municipal nouvellement élu à la mairie de Casseneuil. »
Morale de l’histoire : pour éviter les replis communautaires, cédons aux revendications communautaristes ?
Du côté du maire et des élus, on a aussi préféré la soumission à la défense de la démocratie et d’un élu sous pression. La Dépêche rapportait les propos lancés, jeudi, dans la mairie autour de Smaïn Djebarni, président de l’association La Justice égale pour tous, à l’origine de cette action : « Il n’a pas sa place au sein d’une municipalité qui a été élue par un bon nombre de membres de la communauté musulmane. »
Les choses sont malheureusement claires : soumission de la presse, soumission des élus, au mépris des plus élémentaires règles de droit – liberté d’expression, démocratie. On attendait vainement le soutien d’un président de la République, d’un Garde des Sceaux. Et un rappel élémentaire des principes de la démocratie et de la laïcité de base : un groupe de pression se présentant lui-même comme représentant une partie de la “communauté musulmane” a-t-il le droit d’investir une mairie et de demander la démission d’un élu ? On aurait pu espérer au moins une forme de “en même temps”. M. Darmanin, qui semblait vouloir incarner tout cela ces derniers jours, a visiblement donné d’autres consignes. En effet, la représentante de l’État a immédiatement cédé aux injonctions de l’association musulmane en question : « Suite à la publication, sur un réseau social, de propos insultants portant atteinte à la dignité de la communauté musulmane, la préfète de Lot-et-Garonne appelle au calme et à l’unité républicaine. Aucune incitation à la haine ne peut être tolérée. L’autorité judiciaire a été saisie de ces faits. »
“La justice égale pour tous”, quel beau nom… Mais pour cet élu, c’est une drôle de Justice qui l’a poussé à la démission. Une Justice communautaire reposant sur l’intimidation. On peut facilement imaginer les pressions qui pesaient de toutes parts sur ce conseiller municipal qui, rappelons-le, ne fait l’objet d’aucune condamnation ni d’aucune mise en examen.
Ainsi va la vie démocratique en France, en 2020, sous Emmanuel Macron, une semaine après l’assassinat de Samuel Paty. Cela n’a rien de rassurant.
Dominique Monthus
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