Selon l’historien allemand Gerd Krumreich, c’est bien l’Allemagne qui porte la responsabilité de la conflagration de 1914.
Dès 1919, le traité de Versailles faisait porter sur les seuls Allemands la responsabilité du déclenchement de la Grande Guerre. Outre-Rhin, cette clause nourrirait l’esprit de revanche : aux yeux des Allemands, et pas seulement des nationalistes, leur pays, cerné par des Etats hostiles, avait été contraint de se défendre en 1914. Cette interprétation allait perdurer : en 1961, Fritz Fischer, un professeur de l’université de Hambourg, faisait scandale, dans son pays, avec un livre où il affirmait que les hostilités avaient été voulues par l’Allemagne, à l’été 1914, dans une perspective offensive.
Alors, qui a déclenché la Première Guerre mondiale ? En cette année du centenaire, ce débat a été relancé, notamment en raison du succès international du livre d’un historien australien, enseignant à Cambridge, Christopher Clark : dans Les Somnambules (Flammarion, 2013), l’auteur démonte le mécanisme infernal qui s’est mis en branle lors de l’assassinat de François-Ferdinand d’Autriche et affirme que tous les Européens, dans un mélange de conscience et d’inconscience, de volonté et de résignation, ont marché comme des « somnambules » vers l’abîme. Christopher Clarke n’exonère en rien l’Allemagne : certains pays sont donc plus coupables que d’autres, selon lui, mais la responsabilité initiale du conflit est partagée.
Et voici que Gerd Krumeich, professeur émérite à l’université de Düsseldorf, lui donne la réplique dans un ouvrage passionnant. Spécialiste de 1914-1918, cet historien allemand, vice-président du centre de recherche de l’Historial de Péronne, est catégorique : c’est l’Allemagne qui, hantée par le « péril russe », a utilisé l’attentat de Sarajevo afin de devancer une éventuelle attaque de la Russie et de son allié français, Berlin préférant déclencher la guerre que la subir. Si Gerd Krumeich ne disculpe pas entièrement la France et la Russie dans la crise de juillet 1914, notamment en raison de l’anticipation de la mobilisation russe, sa conclusion est nette : « L’Autriche-Hongrie et l’Allemagne ont pressé sur le bouton à un moment où tous les autres pays espéraient encore trouver une solution pacifique. » La discussion est rouverte…
Jean Sévillia
Le Feu aux poudres. Qui a déclenché la guerre en 1914 ?, de Gerd Krumeich, Belin, 302 p., 23 €. Traduit de l’allemand par Claudine Layre.
https://www.jeansevillia.com/2015/04/11/qui-a-declenche-la-guerre-de-14/
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