Nonobstant les soubresauts de l’Histoire, la géopolitique et, surtout, la géographie ont depuis longtemps repris leurs droits et il n’y a plus guère que l’Élysée pour faire encore semblant de croire que ce couple en est toujours un. Car depuis, les rapports de force se sont inversés. De nain politique, quoique géant économique, l’Allemagne est désormais devenue championne en ces deux domaines. Dans les couples, il y a souvent un cocu. La France, donc.
Et Jean Quatremer, journaliste à Libération et un des meilleurs connaisseurs des arcanes européennes, de citer un diplomate français, au lendemain du retrait de la chancelière Angela Merkel : « À chaque changement de gouvernement allemand, on revient au point de départ. Il faut le temps que Berlin admette que, seul, il ne peut rien. »
Pourtant, voilà qui n’a pas empêché Olaf Scholz, le nouveau chancelier, d’ajourner le Conseil des ministres franco-allemand, pourtant prévu à Fontainebleau la semaine prochaine, à une date ultérieure. Soit, selon la même source, « un signal politique d’autant plus désastreux qu’il intervient à la veille du sommet européen de ces jeudi et vendredi censé enfin apporter une réponse à la flambée des prix du gaz et de l’électricité ».
Mais il est vrai que l’Allemagne, jouant cavalier de plus en plus seul, semble tenir pour quantité négligeable les avis de ses « partenaires européens », dont la France, l’Espagne et le Portugal qui entendent revenir sur « ce système baroque [même Libération en convient, NDLR] mis en place lors de la l’ouverture à la concurrence du marché de l’énergie », à cause duquel « le prix de l’électricité dépend de la dernière centrale mise en marche (charbon ou gaz) pour répondre à la demande afin de pousser les acteurs de l’énergie à investir dans le renouvelable, moins polluant et moins cher ».
Tout cela était certes bien beau ; au moins vu de Berlin : la France, de fait, ne pouvait plus vendre à bon marché son électricité fournie par le nucléaire tout en se trouvant sommée de polluer nos paysages à grands coups d’éoliennes, tandis que Berlin - Jean Quatremer dixit -, « certain de son modèle de dépendance au gaz russe bon marché, de sortie du nucléaire et d’investissements massifs dans le renouvelable », continuait de dicter sa loi, fort qu’il était du soutien de l’Allemande Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne.
Seulement voilà, le gaz russe ne coule plus comme naguère, pour cause de guerre en Ukraine. Et maintenant qu’Olaf Scholz commence à changer son fusil d’épaule, Ursula von der Leyen esquisse une possible réforme du marché européen de l’énergie à l’horizon 2023. Pour redonner un nouvel élan à la construction européenne ? Pas du tout, cette démarche ayant manifestement plus à voir avec la survie de la puissante industrie allemande dont le moins qu’on puisse prétendre est qu’elle n’a plus le lustre de jadis : « Outre-Rhin, la forte dépendance au gaz russe des entreprises est profondément remise en cause par la crise énergétique, qui entraîne une violente hausse des prix et des dépôts de bilan en cascade », toujours selon Jean Quatremer ; et ce, surtout dans ces petites et moyennes entreprises faisant la richesse industrielle de notre voisin.
Bref, une fois de plus, si les instances européennes changent de stratégie, ce sera pour satisfaire aux exigences de la puissante Allemagne et non point à celles de la France, éternelle oubliée de ce couple qui n’en fut jamais vraiment un. Quant à l’Europe, c’est à croire qu’il s’agit du dernier souci de la Commission européenne.
Nicolas Gauthier
https://www.bvoltaire.fr/relations-franco-allemandes-de-plus-en-plus-deau-dans-le-gaz/
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