Et il y a de quoi. Adèle Haenel, par exemple, plus qu’en pointe dans le feuilleton #Metoo, a décidé d’arrêter sa carrière sur grand écran pour dénoncer un « système réactionnaire, raciste et patriarcal » après avoir quitté la cérémonie (millésime 2020) en s’en prenant publiquement au réalisateur Roman Polanski. Un an plus tard, Corinne Masiero, capitaine Marleau sur France 3, se croit maligne en se présentant à poil devant « la grande famille du cinéma français » avec des tampons hygiéniques en guise de boucles d’oreilles.
Bref, ce désamour est tout, hormis immérité. Il n’empêche qu’il serait injuste de mettre tout ce joli demi-monde dans le même panier. La preuve par Jean Dujardin et ses propos récemment tenus dans l’émission « Sept à huit », sur TF1. Attention, âmes sensibles et progressistes s’abstenir : « J’aime bien aimer ce pays et j’aime bien le dire parce que je pense que le plus gros problème de ce pays, c’est qu’il ne s’aime pas, ou pas assez. »
Et Dujardin d’en remettre une couche : « Parfois, je l’ai un peu surjoué. J’ai été un peu chauvin, au moment où, justement, on imaginait que je ne le serais plus. » Ce qu’il a précisément fait en recevant l’Oscar du meilleur acteur, le 26 février 2012, pour The Artist, le superbe film de Michel Hazanavicius. Durant la cérémonie, il ne mit pas la pédale douce sur les cocoricos. À l’époque, nombreux furent ceux qui lui prédisaient une carrière américaine. Il se contenta pourtant de deux modestes rôles, dans Le Loup de Wall Street (2013), de Martin Scorsese, où il donne la réplique à Leonardo DiCaprio, et dans Monument Men (2014), de George Clooney. Voilà qui aurait fait tourner la tête d’une palanquée d’acteurs et d’actrices, mais pas la sienne, manifestement bien faite.
Lucide, il évoque cette période : « On m’a prêté cette intention… Ben non ! […] Je n’ai jamais eu un grand rêve d’Amérique. Moi, mon grand rêve, c’était de rencontrer Jean-Paul Belmondo. C’est là où j’ai été le plus intimidé. » Effectivement, plus franco-français, on ne fait pas. Quant à son éventuelle carrière hollywoodienne, Jean Dujardin persiste à garder les pieds sur Terre : « Je ne crois pas qu’un acteur français puisse bien jouer en anglais. […] En ce qui me concerne, la greffe ne prend pas. C’est assez amusant, parce que c’est assez exotique, mais l’idée est quand même de revenir à la maison mère. » La France, donc !
Et pourtant, cette France, il l’a raillée en incarnant à trois reprises l’agent OSS 117, le héros de Jean Bruce, dans Le Caire, nid d’espions (2006), Rio ne répond plus (2009), de Michel Hazanavicius, sans oublier Alerte rouge en Afrique noire (2021), de Nicolas Bedos, autrement moins réussi. Dans cette trilogie, il rit de la France mais pas contre la France, plutôt avec elle et ces millions de Français qui ne s’y sont effectivement pas trompés. Car il s’agit là d’un rire franc et affectueux, au contraire des actuels ricanements d’autres comiques plus ou moins subventionnés. Mieux : dans ces pochades, il incarne un patriote maladroit – c’est le moins qu’on puisse prétendre – mais sincère. Un peu comme lui, somme toute.
S’il y avait plus de Jean Dujardin dans le cinéma français, ce dernier ne s’en porterait probablement que mieux. En attendant, la relève de ces grands acteurs de « droite », les Jean Gabin, Lino Ventura, Maurice Ronet, Claude Rich, Alain Delon et, évidemment, Jean-Paul Belmondo, même s’ils incarnaient, chacun à leur façon, cinquante nuances de tricolore, paraît aujourd’hui assurée.
Nicolas Gauthier
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