L’affaire devait être simple : la construction d’une autoroute reliant Castres et Toulouse.
Mais les membres des Soulèvements de la Terre ne l’entendaient pas de cette oreille.
Depuis plusieurs jours, des dizaines de manifestants se pressent à l’appel de l'organisation en vue d’une mobilisation ce samedi 22 avril qui laisse présager les mêmes affrontements que ceux qui se sont déroulés à Sainte Soline. Et pourtant, les Soulèvements de la Terre ne devraient plus exister… Car le débat de sa dissolution agite l’opinion depuis les affrontements autour de la mégabassine de Sainte-Soline.
Le ministre de l’Intérieur estime en effet que « ce groupement de fait » est à l’origine des actions violentes survenues lors du rassemblement contre les mégabassines à Sainte-Soline, les 25 et 26 mars. « Violences répétées, attaques contre les forces de l’ordre, appels à l’insurrection… Les Soulèvements de la Terre ont encore montré à Sainte-Soline la menace qu’ils représentent », tweetait le ministre, le mois dernier.
L’association visée avait répondu en dénonçant dans un communiqué de presse « une tentative crapuleuse par le ministre de l’Intérieur de faire baisser l’attention sur les violences meurtrières qu’il a déchaînées contre les manifestant·es de Sainte-Soline. Il s’agit, là encore, d’étouffer un mouvement politique fédérateur qu’il considère comme un affront. Après l’attaque brutale pour briser les corps samedi, vient naturellement le pendant politico-judiciaire. » Cela fait maintenant près d’un mois que l’annonce a été faite par Beauvau et il ne se passe, de fait, rien pour le moment. Les agriculteurs de Sainte-Soline ou encore les riverains de Nantes peuvent en témoigner : les victimes sont rarement prioritaires dans les jugements rendus.
Il y a en effet les bons et les mauvais ultras. Les bons et les mauvais factieux. Si parler de deux poids deux mesures est devenu un marronnier pour ce qui concerne l’action judiciaire ou la lutte contre l’insécurité, le cas des « Soulèvements de la Terre » est un cas d’école. Surtout en comparaison des autres décrets de dissolution engagés par la Place Beauvau. Ainsi le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin avait-il, en février 2021, annoncé sa volonté de dissoudre l’association Génération identitaire. La chose était actée dès le 3 mars de la même année en Conseil des ministres, un peu moins d’un mois plus tard. L’association avait contesté la décision devant le Conseil d’État qui avait confirmé le décret ministériel. Un délai express, cette fois...
Le précédent de « Nantes révoltée »
Un an après la dissolution de Génération identitaire et après d’énièmes violences urbaines en janvier 2022 dans le cadre d’une manifestation « antifasciste », la question de la dissolution de l’entité « Nantes révoltée » avait été annoncée par Gerald Darmanin. Nous sommes en avril 2023, plus d'un an s'est écoulé depuis cette annonce et les groupuscules antifas nantais groupés derrière la bannière de ce « média social » sévissent encore dans la ville des ducs de Bretagne, dans une totale impunité. « On rappelle que Génération identitaire ne réalisait que des happenings non violents », soupire l'avocat Pierre Gentillet, qui pourfend régulièrement sur les plateaux la totale impunité de ces groupuscules d’extrême gauche.
Comment dissoudre une association ?
« Il n’y a que trois possibilités, affirme Pierre Gentillet. Soit l’association s’autodissout, soit un tribunal prononce une dissolution, judiciaire. Et puis il y a effectivement la dissolution administrative », poursuit l’avocat, qui insiste sur le record établi par Gérald Darmanin dans l’utilisation d’un tel dispositif. Un dispositif « voté en 1936 pour réprimer les troubles secouant le pays depuis l’émeute du 6 février 1934 », rappelle le médiatique avocat.
Que dit la loi ?
L’article L212-1 conditionne la dissolution de l’association visée au fait qu’elle se soit rendue coupable d’au moins un des sept cas ci-après : « une provocation de manifestations armées ou d’agissements violents ; qui présentent le caractère de milices privées ; portent atteinte à l’intégrité du territoire ou à la forme républicaine du gouvernement ; qui fasse échec au rétablissement de la légalité républicaine ; rassemble des individus ayant fait l'objet de condamnation du chef de collaboration avec l'ennemi ; incite à la haine, à la discrimination ou à la violence sur des critères de sexe, raciaux, orientation sexuelle, identité de genre, religion, etc. ; enfin, qui se livrent, sur le territoire français ou à partir de ce territoire, à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l'étranger. »
L’Intérieur peaufine son dossier
Sur quel critère Gérald Darmanin pourrait-il demander la dissolution des Soulèvements de la Terre ? Au vu de la violence des affrontements, on pourrait penser que les deux premiers points suffiraient. Mais est-ce vraiment souhaitable ou pertinent ? En tout cas, chez les services de renseignement, on craint l’inefficacité d’une telle procédure. « La dissolution risque d’entraîner la création d’autres collectifs encore plus violents », s’inquiète un spécialiste de la sécurité. En bref, entre Beauvau et les écologistes radicaux, on est passé du bras de fer à la guerre de dissuasion. Et à ce jeu, c’est souvent le plus faible des adversaires qui risque bel et bien de gagner. Au fond, si Génération identitaire avait été un mouvement violent, peut-être aurait-elle échappé à la dissolution ? Nantes révoltée a en tout cas démontré qu’on pouvait tout détruire impunément sans conséquence administrative. À moins que la dissolution des associations ne se fasse uniquement sur des critères idéologiques et politiques ? On n’ose le croire ! « Généralement, l’Intérieur avance deux raisons de dissolution pour laisser au Conseil d’État le loisir d’en retoquer une, de façon à sortir la tête haute », soupire Gentillet. De quoi faire baisser la tête de la Justice… et des agriculteurs concernés.
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