Nul n’est prophète en son pays, et Joseph de Maistre ne fait pas exception à cet adage populaire. Pour la collection Longue Mémoire de l’Institut Iliade, Marc Froidefont revient sur ce savoyard, catholique (malgré un passage dans une loge maçonnique) qui est reconnu pour être l’un des pères de la philosophie contre-révolutionnaire. C’est par une approche philosophique et historique que l’auteur nous propose de redécouvrir ce penseur essentiel pour qui veut se construire une pensée politique cohérente.
Dans un premier temps, Marc Froidefont s’emploie à montrer comment, en effectuant un glissement du sens du mot nation, les philosophes des Lumières et les Révolutionnaires ont modifié profondément les rapports qui unissaient les hommes entre eux. C’est bien ce changement de paradigme philosophique qui fut le point de départ de la réflexion de Joseph de Maistre, comme le montre bien l’auteur de cette nouvelle publication. Face à l’universalisme constitutif de la Déclaration des Droits de l’Homme, d’une constitution qui place la loi de la république naissante au-dessus des coutumes et des traditions qui unissaient les hommes d’une même région, Joseph de Maistre rappelle qu’une nation est avant tout naturelle, historique, culturelle et religieuse. L’inversion des valeurs et la mise en place d’un contrat social, fruit d’une philosophie matérialiste, héritage de la pensée lockienne cherchent à détruire toute expression d’une diversité liée à une région et son histoire.
S’appuyant sur la philosophie aristotélicienne, Marc Froidefont rappelle que pour Joseph de Maistre l’homme est « un animal intelligent, religieux et sociable », qui a besoin d’un ordre structuré et cohérent pour pouvoir vivre en communauté. L’auteur poursuit sa réflexion en rappelant la nécessité d’avoir, à la tête d’une nation, un souverain ayant pour but premier le bien de son peuple, c’est-à-dire de sa nation. C’est cette mission divine qui doit guider la volonté d’un souverain tourné vers le Bien Commun des communautés qui constituent sa nation. S’appuyant sur le rôle des mères qui développent chez leurs enfants « le respect de la morale et de la religion », le souverain pourra lutter contre le Mal pour que sa nation ne devienne pas décadente. L’auteur poursuit en rappelant que les nations sont des entités vivantes, et qu’en cela elles naissent et meurent, et peuvent même se combattre les unes les autres. Loin d’un pacifisme déconnecté de la réalité, Joseph de Maistre ne nie pas la guerre qu’il considère comme un châtiment divin. Enfin Marc Froidefont propose un dernier chapitre où il développe la vision que Maistre a pu se forger de l’Islam et le danger qu’il pouvait déjà représenter au XIXe siècle pour une Europe au moins unie par un christianisme commun.
À chaque période de crise, il s’agit de revenir aux fondamentaux et à l’essence des choses. Lire un ouvrage sur Joseph de Maistre, le philosophe qui s’opposa à l’esprit dit « des Lumières » et à la Révolution Française, est presque devenu un acte de résistance intellectuelle, à l’heure où les journalistes usent et abusent des termes de nation, peuple, république ou constitution, sans avoir conscience du sens et de la portée de ces mots…
Informations techniques
Joseph de Maistre. La nation contre les droits de l’homme, par Marc Froidefont, La Nouvelle Librairie éditions, 2023, 84 pages. Prix : 9 €. ISBN : 978-2-493898-63-0
https://institut-iliade.com/parution-joseph-de-maistre-la-nation-contre-les-droits-de-lhomme/
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