Mais voilà qu'un sondage Odoxa pour Le Figaro, paru jeudi, vient donner à l'exécutif le sentiment des Français sur cette semaine d'émeutes inédites mais largement prévisibles. Les réponses sont doublement éclairantes.
D'abord sur l'interprétation de la situation, de la crise et de ses causes. Et, au pays de Descartes, la vision des Français est claire, loin des délires de MM. Darmanin et Macron. Et, a fortiori, de ceux de M. Mélenchon. Ils sont ainsi 84 % à condamner ces émeutes. Les 16 % qui manquent à l'appel se reconnaîtront, et nous aussi. Ils sont aussi 64 % à se ranger derrière la police. Mais seulement 27 % derrière le gouvernement. Un hiatus révélateur : en creux, pour les Français, ce n'est pas le gouvernement qui a contenu la folie émeutière. Le pouvoir ne recueille aucun réflexe légitimiste, comme c'est le cas d'ordinaire. Pas d'effet drapeau, comme le souligne Vincent Trémolet de Villers.
Et cela pour trois raisons : probablement, le désaveu cinglant et précipité par Macron et Borne du policier dès le début ; ensuite le mécontentement devant les dénis de Darmanin et Macron sur les profils et les mobiles des émeutiers ; enfin, plus profondément, la prise de conscience massive que gouvernement et Président sont bien coresponsables du chaos migratoire qui a abouti à l'embrasement. Les Français sont ainsi nettement majoritaires pour demander un durcissement de la politique migratoire et sécuritaire : 71 % veulent une réduction des flux migratoires, 78 % la suppression de « l’excuse de minorité », 75 % sont favorables à la déchéance de nationalité des émeutiers ayant une double nationalité et 77 % souhaitent des « sanctions financières » contre les parents de délinquants. Du jamais-vu. Avec cette pierre particulière dans le jardin de Beauvau : 59 % exigent un durcissement de la loi Immigration. Des chiffres pleins de bon sens, qui valident les programmes LR, Reconquête et RN en la matière. Mais au pays du déni (celui de Darmanin et Macron), ils étaient nécessaires. Un autre sondage (YouGov pour Le HuffPost) confirme le désaveu cinglant pour Emmanuel Macron : 79 % des sondés estiment que le chef de l’État « n’est pas à la hauteur » dans la gestion de cette crise.
Mais le sondage Odoxa, au-delà de ce verdict redoutable pour le macronisme, fournit aussi des résultats sur l'état d'esprit des Français relativement nouveaux et qui traduisent à quel point il y aura un avant et un après ces émeutes de juillet 2023. Malheureusement peut-être pas dans la politique menée, vu les déclarations officielles, mais bien dans les convictions d'une majorité, et même d'une très forte majorité. Ce qui orientera forcément le hiatus évoqué plus haut entre le peuple et le pouvoir actuel et, bien sûr, les prochaines élections. En effet, les Français sont 89 % à éprouver « de l’inquiétude pour l’avenir de la France ». Répètez-vous lentement ces mots et ce chiffre : du jamais-vu depuis des situations de... guerre, surtout à une période où la France n'est plus, pour beaucoup d'entre eux, « la princesse des contes ou la madone aux fresques des murs ». Au moment où le sol se dérobe sous leurs pas, les Français vivent un violent retour du refoulé : la France. Mieux vaut tard que jamais.
Mais ce vertige devant le saccage de la France pendant cinq jours a aussi exacerbé un sentiment latent ou qui n'était que minoritaire : désormais, 84 % d'entre nous éprouvons de la « colère ». Un chiffre qu'Emmanuel Macron devra bien noter dans son cahier de vacances.
Enfin, jamais comme aujourd'hui la fameuse phrase de Roger Gicquel, au 20 Heures de TF1, en 1976, n'aura été aussi pertinente : « La France a peur. » Pas à cause d'un énième fait divers horrible dû à la faillite de notre politique migratoire, mais en raison de la violence désormais systémique causée par cette politique qui peut faire basculer en quelques heures la France dans le chaos. Au sortir de ces émeutes, 64 % des Français ont peur.
Que peut-il sortir d'un peuple qui éprouve de la colère et de la peur à un tel degré ? Une logique cartésienne oblige à prononcer les mots de « révolte » qui, en démocratie, aboutit normalement à une franche alternance. Quant au pouvoir, que doit-il faire, s'il ne veut pas faire les frais de cette révolte ? Toujours en bonne logique, surtout pas ce qu'il a fait jusqu'à présent et ce qu'il continue de faire cette semaine. Emmanuel Macron et Gérald Darmanin ne pourront pas dire qu'on ne pouvait pas savoir.
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